Sur les questions d'accessibilité aux sites UNESCO, le Mont Saint-Michel a mis en place un système de navettes - DR : CMN
TourMaG - 2022 est une année anniversaire pour l'Association des biens français du patrimoine mondial (ABFPM). Elle marque à la fois les 15 ans d’existence de votre association, mais aussi les 50 ans de la Convention de l’UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel...
Jean-François Caron : Effectivement, et sur les 49 sites inscrits en France, notre association regroupe à la fois des sites culturels monumentaux comme le Mont-Saint-Michel, le Pont du Gard, certaines cathédrales ; des sites naturels comme le parc du Monte Perdido dans les Pyrénées ou les Terres et mers australes françaises ; et puis des paysages culturels évolutifs, comme le Val de Loire ou le Bassin minier dans le Nord-Pas de Calais.
TourMaG - Comment l'ABFPM est-elle organisée ?
Jean-François Caron : Nous avons différentes commissions qui travaillent sur les questions de protection, de médiation, de plan de gestion, d'urbanisme, de gestion des (sur)fréquentations, d'impact touristique, de formation d'équipes, d'enjeux et mobilités, etc.
Elles sont animées par des territoires qui vont se pencher, chacun, sur un sujet.
Ce travail avec les territoires est fondamental, c'est même l'élément-clé, car lorsque vous inscrivez un site au Patrimoine, dans le dossier d'inscription vont figurer un état des lieux, la justification de la valeur universelle exceptionnelle du site mais aussi les mesures qui vont être prises pour que la qualité du lieu subsiste.
Si vous construisez des gratte-ciels au milieu d'une vieille ville classée, le site peut être déclassé par l'UNESCO. C'est déjà arrivé.
Jean-François Caron : Effectivement, et sur les 49 sites inscrits en France, notre association regroupe à la fois des sites culturels monumentaux comme le Mont-Saint-Michel, le Pont du Gard, certaines cathédrales ; des sites naturels comme le parc du Monte Perdido dans les Pyrénées ou les Terres et mers australes françaises ; et puis des paysages culturels évolutifs, comme le Val de Loire ou le Bassin minier dans le Nord-Pas de Calais.
TourMaG - Comment l'ABFPM est-elle organisée ?
Jean-François Caron : Nous avons différentes commissions qui travaillent sur les questions de protection, de médiation, de plan de gestion, d'urbanisme, de gestion des (sur)fréquentations, d'impact touristique, de formation d'équipes, d'enjeux et mobilités, etc.
Elles sont animées par des territoires qui vont se pencher, chacun, sur un sujet.
Ce travail avec les territoires est fondamental, c'est même l'élément-clé, car lorsque vous inscrivez un site au Patrimoine, dans le dossier d'inscription vont figurer un état des lieux, la justification de la valeur universelle exceptionnelle du site mais aussi les mesures qui vont être prises pour que la qualité du lieu subsiste.
Si vous construisez des gratte-ciels au milieu d'une vieille ville classée, le site peut être déclassé par l'UNESCO. C'est déjà arrivé.
TourMaG - Être classé au Patrimoine mondial est à la fois une reconnaissance et un énorme coup de projecteur. Depuis 50 ans que ce classement existe, nous avons pu voir les limites et les risques d'un tel classement, notamment en terme de surfréquentation des sites...
Jean-François Caron : Exactement, certains sites ont été fortement dégradés par des usages touristiques trop intenses. Je me rappelle d'un débat sur les Galapagos, où la fréquentation touristique avait explosé et par conséquent, la qualité de la biodiversité avait été impactée.
Pour rappel, les premiers sites inscrits ne présentaient pas de plan de gestion, ils étaient inscrits sur « leur bonne mine ». Depuis, entre les exemples de sites dégradés - pour lesquels l'UNESCO demande aujourd'hui des garanties sur le maintien de la qualité des lieux dans le temps - et le nombre de sites qui souhaiteraient être inscrits, l'UNESCO a renforcé ses exigences sur la qualité des dossiers.
Si à l'époque, une copie double - en exagérant un peu - suffisait, je peux vous dire que le dossier que j'ai déposé pour le Bassin Minier pesait 8kg !
Rien que pour le plan de gestion, vous devez montrer les engagements que vont prendre les propriétaires du lieu, les riverains, les municipalités et l'ensemble des acteurs concernés pour démontrer que le site en question ne va pas être saccagé.
