Richard Soubielle était le numéro 3 des Voyages Fram
TourMaG.com - Comment avez-vous débuté chez Fram ?
Richard Soubielle : « Je suis rentré chez Fram pour gagner mon argent de poche alors que j’étais étudiant. Philippe Polderman m’a fortement encouragé et motivé. Il m’a initié au métier d’agent de voyages. Je suis passé par tous les services, comptoir, billetterie, forfaits.
J’ai commencé à voyager. Mes premiers voyages resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Je pense au Cala di Volpe sur la Costa Esmeralda en Sardaigne et surtout à Patmos, l’île sainte des chrétiens. Il existe sur cette île où Saint Jean rédigea l’Apocalypse une force tellurique unique. Je crois que c’est à ce moment là que j’ai décidé d’exercer ce métier pour faire partager mes émotions et mes passions. »
TM.com - Comment êtes vous passé du poste de billettiste à celui de directeur de la production ?
R.S. : « Je n’ai pas fait toute ma carrière chez Fram. Il y avait dans l’entreprise un noyau d’anciens militaires de carrière, compagnons de guerre de Philippe Polderman qui les avait appelés pour encadrer la société. Discipline, rigueur, productivité et esprit d’équipe étaient alors les maîtres mots de l’entreprise.
J’avais un chef de service d’origine flamande, ancien officier dans la légion étrangère. Il était polyglotte, il avait fait l’Indochine. Il m’a donné le goût de la découverte et de l’aventure. J’avais la trentaine. J’étais loin du poste de directeur de production. J’ai voulu aller voir ailleurs… »
TM.com - Qu’avez-vous fait pendant cette période ?
R.S. : « J’ai eu d’autres expériences professionnelles. J’ai été directeur régional de la compagnie Tunisair qui ouvrait une ligne sur Toulouse. Je me suis associé avec des amis dans un petit réseau régional « Phoebus Voyages ». Je me suis rapproché des institutions régionales. J’ai été administrateur de la chambre régionale du SNAV. J’étais au conseil professionnel des producteurs.
Toutes ces instances étaient dominées par Philippe Polderman, qui était la personnalité prépondérante de la région. En 1986 le directeur de la Production de Fram s’est tué dans un accident. Philippe Polderman m’a demandé de le rejoindre pour reprendre le poste. J’ai accepté. J’avais 38 ans. »
TM.com - Quel type de patron est Philippe Polderman ?
R.S. : « Il était un exemple : visionnaire, pionnier, grand capitaine d’industrie. Il y avait chez lui de la simplicité dans l’analyse et du pragmatisme dans les décisions. Il m’a enseigné des valeurs humaines que j’ai toujours mises en pratique. Il avait une devise gardée des Chantiers de Jeunesse « Ne pas subir » qu’il n’avait de cesse de rappeler dans ses principes de management. J’ai aimé cette devise et je l’ai mise en pratique pour moi. »
TM.com - Vous parlez de M. Polderman au passé. Mais qui est-il aujourd’hui ? Qui décide du management de Fram ?
R.S. : « Monsieur Polderman a 87 ans. Il est toujours très pertinent dans ses propos mais je crains qu’il soit instrumentalisé par un entourage direct, professionnel et familial. »
TM.com - En 2003 et 2004 Fram a traversé une période difficile avec de mauvais résultats. Avec le recul comment analysez-vous cette « mauvaise passe » ?
R.S. : » Georges Colson a pris la présidence de l’entreprise au moment de la guerre du golfe. L’industrie du tourisme traversait une période difficile. De nouveaux opérateurs « majors » arrivaient avec une stratégie apte à diviser le marché. Certaines des grandes destinations touristiques s’effondraient.
Mais les mauvais résultats de Fram étaient, en grande partie, la conséquence d’une importante erreur dans la couverture de change. Une entreprise est faite d’actionnaires et de talents. Propriétaire ne se conjugue pas nécessairement avec gestionnaire. Cela a développé des tensions internes. »
TM.com - Votre poste était-il menacé ?
R.S. : « Pas du tout. Pendant six ans j’ai été appelé à siéger au Directoire de l’entreprise au titre de ma compétence. J’ai servi les intérêts de la société en faisant valoir ma spécialité de producteur et d’expert. Il y avait dans l’entreprise des personnalités attachantes, des talents complémentaires et certaines oppositions dans l’analyse des faits et dans les objectifs. Ce n’était pas négatif. La force vient aussi de l’opposition des idées. »
TM.com. Alors pourquoi avez-vous démissionné ?
R.S. : « Lors de la dernière Assemblée Générale, tous les membres du Directoire ont été renouvelés à part moi. Je ne suis pas un homme de pouvoir mais un homme d’action. J’ai besoin de me sentir épaulé dans la confiance et la reconnaissance. Je n’ai été renouvelé ni par le conseil de surveillance ni par la nouvelle présidente.
