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Accident A380 : "maladie de jeunesse" ou défaut congénital ?

l’arrêt d'une flotte d’appareils identiques est rarissime


Jean Belotti, ancien commandant de bord et spécialiste des questions de sécurité, analyse pour TourMaG.com les conséquences de l’atterrissage en urgence d’un A380 de Qantas. "La perte d’un moteur (panne, feu, explosion, arrachement,..), estime-t-il, est un événement qui s’est produit de nombreuses fois, sans que pour autant les types d’avions concernés (Constellation, B707,...) aient été considérés comme dangereux..."


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 5 Novembre 2010

Un exemple de
Un exemple de
TourMaG.com - À la suite de l’atterrissage en urgence d’un A380 à Singapour, peut-on considérer que cet appareil est dangereux ?

Jean Belotti :
"Pour le moment, la cause de l’avarie du moteur "Rolls-Royce -Trent 900" qui équipe cet appareil n’est pas encore connue.

Il convient donc d’être patient et d’attendre les conclusions des enquêteurs avant d’incriminer la fiabilité de l’avion ou celle de ses moteurs.

De toute façon, dès que la cause de l’avarie sera identifiée, elle sera suivie d’une procédure classique, mise en œuvre par le motoriste, lequel donnera les instructions nécessaires (consignes d’utilisation, remplacement d’un sous-ensemble,...) afin que le même type d’incident ne se renouvelle plus.

Les faits montrent que la mesure extrême de l’arrêt de toute une flotte d’appareils identiques (soit par le constructeur, soit par l’autorité de tutelle) est extrêmement rare.

Par ailleurs, la perte d’un moteur (panne, feu, explosion, arrachement,..) est un événement qui s’est produit de nombreuses fois, sans que pour autant les types d’avions concernés (Constellation, B707,...) aient été considérés comme dangereux."

TM.com - Mais une telle panne pose la question de savoir si ces nouveaux moteurs ont suffisamment été mis au point ?

Jean Belotti
: "Pour obtenir son "certificat de navigabilité", tout type d’avion doit subir de très nombreux tests de différentes nature, selon des protocoles très stricts, respectant des normes bien définies, garantissant une large marge de sécurité.

Les moteurs ont donc également, eux aussi, passé avec succès les différentes étapes conduisant à la certification.

Cela étant, dès que la probabilité de la survenance d’une panne est de 10 -9 (soit une sur un milliard), le risque n’est pas pris en compte.

C’est ainsi que, par exemple, pour un quadrimoteur, la panne de deux moteurs d’un même côté, pendant le décollage - alors qu’il a dépassé la vitesse à laquelle le pilote ne peut plus arrêter son avion avant l’extrémité de piste - n’est pas prise en compte.

Sans minimiser l’importance de cet incident, rappelons qu’il a été constaté que c'est précisément au cours de leurs premières années d'existence que les avions présentent des "maladies de jeunesse", surtout lorsqu'il s'agit de nouveaux types d'avions dont les systèmes - de plus en plus complexes - ne sont pas toujours complètement "déboggés".

TM.com - Sa taille rend-elle l'A380 plus vulnérable ?

Jean Belotti :
"Pas plus que l’imposante taille du B747 par rapport au B707 !

Il y a plusieurs décennies, répondant aux deux questions suivantes : "L’avion de 1.000 places est-il réalisable et est-il souhaitable ?", je décrivais les principaux problèmes que poseraient, à différents niveaux, un tel appareil.

Puis, au fil des ans, participant à différents colloques internationaux, j’avais constaté que le sujet était souvent abordé. Tous arguments - pour et contre le projet - pris en compte, la tendance générale était de l’abandonner, à tout le moins, de le repousser.

C’est l’option "pour" qui a été retenue, puisque les A380 volent et ont déjà transporté plus de six millions de passagers. Alors, bravo aux ingénieurs qui l’ont conçu et à ceux qui l’ont fabriqué et piloté et "longue vie à l’A380".


TM.com - Ses 4 moteurs le rendent-il plus sûr ?

Jean Belotti :
"Lorsque, sur un quadriréacteur, un réacteur tombe en panne, l’avion peut continuer à voler en toute sécurité en adaptant ses conditions de vol (altitude, poussée des réacteurs, vitesse).

Le pilote peut même être amené à remettre les gaz sur trois réacteurs, dans le cas où, pour une raison quelconque, il n’a pas pu se poser à la suite d’une première approche."

TM.com - Fallait-il construire un tel mastodonde ?

Jean Belotti
: "Ici, je ne peux présenter que quelques constats relatifs à la sécurité.

1.- Le nombre croissant d’A380 pilotés avec un équipage renforcé conduit à ce que lesdits pilotes feront de moins en moins de décollages, de procédures d’approche et d’atterrissages.

Or, un ou deux atterrissages par mois sont nettement insuffisants pour conserver l’aisance et le savoir-faire indispensables à une efficacité maximale pendant ces phases essentielles du vol.

Seul un entraînement complémentaire (sur simulateur ou en vol sur des petits modules), devrait permettre à ces équipages de rester totalement "dans la boucle", comme on dit.... mais je n’en ai pas eu connaissance !

2.- Puis, il faut admettre - sans jouer l’oiseau de mauvaise augure - que ni l’incident grave, ni l’accident, ni la collision de deux avions, ne peuvent être écartés. Cela s’est déjà produit en vol et au sol.

Certes la probabilité est extrêmement faible, mais elle n’est pas nulle. Il faut savoir combien il est difficile d’expliquer aux familles des victimes que le "risque zéro n" n’existe pas dans notre société post-industrielle de complexité croissante.

3.- Le problème du montant des indemnités resterait également préoccupant.
Un exemple de "sinistre aviation catastrophique" envisagé aux Etats-Unis, conduisait - il y a quelques années - à un montant extrêmement élevé, de 600 millions de dollars pour l’avion et ses 500 passagers.

Pour un avion de 1.000 places cela dépasserait donc le milliard de dollars. Ce montant serait doublé dans l'hypothèse de la collision en vol de deux super-jumbos, remplis de passagers.

Indépendamment des indemnités et des statistiques, la question qui se pose est de savoir si notre société moderne accepte l’éventualité d’une catastrophe aérienne qui ferait, d’un seul coup, 2.000 victimes ? Croisons les doigts !"

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Commentaires

1.Posté par DHAOUADI Mohamed le 05/11/2010 18:53 | Alerter
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Ce n'est pas un commentaire mais une question que je souhaiterais poser au Captain Jean BELOTTI:
Pourquoi avec toutes les améliorations techniques et technologiques au cours des dernières décennies, le facteur humain demeure aussi élevé (70 % ?) pour expliquer un incident/Accident aérien ??
Merci pour la réponse

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