TourMaG - L'ABFPM, de son côté, exerce un rôle à la fois d'accompagnement et d'information auprès des gestionnaires de sites ?
Jean-François Caron : Nous sommes là pour informer, pour aider mais nous ne sommes pas responsables, puisque les sites UNESCO sont présentés par la France.
Ce sont les États qui sont responsables devant l'UNESCO de l'état de conservation des biens. Les ministres et les Préfets ont donc un rôle très important pour rappeler les enjeux de maintien de la qualité.
En revanche, l'ABFPM dispose d'une expérience de la gestion des sites. Je suis personnellement maire d'une commune, je connais les besoins en terme de construction de logement social, les besoins de développement économique, et mon expérience peut aider d'autres territoires qui aimeraient être inscrits.
Nous pouvons aider ces territoires, à condition qu'ils soient dans la liste indicative que l’État français a retenu.
Par exemple, nous pouvons apporter notre conseil sur les questions d'accessibilité au site, afin d'éviter les problèmes de circulation, de parking, de dégradation du bien, etc. Je citerai notamment les initiatives du Mont-Saint-Michel qui a mis en place un système de navettes, ou encore le petit train qui donne accès au Puy-de-Dôme.
Jean-François Caron : Exactement, certains sites ont été fortement dégradés par des usages touristiques trop intenses. Je me rappelle d'un débat sur les Galapagos, où la fréquentation touristique avait explosé et par conséquent, la qualité de la biodiversité avait été impactée.
Pour rappel, les premiers sites inscrits ne présentaient pas de plan de gestion, ils étaient inscrits sur « leur bonne mine ». Depuis, entre les exemples de sites dégradés - pour lesquels l'UNESCO demande aujourd'hui des garanties sur le maintien de la qualité des lieux dans le temps - et le nombre de sites qui souhaiteraient être inscrits, l'UNESCO a renforcé ses exigences sur la qualité des dossiers.
Si à l'époque, une copie double - en exagérant un peu - suffisait, je peux vous dire que le dossier que j'ai déposé pour le Bassin Minier pesait 8kg !
Rien que pour le plan de gestion, vous devez montrer les engagements que vont prendre les propriétaires du lieu, les riverains, les municipalités et l'ensemble des acteurs concernés pour démontrer que le site en question ne va pas être saccagé.
TourMaG - L'ABFPM, de son côté, exerce un rôle à la fois d'accompagnement et d'information auprès des gestionnaires de sites ?
Jean-François Caron : Nous sommes là pour informer, pour aider mais nous ne sommes pas responsables, puisque les sites UNESCO sont présentés par la France.
Ce sont les États qui sont responsables devant l'UNESCO de l'état de conservation des biens. Les ministres et les Préfets ont donc un rôle très important pour rappeler les enjeux de maintien de la qualité.
En revanche, l'ABFPM dispose d'une expérience de la gestion des sites. Je suis personnellement maire d'une commune, je connais les besoins en terme de construction de logement social, les besoins de développement économique, et mon expérience peut aider d'autres territoires qui aimeraient être inscrits.
Nous pouvons aider ces territoires, à condition qu'ils soient dans la liste indicative que l’État français a retenu.
Par exemple, nous pouvons apporter notre conseil sur les questions d'accessibilité au site, afin d'éviter les problèmes de circulation, de parking, de dégradation du bien, etc. Je citerai notamment les initiatives du Mont-Saint-Michel qui a mis en place un système de navettes, ou encore le petit train qui donne accès au Puy-de-Dôme.
TourMaG - Si l’État français est responsable des sites, qu'en est-il des financements ?
Jean-François Caron : Cela dépend si le site fait partie des monuments nationaux où là , l’État est propriétaire et gère donc ce type de site. Mais cela reste tout de même l'exception.
Dans le cas des grands paysages culturels évolutifs, par exemple le cas du bassin minier, il y a près de 100 communes concernées, les diocèses pour les églises, les propriétaires des 100 000 logements miniers, soit une multiplicité de responsables.
Il ne reçoit pas de chèque quand on est inscrit à l'UNESCO, c'est un label de qualité qui permet d'aller chercher plus facilement des subventions et de générer beaucoup plus de tourisme - pour les sites qui peuvent en générer - donc des recettes, mais ce n’est pas l’État qui paye.
