"Ma vision étant que nous allons devoir faire de la décroissance dans certains secteurs du tourisme, je ne vois pas comment nous allons pouvoir échapper à cela," selon Julien Etchanchu, responsable des pratiques durables chez Advito - Crédit photos : Depositphotos @Rimis164
TourMaG.com - Est-il inquiétant de découvrir que des acteurs du tourisme ne veulent pas faire leur part pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Julien Etchanchu : C'est un constat plutôt alarmant.
Au début, j'étais un peu binaire, avec d'un côté les méchants capitalistes qui voulaient polluer la planète et d'un côté les gentils écolos qui voulaient la sauver.
Finalement, c'est plus complexe. Je pense que personne ne s'en fout totalement de la planète. Il y a un vrai manque d'éducation. En toute humilité, certains acteurs n'ont pas compris le sujet.
Si nous ne faisons rien, j'ai peur que dans 10 ans, il n'y ait plus de tourisme parce que la situation a dégénéré. C'est un peu comme de vouloir toujours viser la croissance, sauf que si elle nous mène dans le mur, il faut changer de modèle.
Après je reste positif. Il y a une évolution dans la façon de penser. Au début des années 2000, les gens ne croyaient pas au réchauffement climatique et maintenant, il y a une prise de conscience. Mais tout le monde croit que la technologie va nous sauver.
Dans 5 ans, nous serons dans l'étape suivante : la technologie ne nous sauvera pas, il faudra faire moins.
Julien Etchanchu : C'est un constat plutôt alarmant.
Au début, j'étais un peu binaire, avec d'un côté les méchants capitalistes qui voulaient polluer la planète et d'un côté les gentils écolos qui voulaient la sauver.
Finalement, c'est plus complexe. Je pense que personne ne s'en fout totalement de la planète. Il y a un vrai manque d'éducation. En toute humilité, certains acteurs n'ont pas compris le sujet.
Si nous ne faisons rien, j'ai peur que dans 10 ans, il n'y ait plus de tourisme parce que la situation a dégénéré. C'est un peu comme de vouloir toujours viser la croissance, sauf que si elle nous mène dans le mur, il faut changer de modèle.
Après je reste positif. Il y a une évolution dans la façon de penser. Au début des années 2000, les gens ne croyaient pas au réchauffement climatique et maintenant, il y a une prise de conscience. Mais tout le monde croit que la technologie va nous sauver.
Dans 5 ans, nous serons dans l'étape suivante : la technologie ne nous sauvera pas, il faudra faire moins.
"Nous allons devoir faire de la décroissance dans certains secteurs..."
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TourMaG.com - Pour vous, il ne faut pas attendre la prise de conscience des clients. Les entreprises doivent toutes s'y mettre, un peu comme la légende du colibri pour permettre de pérenniser l'industrie. Est-ce bien ça ?
Julien Etchanchu : Il n'y a pas de petit pas, tout le monde doit s'y mettre.
Chaque geste compte. Après, les gouvernements doivent aussi agir, en mettant en place des régulations plus strictes.
Je reste persuadé que les entreprises qui vont prendre le pli les premières, sortiront gagnantes. Ma vision étant que nous allons devoir faire de la décroissance dans certains secteurs du tourisme. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir échapper à cela.
Ceux qui s'adapteront le plus tôt et surtout qui vont se focaliser sur le produit, seront les grands gagnants.
Pour résumer, je ne pense pas qu'il faille tout attendre des consommateurs.
TourMaG.com - Avant de poursuivre, pourriez-vous expliquer ce qu'est Advito ?
Julien Etchanchu : Nous sommes une filiale en conseil de BCD Travel, une entreprise spécialisée dans le voyage d'affaires.
En temps normal, notre principal travail consiste à optimiser les dépenses voyages des clients. Concrètement, il y a encore 2 ans et demi je devais négocier les contrats aériens, à la place des grands groupes qui sont nos clients.
Ma fibre environnementale m'a poussé à proposer à la PDG de BCD Travel de créer une branche dans le conseil, mais sur les dépenses de CO2. Très rapidement les clients ont adhéré, avec une grosse demande.
