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Areka Consulting : "Le levier pour réduire les émissions est de réduire les voyages"

L'interview d’Aurelie Duprez, fondatrice du cabinet Areka Consulting.


A la suite du dernier Grand live du voyage d’affaires organisé par CDS Groupe en partenariat avec l'IFTM Top Resa, nous avons voulu redonner la parole à tous les intervenants pour évoquer les enjeux majeurs du secteur autour de la décarbonation, la digitalisation et la dématérialisation. Aujourd'hui, retrouvez l'interview d’Aurelie Duprez, (Areka Consulting).


Rédigé par le Vendredi 9 Juin 2023

"Certains groupes affichent des objectifs colossaux de réduction de 30% des déplacements, il faudra forcément réduire les déplacements et développer des alternatives", affirme Aurélie Duprez, fondatrice d'Areka consulting. - @A.D.
"Certains groupes affichent des objectifs colossaux de réduction de 30% des déplacements, il faudra forcément réduire les déplacements et développer des alternatives", affirme Aurélie Duprez, fondatrice d'Areka consulting. - @A.D.
TourMag.com : Où en est le voyage d’affaires dans le processus de décarbonation ?

Aurélie Duprez :
C’est le grand sujet du moment ! Le développement durable est au cœur des préoccupations des entreprises. Nous travaillons pour des grands groupes, qui dépensent au moins 10 millions d’euros dans les déplacements, pour eux il y a un enjeu de communication et bientôt une obligation règlementaire.

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Les niveaux de maturité sont différents d’un groupe à l’autre. Les plus avancés sont ceux issus des industries les plus polluantes, telle que l’énergie. D’autres ont parfois émis des objectifs en termes de réduction, mais n’ont pas encore élaboré de plan pour y arriver. C’est là que nous intervenons.

TourMaG.com – Quels sont les leviers pour décarboner le voyage d’affaires ?

Aurélie Duprez :
Le premier est la politique voyages. Il s’agit de revoir par exemple les règles dans le choix des cabines.

Pour le confort des voyageurs, la premium sera autorisée sur le long-courrier, mais le nombre de voyages en business sera limité, au-delà on basculera en classe éco. C’est vertueux, car le siège éco émet moins que le siège en business car il prend moins de place dans l’appareil. Cela va également dans le sens de la réduction des voyages.

Certaines entreprises, notamment dans la Tech, ont annoncé publiquement réduire le volume de déplacements car désormais on sait fonctionner différemment, via Zoom ou Teams. C’est la tendance générale. Pour d’autres, le voyage est un investissement et ont connu un effet de rattrapage post-covid.

Dans les chiffres, on voit que l’on se rapproche des niveaux de 2019. Les prévisions prédisent qu’en 2024, nous retrouverons les niveaux précovid, bien qu’il y ait de nouveaux comportements. Les voyageurs groupent leurs voyages, ils optimisent les déplacements, partent moins souvent mais plus longtemps.

Autre levier : le train est très à la mode. C’est confortable pour le voyageur de prendre le train, il peut travailler au calme. Et puis encourager le train passe bien auprès de la population de voyageurs.

Autre changement observé : privilégier les vols directs. Pendant longtemps, les collaborateurs ont été encouragés à faire un stop, car c’est moins cher. Ça va dans le sens du confort du voyageur et de la réduction du CO2.

TourMaG.com – L’inflation joue-t-elle le jeu de la décarbonation ?

Aurélie Duprez :
Si un voyageur a besoin de se déplacer, le prix n’aura pas d’impact. En revanche, le changement de mentalité, oui. Le voyageur s’interroge sur le besoin ou non de se déplacer. Son employeur également.

Il y a encore peu de groupes avec un budget de déplacements défini par département. Généralement, le motif du déplacement est validé. Le prix arrive en bout de chaîne est n’est pas forcément un levier de décision.


Calcul émission CO2 : "Aujourd’hui on ne voit pas de standard émerger"

TourMaG.com - Qu’attendent les entreprises de leurs outils ?

Aurélie Duprez :
Beaucoup ! Mais les outils ne sont pas encore complétement au point. Aujourd’hui, les informations disponibles dans les outils sont en général une estimation des émissions de CO2.

A lire aussi : Amadeus Cytric Solutions : "Les entreprises attendent de la finesse"

Par exemple, si un voyageur recherche un Paris/New York City, il aura une proposition de prix Air France et Bristish Airways et des informations d’émissions de CO2 identiques alors que ces deux compagnies utilisent des avions différents, équipés de moteurs différents. En réalité les émissions ne sont donc pas équivalentes d’une compagnie à l’autre.

TourMaG.com – La méthodologie n’est pas au point.

Aurélie Duprez :
Jusqu’à aujourd’hui, la granulométrie est insuffisante pour ensuite pousser une compagnie plus qu’une autre, parce qu’elle utilise de meilleurs appareils.

C’est en train de changer. Les OBT ont mis un peu de temps à se positionner parce qu’ils hésitaient entre créer leur propre méthodologie et être intégrateur de méthodologie. C’est vers la deuxième option qu’ils se tournent.

Ils vont proposer choisir entre diverses méthodologies plus ou moins granulaires et être capable ensuite de les remonter dans l’information que voit le voyageur.

TourMaG.com - Cela pose toujours la question d’avoir un standard commun.

Aurélie Duprez :
Exactement. Mais je ne pense pas qu’il existera un standard. IATA essaye de développer quelque chose, mais c’est très lent. Aujourd’hui on ne voit pas de standard émerger, mais plutôt une myriade de méthodologie qui prennent en compte certains facteurs ou non.