C'est l'ensemble des acteurs qui doivent être à la hauteur du classement. C'est pour cela que lors du dépôt de dossier, le plan de gestion doit afficher les engagements des partenaires.
Sans cela, les experts UNESCO de l'ICOMOS (pour Conseil international des monuments et des sites, ndlr) et de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature, ndlr) vont émettre des questions, voire des avis défavorables.
L’État - qui va présenter le dossier - va donc pousser au maximum pour que le dossier soit de qualité et qu'il ne soit pas rejeté par l'Unesco, en vue de la venue de ces experts de l'ICOMOS ou de l'UICN suite au dépôt du dossier.
LIRE AUSSI : Patrimoine mondial : l'UNESCO se penche (enfin ?) sur la "gestion du tourisme"
TourMaG - Que font ces experts exactement ?
Jean-François Caron : Ils vont venir expertiser le dossier et ne doivent avoir aucune relation avec notre pays.
Par exemple, pour le Bassin minier, l'expert en question était un Gallois spécialiste en patrimoine industriel, qui fait autorité à l'échelle mondiale, dans tous les colloques liés au patrimoine industriel.
Il est venu une semaine pour faire son inspection. Il pouvait demander à voir le Président de Région, les Préfets, des habitants, des communes, etc.
Une fois l'inspection terminée, l'expert va remettre un rapport quelques mois plus tard, qui sera rendu public au moment de la présentation du projet, soutenue par l’État concerné. Ce rapport peut être favorable, réservé ou défavorable.
Enfin, les 21 pays qui vont juger au nom de la communauté internationale vont écouter, débattre et décider de l'approbation ou non du nouveau site sur la liste du Patrimoine mondial.
Jean-François Caron : Cela dépend si le site fait partie des monuments nationaux où là , l’État est propriétaire et gère donc ce type de site. Mais cela reste tout de même l'exception.
Dans le cas des grands paysages culturels évolutifs, par exemple le cas du bassin minier, il y a près de 100 communes concernées, les diocèses pour les églises, les propriétaires des 100 000 logements miniers, soit une multiplicité de responsables.
Il ne reçoit pas de chèque quand on est inscrit à l'UNESCO, c'est un label de qualité qui permet d'aller chercher plus facilement des subventions et de générer beaucoup plus de tourisme - pour les sites qui peuvent en générer - donc des recettes, mais ce n’est pas l’État qui paye.
C'est l'ensemble des acteurs qui doivent être à la hauteur du classement. C'est pour cela que lors du dépôt de dossier, le plan de gestion doit afficher les engagements des partenaires.
Sans cela, les experts UNESCO de l'ICOMOS (pour Conseil international des monuments et des sites, ndlr) et de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature, ndlr) vont émettre des questions, voire des avis défavorables.
L’État - qui va présenter le dossier - va donc pousser au maximum pour que le dossier soit de qualité et qu'il ne soit pas rejeté par l'Unesco, en vue de la venue de ces experts de l'ICOMOS ou de l'UICN suite au dépôt du dossier.
LIRE AUSSI : Patrimoine mondial : l'UNESCO se penche (enfin ?) sur la "gestion du tourisme"
TourMaG - Que font ces experts exactement ?
Jean-François Caron : Ils vont venir expertiser le dossier et ne doivent avoir aucune relation avec notre pays.
Par exemple, pour le Bassin minier, l'expert en question était un Gallois spécialiste en patrimoine industriel, qui fait autorité à l'échelle mondiale, dans tous les colloques liés au patrimoine industriel.
Il est venu une semaine pour faire son inspection. Il pouvait demander à voir le Président de Région, les Préfets, des habitants, des communes, etc.
Une fois l'inspection terminée, l'expert va remettre un rapport quelques mois plus tard, qui sera rendu public au moment de la présentation du projet, soutenue par l’État concerné. Ce rapport peut être favorable, réservé ou défavorable.
Enfin, les 21 pays qui vont juger au nom de la communauté internationale vont écouter, débattre et décider de l'approbation ou non du nouveau site sur la liste du Patrimoine mondial.
TourMaG - Existe-t-il d'autres associations comme la vôtre dans le monde ?
