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A380 : Emirates et Airbus jouent à "je te tiens, tu me tiens par la barbichette..."

La chronique de Jean-Louis Baroux, expert aérien


Le succès d'Airbus est dû, en grande partie, à Emirates. De son côté, la compagnie aérienne a pu profiter de l'A380 pour se développer et est devenu l'un des plus grands opérateurs mondiaux. Une relation sur laquelle se penche notre chroniqueur expert du transport aérien, Jean-Louis Baroux.


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Lundi 26 Juin 2017

L’ascension d'Emirates s'appuie grandement sur l'utilisation du gros porteur d'Airbus - Photo : Emirates
L’ascension d'Emirates s'appuie grandement sur l'utilisation du gros porteur d'Airbus - Photo : Emirates
C’est vraiment une longue histoire entre les deux géants du transport aérien : le constructeur et l’opérateur.

Un peu comme celle de Pan Am et de Boeing pour le Boeing 747 dans les années 1960/70. C’est en même temps le signe de la prospérité grandissante des deux acteurs.

Au fond Airbus doit son succès en grande partie à Emirates qui de son côté a bien profité de l'A380 pour passer du stade de grande compagnie à celui de leader mondial.

Et pourtant, il semble que la relation soit en train de se distendre entre ces deux géants.

Emirates réclame à cor et à cris le développement de l'A380 de manière à le rendre plus performant. La compagnie pourrait alors en commander une centaine supplémentaire.

Mais Airbus traîne les pieds car le constructeur a mis l’essentiel de ses ressources de développement sur son nouveau bimoteur l’A350 dont la version allongée, l’A350/1000 a été présentée en vol au dernier salon du Bourget.

Le lancement du B747 ne s'est pas fait si facilement

Il faut bien reconnaître qu’Airbus connait une véritable panne de commandes pour son avion géant.

Il est jugé trop lourd, un peu vieillot et pour tout dire peu pratique à opérer.

C’est tout au moins ce que disent les grands spécialistes français des opérations aériennes.

Est-ce pour autant que l’appareil est condamné ? Pas si certain.

D’abord Emirates n’a pas vraiment le choix, si ce n’est de continuer à opérer l’appareil de façon massive. Le transporteur de Dubaï a en effet bâti sa stratégie de montée en gamme sur cet avion, au point de construire un terminal entièrement dédié à son exploitation.

Il faut avoir été à Dubaï pour se rendre compte de la puissance de cet investissement.

Il a d’ailleurs été un facteur clef dans le développement du « hub » d’Emirates qui constitue le cœur de sa stratégie. Dans le fond, et vu du côté client, l’A380 est l’appareil de prestige alors que le Boeing 777 dont Emirates est également l’un des tous gros opérateurs est plus vu comme le moyen de transport de base.

Donc, on voit mal comment Emirates pourrait changer son fusil d’épaule.

Mais dans le même temps, Airbus va être obligé de faire évoluer son avion, tout comme d’ailleurs Boeing a dû le faire pour le B747 qui a vu pas moins de 15 versions depuis le B747/100 jusqu’au dernier B747-8I.

Notons également que le lancement du B747 ne s’est pas fait si facilement. Dans les dix premières années de production, Boeing en a livré 347 sur les 1 519 achetés pour la totalité du programme. Dans le même temps, Airbus a livré 213 A380, ce n’est pas si mal, d’autant plus que l’appareil a fort à faire avec les nouveaux très gros bimoteurs dont le mythique B 777.

Nouvelle version de l'A380 : A380 Plus

Alors Airbus a commencé à bouger avec l’annonce lors du dernier salon du Bourget d’une version appelée A380 Plus.

Certes il ne s’agit pas d’une nouvelle version, mais d’améliorations apportées au modèle d’origine : d’impressionnants « winglets » en bout d’aile et une optimisation de la maintenance ce qui, aux dires du constructeur fait baisser de 13% le coût au siège.

Voilà qui devrait relancer les commandes d’Emirates, d’ailleurs Sir Tim Clark a levé un sourcil d’intérêt.