Dans la dynamique des ventes, notre expertise pour réduire les dépenses CO2 est ce qui marche le mieux au sein d'Advito.
Certes c'est une démarche dans l'air du temps, mais je pense surtout que les clients apprécient notre honnêteté.
TourMaG.com - Pour être honnête, vous l'êtes ! Votre mantra est de dire aux entreprises sous contrat avec vous qu'il faut réduire les voyages...
Julien Etchanchu : Nous marquons un peu un but contre notre camp, alors que plus nos clients voyagent plus BCD Travel gagne d'argent.
Vous pouvez tourner les chiffres dans tous les sens, il n'est plus possible d'atteindre les objectifs climatiques en voyageant seulement mieux.
Notre honnêteté est récompensée, puisque nous avons 15 entreprises sous contrat, dont Facebook ou encore Microsoft et nous avons encore 25 noms dans les tuyaux qui aimeraient travailler avec nous.
Actuellement, nous sommes 4 à plein temps, avec aussi l'aide de quelques experts et des renforts attendus l'année prochaine.
"Nous n'arriverons pas à rendre l'aérien vertueux d'ici 2030"
TourMaG.com - Votre travail se base sur les recommandations du GIEC. En quoi leurs travaux vont-ils influencer le tourisme ?
Julien Etchanchu : Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) n'est plus contesté et fait office d'autorité.
En se basant sur leurs travaux, nous nous rendons compte qu'il est indispensable de réduire nos émissions de CO2 de 50% d'ici 2030, soit une baisse de 5 ou 6% par an, chaque année.
Cette réduction entrainera une hausse de 1,5 degré des températures.
Pour vous donner un ordre d'idées, en 2020 et avec les confinements dans une bonne partie du monde, l'arrêt des voyages pendant de longues semaines, nous avons réussi à atteindre cet objectif.
Afin de se conformer aux objectifs de réduction, il nous faut donc une pandémie mondiale chaque année. Cela montre l'ampleur de la tâche. Chacun va donc devoir faire sa part et dans le secteur du tourisme, le plus gros effort concerne l'aérien.
TourMaG.com - Selon vous, les innovations dans l'aérien ne vont pas suffire à moyen terme ?
Julien Etchanchu : La technologie et les innovations sont un piège.
Dans l'histoire, chaque fois qu'il y a une innovation pour être plus efficace notamment dans les transports, cela aboutit paradoxalement à une hausse des émissions de CO2.
L'effet rebond, appelé aussi le "paradoxe de Jevons" du nom d'un économiste anglais qui s'était rendu compte que plus les locomotives à charbon étaient efficaces et plus elles allaient loin. Sur l'aérien c'est pareil.
Les compagnies ont considérablement réduit leur consommation, les avions sont très nettement plus efficaces, mais dans le même temps les volumes ont explosé.
Même s'il n'y a pas ce fameux effet rebond, nous ne serons jamais dans le délai imparti. Jusqu'à maintenant, sur les 30 dernières années, l'aérien a réussi à réduire son impact de 1,5% par an, alors que l'objectif est de 6% annuellement.
Nous n'arriverons pas à rendre l'aérien vertueux d'ici 2030.
Julien Etchanchu : Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) n'est plus contesté et fait office d'autorité.
En se basant sur leurs travaux, nous nous rendons compte qu'il est indispensable de réduire nos émissions de CO2 de 50% d'ici 2030, soit une baisse de 5 ou 6% par an, chaque année.
Cette réduction entrainera une hausse de 1,5 degré des températures.
Pour vous donner un ordre d'idées, en 2020 et avec les confinements dans une bonne partie du monde, l'arrêt des voyages pendant de longues semaines, nous avons réussi à atteindre cet objectif.
Afin de se conformer aux objectifs de réduction, il nous faut donc une pandémie mondiale chaque année. Cela montre l'ampleur de la tâche. Chacun va donc devoir faire sa part et dans le secteur du tourisme, le plus gros effort concerne l'aérien.
TourMaG.com - Selon vous, les innovations dans l'aérien ne vont pas suffire à moyen terme ?
Julien Etchanchu : La technologie et les innovations sont un piège.