Jean-François Caron : Pas à ma connaissance, notre association est assez remarquable.
Il faut dire que la France est l'un des pays qui a le plus de biens inscrits au monde. Cela nous donne une volonté de partager nos méthodes, nos difficultés autour des enjeux de protection, de médiation, de plan de gestion...
En effet, lorsqu'une partie d'une ville est inscrite au patrimoine mondial, il y a obligatoirement des règlements d'urbanisme, une exigence sur la transformation des bâtiments ou encore la qualité des paysages que l'on ne peut pas dégrader. Si l'on met, par exemple, des éoliennes au pied du Mont-Saint-Michel, on voit bien que l'on va perdre de la valeur paysagère.
Un certain nombre de nos sites sont d'ailleurs en parrainage ou en jumelage avec d'autres sites dans le monde, ou aident des projets dans d'autres territoires.
Les ministères (Culture, Affaires Étrangères, Transition), quant à eux, nous incitent à être de plus en plus actifs à l'international étant donné que la France est très bien dotée. A ce sujet, la France est désormais limitée à un seul dépôt de dossier par an.
TourMaG - Est-ce à cause du nombre déjà important de sites classés ?
Jean-François Caron : Il y a en effet, d'une manière générale, une surreprésentation des pays européens (France, Italie, Allemagne, Espagne) au Patrimoine mondial, alors que de nombreux pays, notamment en Afrique, ont très peu de sites classés, parce qu'ils ont peu de moyens.
Les ministères et la représentation de la France à l'étranger nous demandent donc d'aller aider en ingénierie des projets pour faire en sorte que cette idée de patrimoine mondial soit partagée à l'échelle du globe. D'autant plus que cela implique également des relations de paix entre les peuples, d'échanges culturels et permet de comprendre les histoires de chacun des pays.
Les éléments de patrimoine et de culture portent de grands enjeux. Prenons l'exemple de la guerre en Yougoslavie il y a quelques dizaines d'années, et des enjeux autour de la Serbie, du Monténégro, du Kosovo, de la Bosnie : la question culturelle et patrimoniale était très forte.
De notre côté, l'ABFPM dispose d'une commission International qui était gérée par Lyon et qui va être reprise par Strasbourg.
Il y a aussi des projets autour de la Méditerranée pour essayer d'aider des territoires qui n'ont pas forcément notre expérience et notre expertise.
LIRE AUSSI : Patrimoine mondial de l'UNESCO : la préservation du patrimoine dépassée par l'enjeu économique
Jean-François Caron : Pas à ma connaissance, notre association est assez remarquable.
Il faut dire que la France est l'un des pays qui a le plus de biens inscrits au monde. Cela nous donne une volonté de partager nos méthodes, nos difficultés autour des enjeux de protection, de médiation, de plan de gestion...
En effet, lorsqu'une partie d'une ville est inscrite au patrimoine mondial, il y a obligatoirement des règlements d'urbanisme, une exigence sur la transformation des bâtiments ou encore la qualité des paysages que l'on ne peut pas dégrader. Si l'on met, par exemple, des éoliennes au pied du Mont-Saint-Michel, on voit bien que l'on va perdre de la valeur paysagère.
Un certain nombre de nos sites sont d'ailleurs en parrainage ou en jumelage avec d'autres sites dans le monde, ou aident des projets dans d'autres territoires.
Les ministères (Culture, Affaires Étrangères, Transition), quant à eux, nous incitent à être de plus en plus actifs à l'international étant donné que la France est très bien dotée. A ce sujet, la France est désormais limitée à un seul dépôt de dossier par an.
TourMaG - Est-ce à cause du nombre déjà important de sites classés ?
Jean-François Caron : Il y a en effet, d'une manière générale, une surreprésentation des pays européens (France, Italie, Allemagne, Espagne) au Patrimoine mondial, alors que de nombreux pays, notamment en Afrique, ont très peu de sites classés, parce qu'ils ont peu de moyens.
Les ministères et la représentation de la France à l'étranger nous demandent donc d'aller aider en ingénierie des projets pour faire en sorte que cette idée de patrimoine mondial soit partagée à l'échelle du globe. D'autant plus que cela implique également des relations de paix entre les peuples, d'échanges culturels et permet de comprendre les histoires de chacun des pays.
