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Jean Belotti : "Depuis que des avions volent, on n'avait jamais vu cela..."

Il convenait de prendre des dispositions de sécurité


Alors que les critiques pleuvent sur la gestion de la fermeture de l'espace aérien européen, Jean Belotti, expert en sécurité, estime que "Le degré de gravité d’une éruption volcanique ne peut être mesuré en comptant le nombre de "crashs", à partir duquel des dispositions seront prises !"


Rédigé par La Rédaction le Jeudi 22 Avril 2010

Jean Belotti : "Depuis que des avions volent, on n'avait jamais vu cela..."
TourMaG.com : Y-a-t’il eu d’autres éruptions volcaniques avant celle du volcan Islandais ?

Jean Belotti :
A des fréquences non prévisibles, il y a effectivement eu d’autres éruptions volcaniques. Mais, depuis que des avions volent, c’est la première fois que de tels nuages recouvrent des zones de fort trafic aérien.

C’est ainsi que, face à la survenance de cette importante éruption, et en connaissance des risques encourus, la nécessité de réagir rapidement a été admise par tous les pays concernés, notons-le.


TourMaG.com : Est-ce que les gestionnaires de l’espace aérien n’ont pas traité ces particules volcaniques en suspension dans des nuages, comme l’ont fait les instances médicales dans la récente pandémie de grippe ?

J. B. :
Dans l’attente des vaccins, le degré de gravité d’une pandémie est mesuré par le nombre de décès enregistrés, critère à partir duquel seront définies les mesures préventives.

Or, le degré de gravité d’une éruption volcanique ne peut pas être mesuré en comptant le nombre de "crashs", à partir duquel des dispositions seront prises !

Il convient donc, dans ce cas, de prendre des dispositions de sécurité, en fonction des différentes situations envisageables.

TourMaG.com : De quelles situations s’agit-il ?

J.B. :
En fait, on peut localiser deux zones :

1̊. - Une zone d’interdiction, dans laquelle le risque d’arrêt des moteurs est quasiment certain, celle délimitée par le nuage initial proprement dit, et son déplacement initial.

2̊. - Une zone de précaution, délimitée par l’espace dans lequel ledit nuage s’est répandu, en fonction de la force et de la direction des vents.

Dans cette zone, la masse nuageuse peut être composée non seulement des nuages habituels, mais également de ceux provenant de l’éruption volcanique.

Dans ce cas, certes, les radars permettent de localiser lesdits nuages, mais pas leur composition. Il en résulte que deux situations peuvent être rencontrées :

- La densité en particules est élevée, et il y a risque d’arrêt des réacteurs (comme cela s’est déjà produit). Cette conséquence concerne donc la sécurité des vols.

- La densité en particules est peu élevée et il n’y a qu’un risque de dégradation des moteurs par corrosion, dépôts, etc... Cette conséquence concerne donc la maintenance (contrôles, inspections, nettoyages, etc...).

Étant donné que ces situations dépendent de la densité en molécules de poussières volcaniques contenues dans les masses d’air traversées, il est évident - et c’est ce qui a été fait, une fois la masse de nuages volcaniques suffisamment localisée - que les dispositions indispensables à la différenciation de ces situations nécessitait de faire des tests en effectuant des prélèvements d’échantillons d’air et en auscultant les appareils après leur atterrissage.


TourMaG.com : En tenant compte des perturbations pour les passagers, résultant de l’arrêt des vols et des énormes pertes qui en résultent pour les compagnies - mais également toutes les autres sociétés intervenant dans la logique du transport aérien - la question souvent posée est de savoir si "on n’en a pas trop fait" ?

J.B. :
À la suite d’un tel événement, celui d‘un nuage volcanique s’étalant dans des zones de flux de trafic aérien très dense il est facile - tout étant redevenu normal - d’affirmer qu’on en a trop fait, ou pas assez fait ; qu’on a réagi trop vite, ou pas assez vite !

Cela étant, force est de constater que la quasi-unanimité des pays concernés, a montré une cohérence dans les dispositions de prudence qui ont été prises.

En effet, on imagine quelle serait la réaction des familles des victimes, voire de tous les citoyens, si aucune disposition n’ayant été prise, un avion de ligne s’était "crashé", ses moteurs n’ayant pu être remis en fonctionnement ?

Où - moins grave, certes, mais quand même significatif - si un avion s’était posé, en "emergency", le pare-brise recouvert de cendres et un moteur en panne ?

Jean Belotti : "Depuis que des avions volent, on n'avait jamais vu cela..."
TourMaG.com : Dès lors que les premiers tests avaient été concluants, pourquoi ne pas avoir autorisé les vols depuis tous les aéroports ?

J.B. :
Simplement parce que les trajectoires des routes desservies à partir de tous les aéroports ne passent pas toutes à côté de la masse nuageuse contaminée.

De plus, il est essentiel de retenir que les résultats des tests effectués dans certaines zones, ne sont valables qu’à un endroit donné et à un moment donné.

