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Colonies de vacances : "Il faut sans cesse repartir au combat" 🔑

DĂ©cryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Le dernier colloque sur les colonies de vacances organisé par l’UNAT (Union nationale des associations de tourisme et de plein air) a-t-il apporté du nouveau ? Pas vraiment. Mais, il a confirmé l’importance des séjours de vacances pour les enfants de 5 à 19 ans, et la nécessité de préserver un modèle dont le tourisme français, pionnier en la matière, peut s’enorgueillir. Avec quelques ombres au tableau qu’il serait grand temps d’atténuer. Pour peu que l’on s’en préoccupe.


Rédigé par le Mardi 6 Décembre 2022

Colonies de vacances : "la partie n’est jamais totalement gagnée, et il faut sans cesse repartir au combat pour sauvegarder un mode de vacances essentiel pour beaucoup d’enfants" - Depositphotos.com Auteurolesiabilkei
Colonies de vacances : "la partie n’est jamais totalement gagnée, et il faut sans cesse repartir au combat pour sauvegarder un mode de vacances essentiel pour beaucoup d’enfants" - Depositphotos.com Auteurolesiabilkei
Commençons par le négatif. Pour Michelle Demessine, présidente de l’UNAT et Louise Fénelon, présidente de la commission vacances, les colonies de vacances sont affectées par les maux conjoncturels et structurels propres au secteur du tourisme.

Bien évidemment, la pandémie a profondément affecté les départs en 2020 et 2021 qui, entre janvier 2020 et janvier 2022 sont passés de 15% à 9% sur l’ensemble de la population de 5 à 19 ans. Soit à peine plus de 800 000 départs contre plus d’1.4 million une année normale comme 2018/19.

Un délitement considérable qui ne sera sans doute pas rattrapé la saison prochaine. Par ailleurs, le secteur semble toujours pâtir du manque de reconnaissance de la part des pouvoirs publics.

Certes, pendant la période critique, les aides de l’État ont permis à beaucoup d’entreprises de survivre et, comme l’indique Michelle Demessine, « il y a un mieux. Mais, la partie n’est jamais totalement gagnée, et il faut sans cesse repartir au combat pour sauvegarder un mode de vacances essentiel pour beaucoup d’enfants. Notamment les moins favorisés mais aussi les enfants issus de la classe moyenne dont les parents ne reçoivent pas d’aides ».

Le problème des aides étant lâché, qu’en est-il ? Comme il y a trente ans et comme il y a vingt ans et comme toujours… Oui, les séjours pour jeunes ont un prix qui dépasse le budget des familles n’ayant accès ni aux chèques-vacances, ni aux aides des comités d’entreprise ou de la Cnav et autres mairies.

D’ailleurs, à ce sujet, déplore l’ex ministre du Tourisme, « il serait grand temps de mettre en place un guichet unique pour faciliter l’accès aux aides ». Une antienne sur laquelle l’on n’intervient toujours pas et qui barre la route des vacances à de nombreux enfants.


Colonies de vacances : la chute vertigineuse des candidats au BAFA

Pour en rester sur les questions tarifaires, il est clair que la « colo » a un prix et que celui-ci reste élevé. Une semaine autour de 500 euros, c’est beaucoup, surtout quand on a plusieurs enfants et aucune aide.

Pourtant, ces tarifs sont justifiés par la qualité des prestations proposées aux enfants donc par la taille du personnel encadrant très codifié en France, auquel s’ajoutent tous les moniteurs spécialisés dans des activités spécifiques : équitation, tir à l’arc, musique, plongée…

Et c’est là que le bât blesse encore plus. En effet, sur le délicat sujet du BAFA créé en 1973 pour former et qualifier des jeunes moniteurs et monitrices désireux d’accompagner des enfants pendant leurs vacances, notons que la chute du nombre de candidats est vertigineuse. En effet, en 2016, l’on diplômait 54 800 jeunes alors que dés 2019, on n’en diplômait plus que 42 900 !

Un phénomène qui n’est pas sans incidence sur un nouveau problème commun à tout le secteur touristique : le problème du recrutement du personnel.

En effet, depuis deux ans, les colonies de vacances manquent elles aussi de bras en cuisine, ménage, entretien… Ce qui amène certains centres à devoir supprimer quelques dates de séjours, ou à externaliser des prestations ou encore à recruter de plus en plus loin de leur zone géographique.

Autre pénurie criante : les chauffeurs d’autocar sur laquelle les participants aux ateliers du colloque ont dû plancher, pour tenter de trouver des solutions. Soulignant ce sujet, ils ont d’ailleurs évoqué la nécessité d’une meilleure coordination au niveau national permettant de mutualiser un certain nombre de prestations.

