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Comment le tourisme crée de la valeur pour les investisseurs et les collectivités

Au Forum des Pionniers, une table ronde sur « La création de valeur pour l'écosystème et au service de notre secteur »


Au-delà de leurs collaborateurs et de leurs clients, comment les entreprises du tourisme peuvent-elles créer de la valeur pour l'ensemble de leur écosystème, et notamment les investisseurs et les collectivités ? La question a été soulevée lors du Forum des Pionniers 2024 sur l'Île de la Réunion. TourMaG vous propose un condensé de la table ronde.


Rédigé par le Mercredi 17 Juillet 2024

Les participants au Forum des Pionniers 2024 ont abordé la question de la création de valeur pour l'ensemble de l'écosystème et au service du secteur touristique - Photo Forum des Pionniers, Jules Despretz
Les participants au Forum des Pionniers 2024 ont abordé la question de la création de valeur pour l'ensemble de l'écosystème et au service du secteur touristique - Photo Forum des Pionniers, Jules Despretz
Après les clients B2B, les clients B2C et les collaborateurs, les participants au Forum des Pionniers 2024, qui s'est tenu début juin à La Réunion, ont également abordé la thématique de la création de valeur pour l'ensemble de l'écosystème et au service du secteur touristique.

Qu'elle passe par une contribution économique, une innovation technologique ou un changement de modèle, cette création de valeur peut impliquer des investisseurs, des institutions, des collectivités et même des gouvernements.

Mais alors, comment intéresser ces parties tierces pour créer davantage de valeur ?

La première partie du débat, animé par Rodolphe Lenoir (Impact Consultants), était consacrée aux investissements financiers : comment convaincre un actionnaire de croire en une entreprise ou une solution technologique ?

Pour Tristan Daube, le président de TravelAssist.IO, qui boucle actuellement une levée de fonds, le soutien financier le plus important est venu de ses plus proches clients. « C'est compliqué au départ, il faut montrer aux investisseurs que votre solution présente un intérêt alors que jusqu'à présent, ils n'en avaient pas eu besoin. D'autant plus qu'il s'agit d'investissements relativement importants.

Ce qui est intéressant de notre cas, c'est que nos plus gros soutiens sont des acteurs du marché, ce qui veut dire que nous avons réussi, petit à petit, à leur expliquer l'intérêt de travailler tous ensemble
 ».

La technologie pour répondre aux attentes et aux besoins de l'écosystème

Pour cela, TravelAssist a trouvé un équilibre entre la « tech » et l'humain. « Dans la technologie que nous embarquons, il y a beaucoup d'IA, au service de nos équipes. Il y a aussi beaucoup d'humain, mais pour que tout cela puisse tenir, il y a toute une infrastructure technologique qui nous permet d'apporter un niveau d'efficacité semblable à celui de grandes sociétés ou de conciergeries, à nos clients agences de voyages.

Nous gérons tous les petits détails du quotidien, et ainsi nous répartissons la charge de responsabilité. Grâce à cela, nous faisons baisser en moyenne de 23% le taux de réclamation
 », précise le fondateur de Travel Assist, rappelant que ceci permet de réduire le coût financier pour ses clients, avec notamment moins d'astreintes la nuit pour les collaborateurs.

« De leur côté, nos actionnaires comprennent qu'il y a un modèle économique qui est facile à vendre et qui correspond à une attente. Nous ne sommes pas un coût supplémentaire, mais un chiffre d'affaires complémentaire pour eux, en apportant une valeur de différenciation. C'est ce qu'attendent les actionnaires ».

Dans un secteur aussi complexe que la travel tech, la création de valeur peut aussi - et simplement - passer par le fait d'être une entreprise experte du secteur, qui va montrer aux investisseurs qu'elle maîtrise cette complexité. « A partir du moment où l'on arrive à faire comprendre à tout l'écosystème comment ses éléments peuvent fonctionner ensemble, on crée déjà de la valeur » a renchéri Cyril Guiraud, cofondateur et COO de la société de conseil en solutions numériques THETA, insistant sur l'importance de personnaliser les solutions pour apporter de la valeur à ses clients et à l'entreprise elle-même.