Si l’on admet que la situation ne peut que s’améliorer avec le temps, puisque les particules - celles qui ne sont pas encore tombées au sol - s’étalent dans un espace de plus en plus grand, la densité citée ne peut donc que diminuer. Bien sûr, cette conclusion n’est valable que si l’éruption cesse !


TourMaG.com : La création de corridors n’est-elle pas une bonne solution pour faire repartir les vols ?

J.B. :
Deux cas possibles :

- Le volcan se calme et la masse nuageuse s’étalant sur une zone de plus en plus étendue, la densité en molécules diminue. Résultat : Il est alors possible d’effectuer des vols en toute sécurité sur les routes aériennes habituelles, ce qui rend les corridors inutiles ;

- L’éruption reprend de plus belle et les nouvelles éjections de gaz viennent renforcer les premières. Le déplacement des masses nuageuses dépendra alors de l’évolution de la situation météorologique mondiale (marais barométrique, zones anticycloniques et dépressionnaires, etc...) laquelle conditionnera la force et la direction du vent.

Résultat : De nouveaux tests seront à faire régulièrement, afin de vérifier si les corridors initialement définis sont toujours sûrs ou s’il convient d’en créer d’autres. En bref, un corridor peut être sûr un jour et ne plus l’être le lendemain.

Le fait que personne ne soit en mesure de prédire quel sera le comportement du volcan - aussi bien à court terme qu’à moyen terme - explique que dans plusieurs pays, les vols sur certaines destinations n’ont pas encore été autorisés et que la libération totale du trafic n’a pu se faire, également, que progressivement.

Cela étant dit, dès lors que la reprise des vols est confirmée, c’est que les autorités concernées - tout en restant vigilantes sur l’évolution de la situation - ont estimé que le résultat des analyses autorisaient cette reprise.

TourMaG.com : Alors, puisque ces masses nuageuses se déplacent à très haute altitude, n’est-il pas envisageable, de faire voler les avions en toute sécurité sur les routes habituelles, mais à des altitudes plus basses ?

J.B. :
Le décollage, puis l’atterrissage sur le terrain de destination ayant été étant autorisés, il est effectivement possible de faire le vol à des altitudes plus basses que celles habituellement retenues.

Or, il convient de savoir que plus un avion vole haut, moins il consomme de carburant. Entre autres conséquences, il en résulte que, par exemple, sur une traversée océanique, le fait de voler 2.000 pieds plus bas, conduit, pour un quadriréacteur, à une augmentation de la consommation de carburant d’environ 2 tonnes.

Donc nécessité d’augmenter la quantité de carburant à bord et, pour ne pas dépasser la masse maximum autorisée au décollage, de réduire la charge marchande embarquée.


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Commentaires

1.Posté par Un lecteur (cadre d'un TO) le 23/04/2010 09:59 | Alerter
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Tiens ! Pour une fois, un avis intègre et au maximum impartial ! Pas l'une de ses réactions corporatistes plus attachée au CA qu'à la sécurité du passager...

Tourmag vient de se racheter en publiant cet avis : car enfin, que d'âneries avons-pu nous lire de la part des TO, managers et décideurs interviewés depuis le début des mesures d'exceptions prises en faveur de la sécurité civile des passagers...

Dans cette affaire, il est impensable de faire un parallèle entre le 9/11 ou la grippe A : le premier événement a tiré l'activité des TO et des compagnies aériennes vers le bas pendant au moins 2 ans (mais peut-on même parler de principe de précaution en cas de terrorisme : évidemment pas...) ; le second événement a concerné une pandémie hélàs très (trop) bien connue où il y eut des morts (certes bien loin de l'hécatombe pronostiquée : là, le principe est bien dit de "précaution", car en réaction à un phénomène connu... même si, peut-être cela fut-il mal géré, pour de bon, dans ce cas).

Dans le cadre d'une éruption disséminant ses retombées sur la toute première aire de circulation aérienne au monde, nous n'avions aucun recul sur les impacts : ce n'est donc même pas un principe de précaution qui fut appliqué en l'absence de conséquences clairement connues, mais bel et bien une élémentaire raison de sécurité en attendant de comprendre scientifiquement les risques !

Ce qui est remarquable dans cette affaire est le débat sans cesse éludé entre la volonté de gagner de l'argent (les avions volent et les TO affrêtent) et celle de sauvegarder des vies (les avions ne volent pas et les TO rapatrient).

Ou encore la question de l'extrême vulnérabilité de notre économie mondialisée, dans laquelle le tourisme est en première ligne : un événement (meurtrier ou pas) passe désormais pour majeur dans ses impacts économiques (tempêtes, séisme, dévaluation monétaire, pandémie... ou éruption) tandis qu'autrefois il pertubait de manière moindre nos sociétés plus cloisonnées.

Est-ce que notre secteur est prêt à l'accepter enfin ??

Dans le cas contraire, autant reconvertir le tourisme français dans une économie strictement domestique, étroitement hexagonale, limitée à une offre de proximité moins dépendante du transport international...

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