Les éléments de patrimoine et de culture portent de grands enjeux. Prenons l'exemple de la guerre en Yougoslavie il y a quelques dizaines d'années, et des enjeux autour de la Serbie, du Monténégro, du Kosovo, de la Bosnie : la question culturelle et patrimoniale était très forte.
De notre côté, l'ABFPM dispose d'une commission International qui était gérée par Lyon et qui va être reprise par Strasbourg.
Il y a aussi des projets autour de la Méditerranée pour essayer d'aider des territoires qui n'ont pas forcément notre expérience et notre expertise.
LIRE AUSSI : Patrimoine mondial de l'UNESCO : la préservation du patrimoine dépassée par l'enjeu économique
Dans le bassin minier, il a fallu tourner la page d'une activité qui faisait vivre ses habitants et le Patrimoine Mondial a permis de mettre en valeur l'héritage culturel, historique et de valeurs de la région - DR : Jean-Michel André, Mission Bassin Minier
TourMaG - La France est limitée, mais il y aura tout de même un nouveau site français en candidature pour 2023...
Jean-François Caron : Je ne peux pas vous en parler, c'est dans les prérogatives de l’État de communiquer là -dessus.
Mais je pense que du fait de la pandémie et de la Guerre en Ukraine et étant donné que le Comité ne s'est pas réuni, il y aura deux années regroupées en une, donc une possibilité pour la France de présenter deux dossiers.
Nous connaissons bien sûr les dossiers qui sont sur la short list et l’État devrait faire son choix d'ici fin janvier 2023.
TourMaG - Être classé au patrimoine mondial est-il toujours synonyme de retombées économiques ?
Jean-François Caron : Il n'y a quasiment jamais de sites qui n'ont pas de retombées.
Évidemment, on ne peut pas comparer le Pont du Gard et ses centaines de milliers de visiteurs, avec certains lacs de Savoie et de Haute-Savoie que l'on appelle les sites palafittiques, c'est-à -dire de l'archéologie lacustre, sous l'eau. Cela ne déclenche pas le même effet.
De même, dans le bassin minier, je ne vois pas des cars entiers de touristes débarquer comme dans le Golfe de Porto, en Corse, où tout le monde veut prendre un bateau pour visiter les calanques. Malgré cela, quelque soit le site, le fait d'être classé au Patrimoine mondial est une marque de qualité exceptionnelle.
Jean-François Caron : Je ne peux pas vous en parler, c'est dans les prérogatives de l’État de communiquer là -dessus.
Mais je pense que du fait de la pandémie et de la Guerre en Ukraine et étant donné que le Comité ne s'est pas réuni, il y aura deux années regroupées en une, donc une possibilité pour la France de présenter deux dossiers.
Nous connaissons bien sûr les dossiers qui sont sur la short list et l’État devrait faire son choix d'ici fin janvier 2023.
TourMaG - Être classé au patrimoine mondial est-il toujours synonyme de retombées économiques ?
Jean-François Caron : Il n'y a quasiment jamais de sites qui n'ont pas de retombées.
Évidemment, on ne peut pas comparer le Pont du Gard et ses centaines de milliers de visiteurs, avec certains lacs de Savoie et de Haute-Savoie que l'on appelle les sites palafittiques, c'est-à -dire de l'archéologie lacustre, sous l'eau. Cela ne déclenche pas le même effet.
De même, dans le bassin minier, je ne vois pas des cars entiers de touristes débarquer comme dans le Golfe de Porto, en Corse, où tout le monde veut prendre un bateau pour visiter les calanques. Malgré cela, quelque soit le site, le fait d'être classé au Patrimoine mondial est une marque de qualité exceptionnelle.
TourMaG - La pandémie de Covid-19 a-t-elle eu un effet sur la gestion des sites ?
Jean-François Caron : La pandémie a bouleversé beaucoup de choses puisque certains sites vivaient uniquement du tourisme international. Au Laos ou au Cambodge, des populations entières sont menacées de famine parce qu'elles vivaient du tourisme sur ces sites.
A l'inverse en France, certains sites n'avaient jamais connu une telle fréquentation. Il y a même eu surfréquentation, puisque nous avons redécouvert un tourisme de proximité. Donc tout cela a un impact.