La lourde tâche de rénovation du patrimoine

Enfin et surtout, un mal endémique frappe le secteur, celui concernant la rénovation d’un patrimoine vieillissant ou déjà vieux, conçu pour une autre époque, qui ne répond plus à la demande et aux exigences de qualité des jeunes vacanciers d’aujourd’hui.

Or, sur ce problème, il existe des fonds fléchés, souligne Michelle Demessine, de l’ordre de 150 millions d’euros. « Mais, précise-t-elle, ce sont surtout les gros opérateurs qui en profitent alors que les petites associations qui en ont pourtant un grand besoin ont du mal à y accéder ».

Quant aux communes et aux CE, on le sait, elles se désengagent faute de moyens, préférant parfois revendre à des opérateurs privés un bâti souvent très bien situé. Enfin, les « colos » doivent affronter les problèmes communs à tous les opérateurs touristiques : l’inflation, les coûts de l’énergie, les salaires ou les coût de la mise en place des normes environnementales etc.

Le succès inattendu des « vacances apprenantes »

Mais, dans ce décor peu réjouissant, il est des motifs de satisfaction. Parmi eux, notons le succès des « vacances apprenantes ». Un dispositif mis en place dès 2020 par le gouvernement pour permettre aux enfants privés de vacances, souvent issus de milieux défavorisés, de passer une petite semaine loin du domicile familial et en profiter pour s’initier à une discipline artistique ou sportive.

Labellisés par l’État, ces séjours ont bénéficié d’aides de l’État pouvant atteindre 80% du coût du séjour, plafonné à 400 euros par enfant et par semaine, versés directement aux collectivités partenaires.

Une manne qui en a assuré le succès et qui devrait être reconduite dans les mois à venir. En effet, en 2020, 950 000 enfants ont bénéficié du dispositif, soit près d’un enfant de 5 à 19 ans sur 10. Et mieux, 52% de ces jeunes étaient des primos partants !

… Ce qui en soit constitue un progrès social remarquable, sachant en effet que le défi majeur des « colos » consiste à étendre le nombre de partants, et cela dans tous les milieux.

Non seulement pour lutter contre l’exclusion sociale mais pour éduquer les enfants et leurs parents et leur inculquer la culture des vacances. Une culture qui leur manque et qui est pourtant le déclencheur de l’envie de partir, sortir de son milieu, découvrir l’autre et l’ailleurs. Sans compter que c’est cette culture « vacancière » qui va pouvoir ensuite protéger les enfants contre des associations et autres réseaux religieux souvent douteux quant à leurs intentions et leur projet pédagogique.

Parmi les enfants partis en séjour collectifs : 67% ont fait un séjour et 33% en ont fait deux ou plus : 31% ont des parents aux hauts revenus, 24% viennent de foyers aux professions intermédiaires.

Mais comment partent les enfants ?

Sachant qu’un enfant environ sur quatre ne part pas du tout en vacances, le défi est effectivement de taille et mérite de ne pas être abandonné ni par les collectivités, ni par l’État, ni par les familles.

Car, si 78% d’enfants partent bel et bien avec leurs parents et profitent de ces moments de retrouvailles et de partage pour se détendre, se familiariser avec de nouvelles activités, apprendre à mieux connaitre leurs familles et à en profiter, les « colos » remplissent une fonction de socialisation et d’ouverture au monde qui est tout autant (voire plus) bénéfique à la santé des enfants, tant sur le plan physique que mental. Ne peuvent-elles pas aider également à « décrétiniser » des enfants absorbés par leurs écrans ?

C’est ce que nous verrons dans un prochain article.

Formules de départs en vacances en 2022 sur l’ensemble des enfants français de 5 à 19 ans ( soit 11 millions).

- Avec les parents : 78%

- Avec d’autres membres de la famille : 31%

- Avec des amis : 17%

- En colonies/camps scouts : 9%

- En stages sportifs : 5%

- En séjours linguistiques : 3%

- En mini séjours : 6%

Parmi les enfants partis en vacances, quels sont ceux qui ne sont pas partis en séjours collectifs ?

- 87% des enfants dont les parents sont indépendants

- 87% dont les parents appartiennent aux classes moyennes inférieures

- 92% des enfants vivant dans des familles monoparentales

- 91% des enfants dont les parents sont séparés

- 89% des enfants vivant dans des communes rurales et des zones de 20 Ă  100 000 habitants

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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