Dans l'histoire, chaque fois qu'il y a une innovation pour être plus efficace notamment dans les transports, cela aboutit paradoxalement à une hausse des émissions de CO2.
L'effet rebond, appelé aussi le "paradoxe de Jevons" du nom d'un économiste anglais qui s'était rendu compte que plus les locomotives à charbon étaient efficaces et plus elles allaient loin. Sur l'aérien c'est pareil.
Les compagnies ont considérablement réduit leur consommation, les avions sont très nettement plus efficaces, mais dans le même temps les volumes ont explosé.
Même s'il n'y a pas ce fameux effet rebond, nous ne serons jamais dans le délai imparti. Jusqu'à maintenant, sur les 30 dernières années, l'aérien a réussi à réduire son impact de 1,5% par an, alors que l'objectif est de 6% annuellement.
Nous n'arriverons pas à rendre l'aérien vertueux d'ici 2030.
"Le voyage doit redevenir ce qu'il était, il y a quelques décennies"
"Est-il possible d'avoir une croissance infinie dans un monde fini ? Je n'en suis pas sûr du tout. Nous sommes drogués aux énergies fossiles et nous allons devoir nous sevrer dans pas longtemps." selon Julien Etchanchu
TourMaG.com - L'électricité n'est pas une alternative viable non plus...
Julien Etchanchu : Imaginez un peu si tous les avions qui arrivent ou partent de Roissy étaient électriques, il nous faudarit entre 10 et 15 centrales nucléaires pour les alimenter.
Quand nous parlons innovation, nous devons aussi parler de l'énergie qui l'alimente. Rappelez-vous le temps que met la France pour construire la nouvelle centrale EPR de Flamanville.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas toutes ces innovations, dans l'aérien. Il est super d'avoir ces nouveaux avions.
TourMaG.com - Surtout que si des pays sont en mesure de produire de l'électricité sans "trop" impacter le climat, d'autres comme la Chine rouvrent des centrales à charbon à la pelle pour alimenter le pays.
Julien Etchanchu : Exactement et nous nous trouvons dans une période où l'énergie pourrait devenir plus rare et plus chère.
Nous devons donc réduire les voyages et aller moins loin. Le voyage doit redevenir ce qu'il était, il y a quelques décennies. Revenez trente ans en arrière : prendre l'avion était exceptionnel.
Nous devons faire un petit retour en arrière. Pour poursuivre sur les avions j'avais espoir avec les biocarburants, mais en me renseignant, je pense que le problème est le même.
L'utilisation de ces nouveaux carburants n'est pas neutre en carbone et la production de l'hydrogène est par exemple très énergivore.
Julien Etchanchu : Imaginez un peu si tous les avions qui arrivent ou partent de Roissy étaient électriques, il nous faudarit entre 10 et 15 centrales nucléaires pour les alimenter.
Quand nous parlons innovation, nous devons aussi parler de l'énergie qui l'alimente. Rappelez-vous le temps que met la France pour construire la nouvelle centrale EPR de Flamanville.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas toutes ces innovations, dans l'aérien. Il est super d'avoir ces nouveaux avions.
TourMaG.com - Surtout que si des pays sont en mesure de produire de l'électricité sans "trop" impacter le climat, d'autres comme la Chine rouvrent des centrales à charbon à la pelle pour alimenter le pays.
Julien Etchanchu : Exactement et nous nous trouvons dans une période où l'énergie pourrait devenir plus rare et plus chère.
Nous devons donc réduire les voyages et aller moins loin. Le voyage doit redevenir ce qu'il était, il y a quelques décennies. Revenez trente ans en arrière : prendre l'avion était exceptionnel.
Nous devons faire un petit retour en arrière. Pour poursuivre sur les avions j'avais espoir avec les biocarburants, mais en me renseignant, je pense que le problème est le même.
L'utilisation de ces nouveaux carburants n'est pas neutre en carbone et la production de l'hydrogène est par exemple très énergivore.
Aérien : je ne pense même pas qu'il y ait de solution miracle
TourMaG.com - C'est aussi le cas pour le carburant aérien durable (SAF) ?