Avec Theta, Cyril Guiraud accompagne ses clients à concrétiser leurs idées via la technologie. « La technologie a toujours servi à traduire les idées. Et nous, nous intervenons entre l'expression du besoin et sa réalisation. La création de valeur se fait à ce moment-là », a-t-il expliqué à propos de son modèle.

En parallèle, le Groupe cherche en permanence à avoir un coup d'avance sur les prochaines solutions technologiques. Une autre façon de créer toujours plus de valeur et qui plait aux investisseurs. « Dès qu'une technologie sort, qui n'est pas forcément appliquée au tourisme, nous allons essayer de nous l'approprier et de voir quels cas concrets nous pouvons apporter au secteur », explique Cyril Guiraud, qui planche actuellement sur l'intelligence artificielle (IA).

La RSE créatrice de valeur économique

Si la « tech » crée de la valeur économique en même temps qu'elle apporte des solutions à l'écosystème touristique, peut-il en être de même pour la RSE ?

La question a été posée à Cathy Bou, fondatrice du cabinet Agapé, qui accompagne les personnes et les organisations, à titre individuel ou de façon collective, dans leurs démarches RSE. « Une entreprise qui met en place de la RSE enregistre une rentabilité supérieure de 13% à une autre entreprise selon l'AFNOR », a-t-elle lancé en introduction.

Mais au-delà des chiffres, la RSE contribue aussi à améliorer le modèle de fonctionnement des entreprises et leurs interactions avec leur écosystème.

Cathy Bou a notamment pris en exemple le cas du droit de retrait. « Je rencontre actuellement un problème avec des collaborateurs qui ne veulent plus travailler avec certaines marques, comme TotalEnergies, Starbucks, H&M, Adidas, etc. ou avec certains clients qu'ils trouvent trop agressifs, et qui font valoir leur droit de retrait.

Nous avons donc décidé d'ouvrir la parole des collaborateurs des entreprises que j'accompagne, de les laisser s'exprimer sur le sujet librement et de participer à la création d'un nouveau modèle à mettre en place
 ».

Pour une entreprise en particulier, il a été décidé de suivre l'idée de la collaboratrice la plus virulente. Cette dernière a proposé que 8% du volume d’affaires de la marque généré avec son entreprise soit redistribué à des associations.

De cette expérience, « nous avons retenu deux indicateurs de création de valeur par la RSE : les ressources humaines ont été préservées, puisque l'équipe a été fédérée autour du sujet, et l'entreprise a contribué à un abondement de 8% en faveur de l'association », résume Cathy Bou.

Création de valeur pour la collectivité : l'exemple du LUX Le Morne

De son côté, le Groupe hôtelier international The Lux Collective a également mis en place depuis 2018 une démarche de création de valeur pour et avec son écosystème, et notamment l'environnement, en lançant son concept d'Innovation Challenge.

Ce dernier permet à chacun des hôtels du Groupe de répondre à un projet impliquant soit le personnel, soit les fournisseurs, voire les clients, avec un impact positif sur l'environnement.

A l'île Maurice, l'équipe du Lux Le Morne a ainsi imaginé le programme « Zero Food Waste » (pour zéro déchet alimentaire).

« Il a fallu analyser les sources du déchet alimentaire, les mesurer, pour voir comment les diminuer, voire complètement les éradiquer, a expliqué Justine Vergeot, responsable ventes et marketing de The Lux Collective.

Pour cela, nous avons notamment travaillé en amont avec les fournisseurs pour calculer au mieux les achats en fonction du taux d'occupation de l'hôtel ou de sa fréquentation. Je schématise un peu, mais pour vous donner un exemple, nous allons commander davantage de poisson s'il y a plus de Français présents, et davantage de viande si la clientèle est en majorité anglophone ».

La distribution de la nourriture des buffets a aussi été améliorée - en optant notamment pour des assiettes plus petites afin de réduire la taille des portions et donc le gaspillage alimentaire - ainsi que la sensibilisation des clients.