LIRE AUSSI : En demandant aux Français de choisir la France, l'Etat français met en danger toute une filière
TourMaG - Ces sites devraient-ils imposer des quotas journaliers ?
Jean-François Caron : Il y a déjà des limitations sur le nombre de visiteurs sur certains sites.
Pour d'autres, comme l’œuvre de Le Corbusier, a été mis en place une stratégie de médiation, avec des guides formés qui vont prendre en main les visiteurs sur une demi-journée et faire visiter l'intérieur de bâtiments signés par cet architecte.
En revanche, dans le Val de Loire, vous pouvez avoir deux millions de visiteurs qui sont répartis sur pleins de sites et chaque site va développer sa propre stratégie.
Dans le cas du Golfe de Porto, par ailleurs, qui peut être menacé par de fortes fréquentations, la limite peut se faire au niveau du nombre de bateaux. Doit-on en effet autoriser davantage de bateaux alors que l'on connaît déjà des surfréquentations ? Ces interrogations là , presque tous les sites les connaissent. Et chacun va adapter sa stratégie.
TourMaG - Les différentes commissions de l'ABFPM vont-elles aider les sites à définir ou à revoir leur stratégie ?
Jean-François Caron : Dans le cas du Covid, par exemple, nous avons très vite réuni une commission spéciale dans laquelle les gestionnaires de sites intéressés ont pu participer, tels de nombreux « petits » sites - des abbayes, la Saline royale d'Arc-et-Senans - qui se sont retrouvés confrontés à toute une série de questions.
Ils ont pu bénéficier de l'effet réseau et du partage d'expériences.
Mais des sites comme ceux de la Ville de Paris (Notre-Dame, les rives de la Seine), pour lesquels le classement Patrimoine mondial n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres au vu de la fréquentation, n'ont pas besoin de nous pour réfléchir à leur propre stratégie.
Jean-François Caron : La pandémie a bouleversé beaucoup de choses puisque certains sites vivaient uniquement du tourisme international. Au Laos ou au Cambodge, des populations entières sont menacées de famine parce qu'elles vivaient du tourisme sur ces sites.
A l'inverse en France, certains sites n'avaient jamais connu une telle fréquentation. Il y a même eu surfréquentation, puisque nous avons redécouvert un tourisme de proximité. Donc tout cela a un impact.
LIRE AUSSI : En demandant aux Français de choisir la France, l'Etat français met en danger toute une filière
TourMaG - Ces sites devraient-ils imposer des quotas journaliers ?
Jean-François Caron : Il y a déjà des limitations sur le nombre de visiteurs sur certains sites.
Pour d'autres, comme l’œuvre de Le Corbusier, a été mis en place une stratégie de médiation, avec des guides formés qui vont prendre en main les visiteurs sur une demi-journée et faire visiter l'intérieur de bâtiments signés par cet architecte.
En revanche, dans le Val de Loire, vous pouvez avoir deux millions de visiteurs qui sont répartis sur pleins de sites et chaque site va développer sa propre stratégie.
Dans le cas du Golfe de Porto, par ailleurs, qui peut être menacé par de fortes fréquentations, la limite peut se faire au niveau du nombre de bateaux. Doit-on en effet autoriser davantage de bateaux alors que l'on connaît déjà des surfréquentations ? Ces interrogations là , presque tous les sites les connaissent. Et chacun va adapter sa stratégie.
TourMaG - Les différentes commissions de l'ABFPM vont-elles aider les sites à définir ou à revoir leur stratégie ?
Jean-François Caron : Dans le cas du Covid, par exemple, nous avons très vite réuni une commission spéciale dans laquelle les gestionnaires de sites intéressés ont pu participer, tels de nombreux « petits » sites - des abbayes, la Saline royale d'Arc-et-Senans - qui se sont retrouvés confrontés à toute une série de questions.
Ils ont pu bénéficier de l'effet réseau et du partage d'expériences.
Mais des sites comme ceux de la Ville de Paris (Notre-Dame, les rives de la Seine), pour lesquels le classement Patrimoine mondial n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres au vu de la fréquentation, n'ont pas besoin de nous pour réfléchir à leur propre stratégie.
TourMaG - Comment l'ABFPM aborde-t-elle les questions de changement climatique ?
