Guillaume de Lustrac est consultant en Bilan Carbone et accompagne les entreprises dans leur transition écologique - DR : Guillaume de Lustrac
Il y a des mots qui ne sonnent pas très sexy. Typiquement, déclaration de revenus, ou états de synthèse financiers. Ou Bilan Carbone. Déjà, le mot bilan n’est pas très avenant, et le mot carbone est carrément anxiogène. Ça sent les maths et les tableaux Excel.
Mais nous, on a rencontré Guillaume de Lustrac, consultant Bilan Carbone, et il dépoussière la discipline (si tant est qu’elle n'ait jamais pris la poussière).
Entre un tour des Régions de France à vélo et un record du monde de marathon en arrière (si, ça existe), on a quand même réussi à l’arrêter. Il était sur une île croate quelques jours, avant de repartir dans les montagnes, puis en Bosnie et qui sait où par la suite.
Nomade, il l’a toujours été. Enfant, il a vécu aux États-Unis, au Brésil, en Corée, en Slovaquie… Adulte, c’est ce qui l’a amené au consulting : après un temps chez Greenflex puis Aktio, il a décidé d’exercer en indépendant, pour se laisser la liberté et l’espace.
Consultant en Bilan Carbone et transition écologique, il accompagne les collectivités et professionnels du tourisme dans leur transition. Une position idéale pour avoir une vision de l’évolution du secteur.
Mais nous, on a rencontré Guillaume de Lustrac, consultant Bilan Carbone, et il dépoussière la discipline (si tant est qu’elle n'ait jamais pris la poussière).
Entre un tour des Régions de France à vélo et un record du monde de marathon en arrière (si, ça existe), on a quand même réussi à l’arrêter. Il était sur une île croate quelques jours, avant de repartir dans les montagnes, puis en Bosnie et qui sait où par la suite.
Nomade, il l’a toujours été. Enfant, il a vécu aux États-Unis, au Brésil, en Corée, en Slovaquie… Adulte, c’est ce qui l’a amené au consulting : après un temps chez Greenflex puis Aktio, il a décidé d’exercer en indépendant, pour se laisser la liberté et l’espace.
Consultant en Bilan Carbone et transition écologique, il accompagne les collectivités et professionnels du tourisme dans leur transition. Une position idéale pour avoir une vision de l’évolution du secteur.
TourMaG.com - Bonjour Guillaume ! Est-ce que vous pourriez nous expliquer en quelques mots, en quoi ça consiste, consultant Bilan Carbone ?
Guillaume de Lustrac : Le Bilan Carbone, c’est une méthode reconnue par l’ADEME (et mise au point par Jean-Marc Jancovici ndlr) pour calculer les émissions d’une entreprise ou d’une organisation.
On ne s’arrête pas au calcul : un bilan, ça inclut forcément une partie accompagnement et un plan d’action.
On va analyser tout ce qui correspond à l’activité de l’entreprise, mais aussi l’utilisation des biens qu’elle vend. Si vous êtes Panzani, ça va inclure le gaz pour chauffer l’eau des pâtes.
Guillaume de Lustrac : Le Bilan Carbone, c’est une méthode reconnue par l’ADEME (et mise au point par Jean-Marc Jancovici ndlr) pour calculer les émissions d’une entreprise ou d’une organisation.
On ne s’arrête pas au calcul : un bilan, ça inclut forcément une partie accompagnement et un plan d’action.
On va analyser tout ce qui correspond à l’activité de l’entreprise, mais aussi l’utilisation des biens qu’elle vend. Si vous êtes Panzani, ça va inclure le gaz pour chauffer l’eau des pâtes.
TourMaG.com - Donc on compte les externalités, pas uniquement ce que produit, mais aussi ce que génère l’activité ?
Guillaume de Lustrac : Oui, sinon ça n’a pas de sens. Dans un Bilan Carbone, il y a ce qu’on appelle le scope 1 (les émissions directes de l’activité ndlr) et le scope 2 (les émissions indirectes, les partenaires ndlr), qui s’intéressent aux émissions liées à la combustion d’énergie ; et le scope 3 (les émissions induites ndlr) qui va compter tout ce qui est généré du fait de l’activité. Typiquement pour un hôtelier : les déplacements des clients.
Depuis le 1er janvier 2023, les collectivités importantes et les grosses entreprises ont l’obligation de publier « les émissions significatives » du scope 3. C’est une expression très floue qui permet d'interpréter ce qui nous paraît significatif.
Mais un consultant sérieux fera toujours un bilan complet de manière sérieuse et c’est surtout dans le scope 3 que va le gros des émissions.
Guillaume de Lustrac : Oui, sinon ça n’a pas de sens. Dans un Bilan Carbone, il y a ce qu’on appelle le scope 1 (les émissions directes de l’activité ndlr) et le scope 2 (les émissions indirectes, les partenaires ndlr), qui s’intéressent aux émissions liées à la combustion d’énergie ; et le scope 3 (les émissions induites ndlr) qui va compter tout ce qui est généré du fait de l’activité. Typiquement pour un hôtelier : les déplacements des clients.