Il y a deux aspects : la nature de l’information qui remonte et l’aspect ergonomique : la façon dont l’information guide le voyageur dans la prise de décision. Cela non plus n’est pas complétement au point, mais va s’améliorer, les outils ont été pensés pour trier, faire apparaître des options en fonction du prix. Demain, il y aura plus de flexibilité autour de cela. Nous aurons la possibilité d’utiliser les émissions comme facteur de tri.

"Le levier pour réduire les émissions est de réduire les voyages"

TourMag.com : Nous parlons beaucoup de l’aérien, mais qu’en est-il de l’hôtellerie, de la location de voitures ou encore du train ?

Aurélie Duprez :
Les méthodologies sont plus simples. Ce n’est pas très granulaire, mais ce n’est pas grave. Ajouter un niveau de granulométrie pourrait au contraire augmenter les erreurs.

Sur l’hôtel, la base de données donne des informations d’émissions de CO2 par ville. C’est suffisant pour les entreprises. Il faut qu’elles soient capables de calculer un total d’émissions pour l’ensemble des données travel et qu’elles ne se contentent pas uniquement de l’aérien, dans ce cas, ce serait insuffisant.

Avoir une méthodologie fine pour l’air et plus grossière pour l’hôtel n’empêche pas de mettre des plans d’action.

Il faut quand même rappeler que le levier pour réduire les émissions est de réduire les voyages.

Certains groupes affichent des objectifs colossaux de réduction de 30% des déplacements, il faudra forcément réduire les déplacements et développer des alternatives.

C’est possible, cela demande d’avoir un plan d’actions très clairement établi dans le temps, de mettre des moyens de vidéo-conférence au sein de l’entreprise pour que ce soit aussi fluide que possible, cela demande également d’éduquer la population, voyageurs et managers, pour prendre les décisions et ne voyager que quand c’est absolument nécessaire.

TourMag.com : La digitalisation est un levier en termes de décarbonation ?

Aurélie Duprez :
Oui, évidemment. Désormais la visio-conférence est dix fois plus fluide qu’il y a dix ans. Ça a beaucoup aidé à son développement.

Les processus de sourcing de fournisseurs se digitalisent et permettent d’évaluer les fournisseurs sur plus de critères. Par exemple, en interne, nous avons récemment lancé un appel d’offres sur l’aérien. Dans le processus d’appel d’offres, nous avons créé une scorecard pour évaluer les compagnies aériennes sur un certain nombre de critères de développement durable. C’est quelque chose qui est en ligne, sous la forme d’un questionnaire Mircrosoftform. La digitalisation se met au service d’objectif de décarbonation en rendant les choses beaucoup plus agiles.

Dans ce cas, cela permet d’évaluer les fournisseurs sur des critères qui ne sont pas que le prix.

Cet aspect est présent au niveau du voyageur et de l’acheteur travel. Aujourd’hui, les acheteurs et travel manager ont dans leurs mains des tableaux de bord et des indicateurs de performance pour piloter la dépense travel. Ils remontent un certain nombre de KPI autour de la décarbonation.

Ils permettent de suivre les émissions de CO2 par département, par route, par voyageur et ça peut vraiment donner des leviers d’action pour atteindre leurs objectifs.

Emissions carbone : traduire les chiffres

TourMaG.com – Comment le voyageur devient acteur de cette stratégie de décarbonation ?

Aurélie Duprez :
Le voyageur est essentiel dans l’équation. C’est pourquoi il est nécessaire de mener des actions d’éducation. Lire les bonnes informations d’émissions carbone lors de sa réservation peut vraiment agir sur son choix.

Cependant, cela demande quand même que l’information soit tangible. Si on lui dit « 5kg de CO2 », je ne suis pas sûre que l’information lui parle. Par contre, si l’outil est capable de la traduire en équivalence : 3 jours de consommation d’une personne résidant en France, ou encore l’équivalence de 10 douches… là ça devient beaucoup plus parlant pour le voyageur.

Il y a encore un travail à faire pour que cette traduction ne soit plus abstraite pour un certain nombre de voyageurs sensibles au sujet.

TourMaG.com – Comment s’inscrit la dématérialisation dans le voyage d’affaires ?

Aurélie Duprez :
Aujourd’hui, la partie dématérialisation est très avancée dans les outils de note de frais. Le voyageur peut scanner ses notes de frais, ce qui fera remonter dans l’outil les informations de façon assez performante. La note de frais sera prémâchée, il lui restera à compléter quelques informations. Derrière, les entreprises peuvent paramétrer les règles qu’elles souhaitent dans les outils et faciliter le contrôle du comportement des voyageurs.

Cela a du sens pour le voyageur en termes d’expérience et pour le travel manager en termes de suivi d’avoir une seule source de données et un seul outil.

Tout cela fonctionne bien, d’un point de vue technologique. En termes d’expérience utilisateur, les propositions sont extrêmement abouties. Là où ça pêche, c’est sur le paramétrage des outils pour avoir de la bonne qualité de données.

Si le voyageur ne fait pas l’effort de reprendre les données saisies automatiquement par l’outil, la qualité des données n’est pas forcément bonne et au moment où l’acheteur veut négocier avec les hôtels, s’il n’y a pas de champs harmonisés et qu’il n’est pas capable d’identifier le montant du petit déjeuner, etc… cela nuit à la performance du sourcing.

Caroline Lelievre Publié par Caroline Lelievre Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Ghislain DUPREZ le 09/06/2023 19:58 | Alerter
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Interview très intéressante

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