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La Corée du Nord : « Destination non grata » du tourisme ?

La chronique de Christian Orofino


Des responsables d’entreprises touristiques françaises ont participé dernièrement à un éductour en CORÉE DU NORD .Certains d’entre eux ont projeté d’inclure cette destination dans leur production.


Rédigé par Christian Orofino le Mercredi 26 Juin 2013

Les conditions  objectives d’une production touristique reposent sur la qualité des patrimoines culturels, écologiques et humains : la Corée du Nord possède ces trois atouts d’après ceux qui en reviennent. - DR
Les conditions objectives d’une production touristique reposent sur la qualité des patrimoines culturels, écologiques et humains : la Corée du Nord possède ces trois atouts d’après ceux qui en reviennent. - DR
Cette initiative a déclenché des réactions hostiles voire moralisatrices au sein même de notre profession.

Sauf si la sécurité de nos clients n’est pas garantie, faut-il s’interdire des territoires touristiques dans la mesure où leurs systèmes politiques ne correspondent pas à notre conception occidentale de la démocratie et de la liberté des peuples à disposer d’eux mêmes ?

Mais alors où placer le curseur de la démocratie et à partir de quels critères peut-on affirmer qu’un pays est démocratique et « touristiquement correct »?

La France, pays des droits de l’homme, est 37ème sur 178 pays dans le classement des nations qui respectent plus ou moins les droits de l‘homme.

Ce classement établi par « reporter sans frontière » à partir de critères bien précis : liberté de la presse, système judiciaire, comptabilité policière etc… peut-il constituer un mètre étalon pour choisir les destinations touristiques ?

Difficile, la France serait peut être hors jeu et avec elle des pays qui sont nos fonds de commerce et qui se situent parfois bien plus loin dans ce classement comme l’Afrique du Sud, l’Italie, l’Ile Maurice, le Sénégal, la Croatie, la Grèce, le Brésil, la Russie, l’Egypte……..

Où placer le curseur ?

Ou alors, deuxième système de sélection : faut-il considérer qu’à partir du moment où le peuple s’exprime à travers des élections, le tourisme peut déontologiquement produire ce pays ?

L’avant dernier président de la république d’Iran, pays dont le peuple ne jouit pas tout à fait de ses libertés, était élu avec 95% des voix. L’Égypte et la Tunisie, eldorados où nous avons tous et sans état d’âme envoyé des millions de touristes et dont les présidents étaient eux aussi issus d’élections avec plus de 90% des voix avant d’être « dégagés » .

Dans ce cas aussi, quid des pays où les élections n’ont jamais eu lieu ou alors depuis bien longtemps : exit Cuba, la Birmanie, la Chine, les Emirats…

Il est aussi possible de se reposer entièrement sur le site des Affaires Étrangères « conseils aux voyageurs » pour exclure des destinations sensibles.

L’alerte pour la Corée du Nord est jaune « vigilance renforcée » ce qui est dans le classement des recommandations la deuxième remarque qui en comporte quatre.

L’exclusion des pays doit être elle faite à partir de la première alerte verte « vigilance normale » ou de la quatrième rouge « formellement déconseillé »

Médiatiser les patrimoines

C’est un débat qui est récurant à l’intérieur de notre profession.

Il est évident que le tourisme ne peut pas s’épanouir dans des pays ou les hommes et les femmes sont maltraités, mais si nous devions commercialiser uniquement les pays qui entrent dans le champ de nos propres critères du « politiquement correct », le tourisme n’existerait pas.

C’est pour cette raison que les réactions hostiles de certains collègues à la production d’un pays comme la Corée du Nord sont des postures artificielles et contre productives.

Les professionnels sont aptes à considérer que les richesses d’un pays sont dignes d’être promues et commercialisées quand les conditions de sécurité pour leurs clients sont garanties.

L’objectif de ces opérateurs n’est pas de médiatiser les systèmes politiques mais seulement de promouvoir les patrimoines.

les visiteurs d’un pays sont des témoins

Si malgré ces richesses et si sous l’influence de donneurs de leçons, nous décidions de nous interdire des territoires en raison d’un système politique non fréquentable, nous sanctionnerions en premier lieu les peuples, car nous ne tiendrions pas compte du besoin vital de certaines populations isolées de voir des étrangers venir sur leur sol afin de témoigner de leur condition.

Dans ce type d’embargo, ce ne sont pas les dirigeants dictateurs qui sont impactés, car eux profitent au contraire de cette situation pour opprimer encore plus les populations qui, sans le tourisme sont condamnées à souffrir sans caméra… Silence on torture…

Quand on lance une « fatwa » touristique sur un pays, encore une fois si ce n’est pas pour des raisons de sécurité, c’est la souffrance des peuples que l’on décide d’ignorer car les visiteurs d’un pays sont les témoins de cette souffrance.