Jean-François Caron : Depuis deux ou trois ans, nous notons une hausse très importante du nombre de colloques et de temps de travail autour des questions de transition, dont un colloque tout récemment au Louvre Lens où, sur une journée dédiée, nous avons balayé tous les types d'impacts.
Par exemple, la barrière de corail qui est profondément attaquée par le réchauffement climatique et la montée des eaux.
Il y a des sites qui sont purement et simplement menacés de disparaître. D'autres sites qui sont de grandes zones humides, du fait du réchauffement et de la désertification, vont voir leur valeur naturelle s'effondrer.
On voit également cela sur des bâtiments, menacés par la montée des eaux, la rétractation des argiles ou le comportement de certains matériaux qui, au-delà de 40°C, cause des dégâts.
Il y a également des enjeux liés à la nécessité de produire des énergies renouvelables : comment gérer les éoliennes dans un site classé au Patrimoine mondial ?
Il est évident que la transformation liée au dérèglement climatique est de nature à tout bouleverser, dont les déplacements des personnes à l'échelle du monde. Quand on constate la diminution du trafic aérien parce qu'il va être taxé sur le carbone, on peut s'attendre à ce que cela change complètement le modèle économique de certains pays.
A l'inverse, nous verrons probablement des sites qui vont développer des stratégies de mobilités douces, avec des découvertes de nature différente.
En réalité, il s'agit des enjeux actuels du tourisme en général. On retrouve le même type d'approche autour du tourisme durable : doit-on « consommer » un site du Patrimoine mondial en deux heures pour limiter la surfréquentation ou au contraire, doit-on proposer des découvertes beaucoup plus intimistes ?
Ces questions-là sont présentes partout, et encore plus sur les sites Unesco, où on ne vient pas pour mettre ses pieds dans le sable...
TourMaG - Le dérèglement climatique et les conflits géopolitiques représentent-ils une menace sérieuse pour le Patrimoine mondial ? A l'heure où la Convention fête ses 50 ans, comment aborder les 50 prochaines années ?
Jean-François Caron : Notre humanité vit des moments très troublés, on le voit avec le dérèglement climatique et les impacts que cela génère déjà - et que cela va générer - de tensions entre les territoires sur l'accès aux ressources.
On voit que les ressources de la planète diminuent. On voit avec la guerre en Ukraine comment la crise énergétique peut générer des efforts gravissimes. Je ne vais pas vous faire un topo sur tous les impacts négatifs, mais on voit bien que notre modèle de développement est arrivé d'une certaine façon à son terme sous cette forme.
Face à ce constat, il me semble que la question du patrimoine est très importante car nous entrons dans des zones d'insécurité, très anxiogènes.
L'éco-anxiété chez les jeunes, par exemple, est massive. La génération qui arrive est incroyablement angoissée par rapport à l'avenir. Dans ce contexte-là - et je l'ai vécu dans mon territoire minier où il fallait tourner la page d'une activité qui nous faisait vivre et qui a fermé - la capacité à savoir d'où l'on vient, de quel héritage culturel, historique, de valeurs nous sommes dépositaires, est l'une des façons de savoir où l'on habite.
Et dans des moments comme aujourd'hui, nous savons que tous les peuples qui coupent avec leurs racines sont des peuples qui « partent en vrille ». On le voit chez les Amérindiens, des tribus amazoniennes, les Inuits : on voit de profondes dégradations dès lors que l'on coupe avec sa culture.
Tout cela pour vous dire que, pour moi, la question du patrimoine n'est pas une histoire de vieilles pierres, mais elle permet de savoir de quelle histoire nous sommes porteurs, d'oĂą viennent nos parents, nos grands-parents, qu'est-ce qui fait qu'ils se sont inscrits dans un territoire et en quoi tout cela nous nourrit.
Je pense que cela est d'autant plus important dans le moment que nous allons vivre de plus en plus, de déstabilisation de nos écosystèmes.
J'invite donc les gens à regarder le patrimoine pas seulement sous l'angle de sa beauté, mais aussi sous l'angle de la transmission des valeurs et de comment il nous nourrit.
Il est un point d'appui et il suffit de voir comment, dans beaucoup de conflits, on va tout de suite taper sur les lieux patrimoniaux, pour le comprendre, parce qu'ils sont porteurs de quelque chose de profond sur l'histoire des peuples.