Depuis le 1er janvier 2023, les collectivités importantes et les grosses entreprises ont l’obligation de publier « les émissions significatives » du scope 3. C’est une expression très floue qui permet d'interpréter ce qui nous paraît significatif.
Mais un consultant sérieux fera toujours un bilan complet de manière sérieuse et c’est surtout dans le scope 3 que va le gros des émissions.
TourMaG.com - Le Bilan Carbone s’intéresse aux émissions, mais il y a beaucoup d’autres impacts à prendre en compte ?
Guillaume de Lustrac : Oui, dans l’accompagnement, ça déborde largement du sujet climat. Je me suis formé à la fresque des frontières planétaires. En gros, la Terre a des capacités absorption au delà desquelles l’humanité est en danger.
Il y a 9 frontières : le climat bien sûr, mais aussi les sols, l’eau, la biodiversité… Il y a des zones à risques et dans l’accompagnement, il faut aussi les prendre en compte.
Guillaume de Lustrac : Oui, dans l’accompagnement, ça déborde largement du sujet climat. Je me suis formé à la fresque des frontières planétaires. En gros, la Terre a des capacités absorption au delà desquelles l’humanité est en danger.
Il y a 9 frontières : le climat bien sûr, mais aussi les sols, l’eau, la biodiversité… Il y a des zones à risques et dans l’accompagnement, il faut aussi les prendre en compte.
Le tourisme : "il y a un vrai enjeu philosophique et psychologique"
TourMaG.com - Pourquoi vous êtes vous spécialisé dans le tourisme ?
Guillaume de Lustrac : Le voyage et le sport, ce sont mes deux grandes passions. Le tourisme n’est pas le secteur le plus émetteur, comme peuvent l’être l’industrie ou l’énergie. Mais il y a un vrai enjeu philosophique et psychologique.
C’est un puissant levier pour changer de modèle. Dans l’industrie ou l’énergie, ce sont des batailles différentes, avec le tourisme, on peut embarquer un maximum de gens et coconstruire une autre société.
Guillaume de Lustrac : Le voyage et le sport, ce sont mes deux grandes passions. Le tourisme n’est pas le secteur le plus émetteur, comme peuvent l’être l’industrie ou l’énergie. Mais il y a un vrai enjeu philosophique et psychologique.
C’est un puissant levier pour changer de modèle. Dans l’industrie ou l’énergie, ce sont des batailles différentes, avec le tourisme, on peut embarquer un maximum de gens et coconstruire une autre société.
TourMaG.com - Et concrètement, comment s’applique votre action, dans le tourisme ?
Guillaume de Lustrac : Concrètement, dans la méthodologie, rien ne change, je vais faire des recommandations au cas par cas en fonction des émissions et des impacts, on va chercher des prestataires pour réduire, chercher à sensibiliser et adapter au domaine d’activité.
Pour le tourisme, le gros de l’impact, c'est le transport.
Je vais m’attacher à chercher avec l’entreprise comment le réduire. Dans l’événementiel, réduire les déplacements c’est un vrai enjeu.
Sur le Tour de France, 94 % de l’impact, ce sont les spectateurrices qui font 40 km d’aller/retour. Si les étapes étaient proches de gares, chacun pourrait venir en train, la caravane s’installerait sur le parvis des gares, et pourrait toucher bien plus de monde puisqu’elle ne serait plus mobile.
Si demain un hôtel se tourne vers une clientèle locale plutôt qu’internationale, son bilan est vite réduit, il réduit les risques liés à la situation internationale, augmente la possibilité du bouche-à-oreille et peut fidéliser, c’est "tout bénef" pour lui.
Il y a vraiment des possibilités de faire les choses bien, avec un peu de jus de cerveau, on peut accompagner le changement psychologique.
Guillaume de Lustrac : Concrètement, dans la méthodologie, rien ne change, je vais faire des recommandations au cas par cas en fonction des émissions et des impacts, on va chercher des prestataires pour réduire, chercher à sensibiliser et adapter au domaine d’activité.
Pour le tourisme, le gros de l’impact, c'est le transport.
Je vais m’attacher à chercher avec l’entreprise comment le réduire. Dans l’événementiel, réduire les déplacements c’est un vrai enjeu.
Sur le Tour de France, 94 % de l’impact, ce sont les spectateurrices qui font 40 km d’aller/retour. Si les étapes étaient proches de gares, chacun pourrait venir en train, la caravane s’installerait sur le parvis des gares, et pourrait toucher bien plus de monde puisqu’elle ne serait plus mobile.
Si demain un hôtel se tourne vers une clientèle locale plutôt qu’internationale, son bilan est vite réduit, il réduit les risques liés à la situation internationale, augmente la possibilité du bouche-à-oreille et peut fidéliser, c’est "tout bénef" pour lui.