Grâce à ces témoignages, les dirigeants de ces pays sont ainsi confrontés à des réprobations et pressions internationales qui n’auraient pas existé sans cette présence touristique.

Le tourisme a un devoir de vigilance vis à vis des populations

La Corée du Nord : « Destination non grata » du tourisme ?
Le tourisme a ainsi contribué à améliorer, voire changer le statut des peuples comme en Chine ou encore en Birmanie dont les dirigeants ont été obligés par intérêt économique et sous la pression internationale d’assouplir leur gestion sociale et le tourisme y a fortement contribué.

Le tourisme a une obligation de non ingérence politique, mais, par contre, un devoir de vigilance vis à vis des populations.

Celles-ci sont, avec la culture et l’écologie, les raisons d’être de nos productions touristiques. C’est là un comportement qui fait partie, entre autres, d’une démarche durable et responsable.

Les conditions objectives d’une production touristique reposent sur la qualité des patrimoines culturels, écologiques et humains : la Corée du Nord possède ces trois atouts d’après ceux qui en reviennent.


Notre profession doit se doter d’outils d’analyses géopolitiques collectives

Mais surtout il y un peuple coréen qui n’a pas demandé ce Yalta voulu par les grandes puissances à la fin de la guerre, et qui souhaite certainement que l’on vienne le voir le plus souvent et les plus nombreux possibles : c’est, en dehors d’une révolution, le seul espoir de liberté et d’ouverture sur un monde libre qui lui reste.

Les opérateurs qui osent produire ces pays devraient être subventionnés par l’ONU car non seulement ils participent à l’émergence de nouveaux patrimoines mais la présence touristique qu’ils installent dans des pays politiquement obscurantistes peut contribuer à éviter des exactions du moins celles qui seraient trop visibles.

On le voit, cet épisode et d’autres évènements récents ont mis à mal notre activité et il serait présomptueux pour un seul individu ou une seule entreprise de définir tout seul les limites de nos exploitations touristiques.

Par contre et il est important dans ces nouvelles conditions que notre profession se dote d’outils d’analyses géopolitiques collectives afin de mieux définir les paramètres sociaux, écologiques et culturels de notre offre commerciale.

Là ou la politique internationale échoue, parfois le tourisme, qui favorise les échanges entre les peuples, peut réussir.

Christian OROFINO
Président de TOURCONSEIL
Ex PDG et DG du TO VISIT FRANCE
Président de la commission Tourisme responsable du SNAV

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Commentaires

1.Posté par Hervé le 27/06/2013 08:33 | Alerter
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Nous programmons cette destination cette année et nous avons eu des inscrits ! Notre métier est de faire voyager des personnes et non de porter des jugements de valeur sur les régimes politiques Dans le cas contraire, je me demande bien où nous pourrions les envoyer..... Par ailleurs, envoyer des touristes dans un pays fermé est le meilleur moyen pour montrer aux habitants de celui-ci qu'il existe ''autre chose'' ailleurs !

2.Posté par Alain Muellauer le 27/06/2013 09:40 | Alerter
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Je rentre de la Corée du Nord, moi aussi.
Nous programmons également cette destination.
Je cautionne à 100% cet article très intéressant.
Meilleures salutations. Alain Müllauer

3.Posté par travel057 le 27/06/2013 15:00 | Alerter
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AIr Koryo est sur la liste noire de l'UE et le seul transporteur. Comment faire?

4.Posté par Alain Muellauer le 27/06/2013 16:50 | Alerter
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En réponse à travel057.
Air China vole de Pékin à Pyongyang.
Air Koryo n'est donc pas la seule solution.

5.Posté par Ravaillac le 29/06/2013 00:02 | Alerter
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Non, la liaison Pekin-Pyongyang est assurée par "Air petit père du peuple" ou "Air Communiste"... (un exemplaire du petit livre rouge offert à chaque voyageur)

6.Posté par Rial le 02/07/2013 03:00 | Alerter
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On mélange un peu tout là.
La question n est pas la sécurité des clients, assurés bien sur.
La question n est pas non de considérer que on soutient un régime si on envoie des touristes dans un pays.Surement pas.

La question est que dans ce pays, quand on voyage , on ne voit RIEN sauf la police politique.
Bref on vend a nos clients un voyage bidon, et on participe a la propagande nord coréenne.

Ce n est pas donc pas un jugement moral de penser que ce type de voyage est inutile...mais simplement, mon avis.
Et je me répète, la dictature n'est pas le sujet, le sujet, c est comment on voyage là bas...

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