Je n’étais plus dans le schéma futur de l’entreprise, sans doute victime d’une amitié et d’une prise de position personnelle. Ma culture, mes valeurs et ma fierté étaient bafouées. J’ai donné 72 heures pour avoir une clarification, une explication. La présidente n’a pas répondu. Je n’avais jamais été habitué à l’esquive. Mes rapports étaient basés sur la confiance et le dialogue.
Au bout de 72 heures je n’ai eu aucune réponse. Pour être respecté un patron doit incarner de vraies valeurs, sans décalage entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. J’ai mis en pratique la devise « ne pas subir » et j’ai écrit ma lettre de démission en acceptant de perdre, à 58 ans, un excellent confort matériel. Je continue à dire que je suis un pur « produit » Polderman et que je lui porte toujours un regard bienveillant. »
TM.com - Quels sont vos projets et quelle est votre mission auprès du Groupe Promovacances ?
R.S. : « Dans la vie d’un homme il y a un temps pour l’action et un temps pour la transmission. J’ai en effet créé RSC, une structure de Consultant et je continue à œuvrer dans mes domaines de compétence qui sont la production et l’organisation avec toujours, en toile de fond, le respect du client.
Il est particulièrement intéressant d’entrer dans la « bulle » Internet dans le cadre d’une structure majeure avec des managers de moins de 40 ans. Il est enthousiasmant de vivre avec de jeunes talents cette époque charnière et créer le tourisme de demain. Apprendre et transmettre sont également passionnants.
Je reste tout de même convaincu que, malgré la fulgurance de l’outil, l’agent de voyages aura toujours sa place. Cependant il faut bien savoir que devenir un bon conseiller et apporter une valeur ajoutée prend du temps. Il faut des années pour acquérir l’expérience du contact humain et des voyages. »
(*) Avec une licence de droit obtenue à Toulouse, Richard Soubielle était destiné à reprendre le cabinet d’assurances paternel mais la vocation d’assureur ne l’a jamais pris aux tripes. Lui, il voulait répondre à l’appel des autres, des voyages, de la musique, du rugby, de la montagne. Ce monde là, il l’a trouvé en faisant un stage chez Fram. Sa rencontre avec Georges Colson et avec le grand patron, Philippe Polderman, scellera son attachement à l’entreprise.
Richard Soubielle : « Je suis rentré chez Fram pour gagner mon argent de poche alors que j’étais étudiant. Philippe Polderman m’a fortement encouragé et motivé. Il m’a initié au métier d’agent de voyages. Je suis passé par tous les services, comptoir, billetterie, forfaits.
J’ai commencé à voyager. Mes premiers voyages resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Je pense au Cala di Volpe sur la Costa Esmeralda en Sardaigne et surtout à Patmos, l’île sainte des chrétiens. Il existe sur cette île où Saint Jean rédigea l’Apocalypse une force tellurique unique. Je crois que c’est à ce moment là que j’ai décidé d’exercer ce métier pour faire partager mes émotions et mes passions. »
TM.com - Comment êtes vous passé du poste de billettiste à celui de directeur de la production ?
R.S. : « Je n’ai pas fait toute ma carrière chez Fram. Il y avait dans l’entreprise un noyau d’anciens militaires de carrière, compagnons de guerre de Philippe Polderman qui les avait appelés pour encadrer la société. Discipline, rigueur, productivité et esprit d’équipe étaient alors les maîtres mots de l’entreprise.
J’avais un chef de service d’origine flamande, ancien officier dans la légion étrangère. Il était polyglotte, il avait fait l’Indochine. Il m’a donné le goût de la découverte et de l’aventure. J’avais la trentaine. J’étais loin du poste de directeur de production. J’ai voulu aller voir ailleurs… »
TM.com - Qu’avez-vous fait pendant cette période ?
R.S. : « J’ai eu d’autres expériences professionnelles. J’ai été directeur régional de la compagnie Tunisair qui ouvrait une ligne sur Toulouse. Je me suis associé avec des amis dans un petit réseau régional « Phoebus Voyages ». Je me suis rapproché des institutions régionales. J’ai été administrateur de la chambre régionale du SNAV. J’étais au conseil professionnel des producteurs.
Toutes ces instances étaient dominées par Philippe Polderman, qui était la personnalité prépondérante de la région. En 1986 le directeur de la Production de Fram s’est tué dans un accident. Philippe Polderman m’a demandé de le rejoindre pour reprendre le poste. J’ai accepté. J’avais 38 ans. »
TM.com - Quel type de patron est Philippe Polderman ?