Enfin, The Lux Collective s'est rapproché des localités pour redistribuer une partie des repas qui n'ont pas été servis, à des personnes dans le besoin, ou dans des écoles. Ces déchets permettent aussi d'alimenter des fermes et des associations de protection des animaux qui ont besoin de récupérer de la nourriture, et en dernier recours, partent au compostage.

« Aujourd'hui, le programme permet de distribuer un peu plus de 500 repas par mois, et de réaliser un peu plus de 600 kilos de compostage par mois, poursuit Justine Vergeot.

Le programme a même été validé par l'AHRIM, qui est l'Association des Hôteliers et Restaurateurs de l'Ile Maurice, avec le soutien d'une ONG, et s'étend aux autres hôtels LUX de l'Île Maurice, de la Réunion, des Maldives et d'autres à venir ». Ce projet issu du tourisme est devenu un cercle vertueux de création de valeur pour l'environnement et l'écosystème.

La « croissance régénérative » est indispensable

Après ces exemples concrets, la table ronde a laissé place à la prospective, pour évoquer le principe de « croissance régénérative ».

« La croissance régénérative, par définition, signifie ne plus d'avoir d'impacts négatifs, seulement des impacts positifs. La création devient régénérative, comme le milieu du vivant », a exposé Cathy Bou. Et « clairement, c'est indispensable. Nous n'avons plus suffisamment de ressources, qu'elles soient humaines ou environnementales, à prendre ».

Citant l'usage des bouteilles en plastique dans les hôtels « qui épuise les ressources pétrolières de façon grave et contamine les océans alors que le verre - en bouteille ou en carafe - est une ressource infiniment renouvelable », la spécialiste RSE a rappelé qu'à terme, les clients seront tous des consommateurs-acteurs qui choisiront les hôtels où il n'y a pas de bouteilles en plastique.

Mais cette croissance « régénérative » peut-elle générer de la valeur économique ?

« Forcément, répond Cathy Bou, puisqu'on n'épuise plus les ressources, on ne produit pas de déchets, donc on enlève des coûts indirects à l'entreprise, ce qui permet de créer de la valeur financière immédiate.

De même, si l'on travaille avec les ressources humaines déjà présentes dans son équipe, sans aller chercher des ressources ailleurs qu'il faut reformer, on évite les coûts cachés
 ».

La RSE n'est plus une option

Citons en exemple l'initiative de The Lux Collective qui ne s'est pas arrêté au projet « Zero Food Waste », et a lancé, dans la même veine, une nouvelle marque, « Salt », avec un premier hôtel « Salt of Palmar » à l'Île Maurice « avec l'idée de s'inscrire dans le 100% local et l'environnemental », a rebondi Justine Vergeot.

« Cet hôtel, c'est 0% de plastique à usage unique. Même l'emballage du savon de la salle de bains est fait avec du papier à base de sable, 100% biodégradable et recyclable. C'est aussi, au niveau de l'alimentation, zéro pesticides. Nous n'importons plus d'aliments, nous prenons les fruits et les légumes de saison, les produits sont fournis par les fermes, les producteurs, les pêcheurs locaux. Le personnel est aussi 100% local ».

De même, l'ameublement de l'hôtel a été réalisé par des artisans locaux, tandis que des artistes locaux se chargent de l'animation de l’établissement, etc.

Pour les réfractaires aux politiques RSE ou au régénératif, la fondatrice d'Agapé a conclu la table ronde en rappelant ce fait : « aujourd'hui, 20% des investisseurs demandent une évaluation ESG (pour Environnement, Social et Gouvernance), il s'agit d'une demande financière propre.

Il existe également une nouvelle directive,
la CSRB, qui comprend 1 700 indicateurs de mesure de la création de valeur et de la notion d'impact : bilan carbone, bilan des émissions de gaz à effet de serre pour les sociétés internationales, bilan social qui va mesurer le turnover, la parité, les CDI, les CDD, etc. C'est énorme et cela représente beaucoup de travail de préparation pour les entreprises, principalement celles du CAC 40, mais les ETI, les TPE et les PME seront bientôt concernées », avertit-elle.

Des évolutions à prendre en compte pour créer de la valeur pour son entreprise, comme pour son écosystème...

Retrouvez tous les articles du Forum des Pionniers 2024 en cliquant ici.


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