Julien Etchanchu : Dans le SAF, il y a des biocarburants et d'autres synthétiques.
Pour la 1ère partie, vous trouvez le colza ou de l'huile de friture usager. Les moteurs d'aujourd'hui permettent d'utiliser ce genre de carburant, mais par exemple, le SAF produit avec l'huile palme est 3 fois plus polluant que le Kérozène.
Sa production est donc très importante à prendre en compte. Sur les synthétiques, ça marche, mais il faut une quantité d'énergie phénoménale.
Dans les deux cas à grande échelle, il sera compliqué de développer le SAF.
TourMaG.com - L'hydrogène a été propulsé comme la solution miracle par Bruno Le Maire, mais d'après les nombreux articles parus dans la presse, ça ne semble pas non plus la panacée...
Julien Etchanchu : Il est indispensable de poursuivre les recherches sur l'hydrogène, mais il ne faut pas en attendre une solution à court terme.
Le problème de l'hydrogène est qu'il n'existe pas à l'état pur dans la nature.
Il est toujours couplé à une autre molécule, comme de l'eau. Pour avoir de l'hydrogène, vous devez donc casser la molécule d'eau et pour cela il faut énormément d'énergie qui devra elle-même être décarbonée.
C'est tout le problème. Il faudrait donc des milliers d'éoliennes pour arriver à cela. En attendant, il faut chauffer les maisons, faire rouler les voitures, tourner les entreprises, etc.
Je ne suis pas certain que nous ayons les capacités logistiques pour produire autant d'hydrogène.
TourMaG.com - Pour le moment, il n'y a donc pas de solution miracle et il faudra attendre très longtemps avant qu'elle n'apparaisse...
Julien Etchanchu : Et je ne pense même pas qu'il y ait une solution miracle.
Si je raisonne de manière basique, nous devons comprendre que nous vivons dans un monde aux ressources finies.
Est-il possible d'avoir une croissance infinie dans un monde fini ? Je n'en suis pas sûr du tout. Nous sommes drogués aux énergies fossiles et nous allons devoir nous sevrer dans pas longtemps...
Julien Etchanchu : Dans le SAF, il y a des biocarburants et d'autres synthétiques.
Pour la 1ère partie, vous trouvez le colza ou de l'huile de friture usager. Les moteurs d'aujourd'hui permettent d'utiliser ce genre de carburant, mais par exemple, le SAF produit avec l'huile palme est 3 fois plus polluant que le Kérozène.
Sa production est donc très importante à prendre en compte. Sur les synthétiques, ça marche, mais il faut une quantité d'énergie phénoménale.
Dans les deux cas à grande échelle, il sera compliqué de développer le SAF.
TourMaG.com - L'hydrogène a été propulsé comme la solution miracle par Bruno Le Maire, mais d'après les nombreux articles parus dans la presse, ça ne semble pas non plus la panacée...
Julien Etchanchu : Il est indispensable de poursuivre les recherches sur l'hydrogène, mais il ne faut pas en attendre une solution à court terme.
Le problème de l'hydrogène est qu'il n'existe pas à l'état pur dans la nature.
Il est toujours couplé à une autre molécule, comme de l'eau. Pour avoir de l'hydrogène, vous devez donc casser la molécule d'eau et pour cela il faut énormément d'énergie qui devra elle-même être décarbonée.
C'est tout le problème. Il faudrait donc des milliers d'éoliennes pour arriver à cela. En attendant, il faut chauffer les maisons, faire rouler les voitures, tourner les entreprises, etc.
Je ne suis pas certain que nous ayons les capacités logistiques pour produire autant d'hydrogène.
TourMaG.com - Pour le moment, il n'y a donc pas de solution miracle et il faudra attendre très longtemps avant qu'elle n'apparaisse...
Julien Etchanchu : Et je ne pense même pas qu'il y ait une solution miracle.
Si je raisonne de manière basique, nous devons comprendre que nous vivons dans un monde aux ressources finies.
Est-il possible d'avoir une croissance infinie dans un monde fini ? Je n'en suis pas sûr du tout. Nous sommes drogués aux énergies fossiles et nous allons devoir nous sevrer dans pas longtemps...