R.S. : « Il était un exemple : visionnaire, pionnier, grand capitaine d’industrie. Il y avait chez lui de la simplicité dans l’analyse et du pragmatisme dans les décisions. Il m’a enseigné des valeurs humaines que j’ai toujours mises en pratique. Il avait une devise gardée des Chantiers de Jeunesse « Ne pas subir » qu’il n’avait de cesse de rappeler dans ses principes de management. J’ai aimé cette devise et je l’ai mise en pratique pour moi. »
TM.com - Vous parlez de M. Polderman au passé. Mais qui est-il aujourd’hui ? Qui décide du management de Fram ?
R.S. : « Monsieur Polderman a 87 ans. Il est toujours très pertinent dans ses propos mais je crains qu’il soit instrumentalisé par un entourage direct, professionnel et familial. »
TM.com - En 2003 et 2004 Fram a traversé une période difficile avec de mauvais résultats. Avec le recul comment analysez-vous cette « mauvaise passe » ?
R.S. : » Georges Colson a pris la présidence de l’entreprise au moment de la guerre du golfe. L’industrie du tourisme traversait une période difficile. De nouveaux opérateurs « majors » arrivaient avec une stratégie apte à diviser le marché. Certaines des grandes destinations touristiques s’effondraient.
Mais les mauvais résultats de Fram étaient, en grande partie, la conséquence d’une importante erreur dans la couverture de change. Une entreprise est faite d’actionnaires et de talents. Propriétaire ne se conjugue pas nécessairement avec gestionnaire. Cela a développé des tensions internes. »
TM.com - Votre poste était-il menacé ?
R.S. : « Pas du tout. Pendant six ans j’ai été appelé à siéger au Directoire de l’entreprise au titre de ma compétence. J’ai servi les intérêts de la société en faisant valoir ma spécialité de producteur et d’expert. Il y avait dans l’entreprise des personnalités attachantes, des talents complémentaires et certaines oppositions dans l’analyse des faits et dans les objectifs. Ce n’était pas négatif. La force vient aussi de l’opposition des idées. »
TM.com. Alors pourquoi avez-vous démissionné ?
R.S. : « Lors de la dernière Assemblée Générale, tous les membres du Directoire ont été renouvelés à part moi. Je ne suis pas un homme de pouvoir mais un homme d’action. J’ai besoin de me sentir épaulé dans la confiance et la reconnaissance. Je n’ai été renouvelé ni par le conseil de surveillance ni par la nouvelle présidente.
Je n’étais plus dans le schéma futur de l’entreprise, sans doute victime d’une amitié et d’une prise de position personnelle. Ma culture, mes valeurs et ma fierté étaient bafouées. J’ai donné 72 heures pour avoir une clarification, une explication. La présidente n’a pas répondu. Je n’avais jamais été habitué à l’esquive. Mes rapports étaient basés sur la confiance et le dialogue.
Au bout de 72 heures je n’ai eu aucune réponse. Pour être respecté un patron doit incarner de vraies valeurs, sans décalage entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. J’ai mis en pratique la devise « ne pas subir » et j’ai écrit ma lettre de démission en acceptant de perdre, à 58 ans, un excellent confort matériel. Je continue à dire que je suis un pur « produit » Polderman et que je lui porte toujours un regard bienveillant. »
TM.com - Quels sont vos projets et quelle est votre mission auprès du Groupe Promovacances ?
R.S. : « Dans la vie d’un homme il y a un temps pour l’action et un temps pour la transmission. J’ai en effet créé RSC, une structure de Consultant et je continue à œuvrer dans mes domaines de compétence qui sont la production et l’organisation avec toujours, en toile de fond, le respect du client.
Il est particulièrement intéressant d’entrer dans la « bulle » Internet dans le cadre d’une structure majeure avec des managers de moins de 40 ans. Il est enthousiasmant de vivre avec de jeunes talents cette époque charnière et créer le tourisme de demain. Apprendre et transmettre sont également passionnants.
Je reste tout de même convaincu que, malgré la fulgurance de l’outil, l’agent de voyages aura toujours sa place. Cependant il faut bien savoir que devenir un bon conseiller et apporter une valeur ajoutée prend du temps. Il faut des années pour acquérir l’expérience du contact humain et des voyages. »
(*) Avec une licence de droit obtenue à Toulouse, Richard Soubielle était destiné à reprendre le cabinet d’assurances paternel mais la vocation d’assureur ne l’a jamais pris aux tripes. Lui, il voulait répondre à l’appel des autres, des voyages, de la musique, du rugby, de la montagne. Ce monde là, il l’a trouvé en faisant un stage chez Fram. Sa rencontre avec Georges Colson et avec le grand patron, Philippe Polderman, scellera son attachement à l’entreprise.