Seulement tous les opérateurs attendent une réelle nouvelle version dite « Neo » avec de nouveaux moteurs et de nouveaux matériaux composites pour faire sensiblement baisser le poids de l’appareil tout en agrandissant le fuselage pour porter sa capacité à 800 passagers au lieu des 520 actuels.

Dans le fond les deux partenaires se tiennent par la barbichette, comme on dit. Emirates a un fort besoin d’un A 380 de nouvelle génération et Airbus ne peut se lancer dans les énormes coûts de développement sans être assuré d’une commande très conséquente. Pour le moment personne ne fait vraiment le premier pas et c’est bien dommage.

En effet il semble bien que Boeing considère que le B747 est arrivé à son terme, donc il ne faut pas s’attendre à une 16e version améliorée. Or, vu du côté passager, l’A380 est tout de même beaucoup plus confortable. Une cabine plus large, beaucoup moins de bruit et une pressurisation plus performante calée sur 1 520 mètres contre 2440 mètres pour le Boeing 747.

Rajoutons que beaucoup d’aéroports ont modifié leurs équipements pour traiter des appareils de 2 ponts, or à ce jour il n’y a que 2 machines de ce type.

Et puis qu’on le veuille ou non, le nombre de passagers va encore doubler dans les 12 prochaines années et cette croissance se fera sur les longs courriers, car la voie de surface va prendre une place prépondérante sur les distances inférieures à 800 km.

En clair cela signifie qu’en 2030 il faudra transporter 4 milliards de passagers supplémentaires c’est-à-dire 11 millions de passagers de plus chaque jour. Je voudrais bien qu’on m’explique comment cela sera possible sans disposer d’appareils de très grande capacité.

A380 : Emirates et Airbus jouent à "je te tiens, tu me tiens par la barbichette..."
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Commentaires

1.Posté par BOB le 29/06/2017 01:48 | Alerter
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Plusieurs points:
- "Notons également que le lancement du B747 ne s’est pas fait si facilement. Dans les dix premières années de production, Boeing en a livré 347 sur les 1 519 achetés pour la totalité du programme. Dans le même temps, Airbus a livré 213 A380, ce n’est pas si mal, d’autant plus que l’appareil a fort à faire avec les nouveaux très gros bimoteurs dont le mythique B 777."
Il faut arrêter de sortir ce "pseudo argument" pour justifier la faiblesse (nullité) des commandes du 380. L'histoire ne se répète pas, ce n'est parce que le 747 a eu "soit disons" un début difficile et qu'après c'est devenu un succès commercial que ça va être pareil pour le 380. Ce sont deux époques totalement différentes, les contextes économique, social et politique n'ont RIEN a voir, mais vraiment RIEN à voir...
Ensuite:
- "Seulement tous les opérateurs attendent une réelle nouvelle version dite « Neo » avec de nouveaux moteurs et de nouveaux matériaux composites pour faire sensiblement baisser le poids de l’appareil tout en agrandissant le fuselage pour porter sa capacité à 800 passagers au lieu des 520 actuels. "
Alors là je ne savais pas que TOUS les opérateurs attendent la version neo du 380... il n y a que Emirates qui s'est montrée intéressée... Les autres compagnies, au contraire, cherchent à se débarrasser de l'avion.
Ensuite, c'est écrit:
- "En clair cela signifie qu’en 2030 il faudra transporter 4 milliards de passagers supplémentaires c’est-à-dire 11 millions de passagers de plus chaque jour. Je voudrais bien qu’on m’explique comment cela sera possible sans disposer d’appareils de très grande capacité."
La prévision de Boeing du vol "point à point" (à différence des hubs d'airbus) s'est montrée exacte, le 787 a permis d'ouvrir et de rendre rentable des routes aériennes qui ne l'étaient pas auparavant. Il se peut que le nombre de passagers augmente mais c'est certainement aussi une conséquence de l'ouverture et de la multiplication de nouvelles routes aériennes et non pas l'augmentation locale du trafic au niveau des hubs.
Conclusion, les quadriréacteurs n'ont plus de futur, le 747 a marqué à jamais l'histoire de l'aviation, le 380 ne le fera pas.

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