Jean-François Caron : Depuis deux ou trois ans, nous notons une hausse très importante du nombre de colloques et de temps de travail autour des questions de transition, dont un colloque tout récemment au Louvre Lens où, sur une journée dédiée, nous avons balayé tous les types d'impacts.
Par exemple, la barrière de corail qui est profondément attaquée par le réchauffement climatique et la montée des eaux.
Il y a des sites qui sont purement et simplement menacés de disparaître. D'autres sites qui sont de grandes zones humides, du fait du réchauffement et de la désertification, vont voir leur valeur naturelle s'effondrer.
On voit également cela sur des bâtiments, menacés par la montée des eaux, la rétractation des argiles ou le comportement de certains matériaux qui, au-delà de 40°C, cause des dégâts.
Il y a également des enjeux liés à la nécessité de produire des énergies renouvelables : comment gérer les éoliennes dans un site classé au Patrimoine mondial ?
Il est évident que la transformation liée au dérèglement climatique est de nature à tout bouleverser, dont les déplacements des personnes à l'échelle du monde. Quand on constate la diminution du trafic aérien parce qu'il va être taxé sur le carbone, on peut s'attendre à ce que cela change complètement le modèle économique de certains pays.
A l'inverse, nous verrons probablement des sites qui vont développer des stratégies de mobilités douces, avec des découvertes de nature différente.
En réalité, il s'agit des enjeux actuels du tourisme en général. On retrouve le même type d'approche autour du tourisme durable : doit-on « consommer » un site du Patrimoine mondial en deux heures pour limiter la surfréquentation ou au contraire, doit-on proposer des découvertes beaucoup plus intimistes ?
Ces questions-là sont présentes partout, et encore plus sur les sites Unesco, où on ne vient pas pour mettre ses pieds dans le sable...
TourMaG - Le dérèglement climatique et les conflits géopolitiques représentent-ils une menace sérieuse pour le Patrimoine mondial ? A l'heure où la Convention fête ses 50 ans, comment aborder les 50 prochaines années ?
Jean-François Caron : Notre humanité vit des moments très troublés, on le voit avec le dérèglement climatique et les impacts que cela génère déjà - et que cela va générer - de tensions entre les territoires sur l'accès aux ressources.
On voit que les ressources de la planète diminuent. On voit avec la guerre en Ukraine comment la crise énergétique peut générer des efforts gravissimes. Je ne vais pas vous faire un topo sur tous les impacts négatifs, mais on voit bien que notre modèle de développement est arrivé d'une certaine façon à son terme sous cette forme.
Face à ce constat, il me semble que la question du patrimoine est très importante car nous entrons dans des zones d'insécurité, très anxiogènes.
L'éco-anxiété chez les jeunes, par exemple, est massive. La génération qui arrive est incroyablement angoissée par rapport à l'avenir. Dans ce contexte-là - et je l'ai vécu dans mon territoire minier où il fallait tourner la page d'une activité qui nous faisait vivre et qui a fermé - la capacité à savoir d'où l'on vient, de quel héritage culturel, historique, de valeurs nous sommes dépositaires, est l'une des façons de savoir où l'on habite.
Et dans des moments comme aujourd'hui, nous savons que tous les peuples qui coupent avec leurs racines sont des peuples qui « partent en vrille ». On le voit chez les Amérindiens, des tribus amazoniennes, les Inuits : on voit de profondes dégradations dès lors que l'on coupe avec sa culture.
Tout cela pour vous dire que, pour moi, la question du patrimoine n'est pas une histoire de vieilles pierres, mais elle permet de savoir de quelle histoire nous sommes porteurs, d'oĂą viennent nos parents, nos grands-parents, qu'est-ce qui fait qu'ils se sont inscrits dans un territoire et en quoi tout cela nous nourrit.
Je pense que cela est d'autant plus important dans le moment que nous allons vivre de plus en plus, de déstabilisation de nos écosystèmes.
J'invite donc les gens à regarder le patrimoine pas seulement sous l'angle de sa beauté, mais aussi sous l'angle de la transmission des valeurs et de comment il nous nourrit.
Il est un point d'appui et il suffit de voir comment, dans beaucoup de conflits, on va tout de suite taper sur les lieux patrimoniaux, pour le comprendre, parce qu'ils sont porteurs de quelque chose de profond sur l'histoire des peuples.