Il y a vraiment des possibilités de faire les choses bien, avec un peu de jus de cerveau, on peut accompagner le changement psychologique.
Bilan carbone : "Il y a un travail de sensibilisation"
TourMaG.com - Vous êtes aux premières loges pour voir comment évolue le tourisme, quelle est votre analyse ?
Guillaume de Lustrac : Il y a un travail de sensibilisation, c’est normal, ils ont d’autres métiers, d’autres préoccupations, il faut digérer les informations, mais mon rôle, c'est aussi de planter des graines.
Mais je trouve qu’il y a un nouveau souffle en ce moment. L’avenir est durable et l’énergie est du côté de ceux qui y vont à fond.
Le vélo est en explosion totale, avec le bivouac et les micro-aventures. Je me demande comment les territoires vont gérer d’ailleurs. Les trains pour le Morvan sont remplis de vélos de Parisiens qui viennent pour le week-end.
J’ai participé à la création de la Poco Loco, on a fait en sorte que les participants prennent le train et pas l’avion ou la voiture et résultat : non seulement ça n’a pas freiné, mais c’est devenu une force. Et c’est normal, c'est par là que ça commence.
Guillaume de Lustrac : Il y a un travail de sensibilisation, c’est normal, ils ont d’autres métiers, d’autres préoccupations, il faut digérer les informations, mais mon rôle, c'est aussi de planter des graines.
Mais je trouve qu’il y a un nouveau souffle en ce moment. L’avenir est durable et l’énergie est du côté de ceux qui y vont à fond.
Le vélo est en explosion totale, avec le bivouac et les micro-aventures. Je me demande comment les territoires vont gérer d’ailleurs. Les trains pour le Morvan sont remplis de vélos de Parisiens qui viennent pour le week-end.
J’ai participé à la création de la Poco Loco, on a fait en sorte que les participants prennent le train et pas l’avion ou la voiture et résultat : non seulement ça n’a pas freiné, mais c’est devenu une force. Et c’est normal, c'est par là que ça commence.
TourMaG.com - Le vélo et, donc, le train ?
Guillaume de Lustrac : L’avenir du tourisme passe par le train, ça me semble évident. Je suis persuadé que d’ici 3 ans, tout le monde voyagera en train en Europe.
Ceux qui partaient une semaine en Thaïlande préféreront passer 2 semaines en train en Europe. C’est encore une minorité, mais ça change très vite parce qu’on le rend désirable.
Et très franchement, c'est normal : le train, c’est une aventure en soi. On regarde les paysages qui changent, c'est génial, et même quand c’est monotone, la lenteur permet de s’arrêter et de réfléchir. Il faut voir le voyage différemment et ça prend du temps, mais ça viendra.
Guillaume de Lustrac : L’avenir du tourisme passe par le train, ça me semble évident. Je suis persuadé que d’ici 3 ans, tout le monde voyagera en train en Europe.
Ceux qui partaient une semaine en Thaïlande préféreront passer 2 semaines en train en Europe. C’est encore une minorité, mais ça change très vite parce qu’on le rend désirable.
Et très franchement, c'est normal : le train, c’est une aventure en soi. On regarde les paysages qui changent, c'est génial, et même quand c’est monotone, la lenteur permet de s’arrêter et de réfléchir. Il faut voir le voyage différemment et ça prend du temps, mais ça viendra.
Les pistes pour réduire l'impact carbone
TourMaG.com - Comment voyez-vous les changements de comportement des touristes ?
Guillaume de Lustrac : De plus en plus de gens font leur Bilan Carbone. En France, on est en moyenne à presque 10 tonnes de CO2 par an alors qu’on devrait être à 2T. Le premier poste à impact, c'est la voiture au quotidien (on est en gros à 2T).
L’avion pèse pour 0,4T, ça semble peu, mais c’est énorme et surtout : c’est facile à réduire. Il suffit de ne pas faire un aller/retour, ça ne pèse pas sur le quotidien.
L’autre poste, c'est l’alimentation, la viande rouge par exemple, c'est 1T environ. Et ça aussi, c'est l’une des choses qui changent. Je suis persuadé que les alternatives vont prendre de l’ampleur et les habitudes alimentaires vont changer.
L’autre évolution importante, c'est le rapport au travail. De plus en plus de gens veulent être plus nomades, en télétravail, partir plusieurs semaines, sur du temps long. Les gens sont d’accord pour gagner moins en travaillant moins parce qu’ils y gagnent en qualité de vie et qu’ils ne sont pas prêts à rogner sur les loisirs. Petit à petit, on va aller vers du loisir comme la randonnée, où les dépenses sont moindres.
Guillaume de Lustrac : De plus en plus de gens font leur Bilan Carbone. En France, on est en moyenne à presque 10 tonnes de CO2 par an alors qu’on devrait être à 2T. Le premier poste à impact, c'est la voiture au quotidien (on est en gros à 2T).
L’avion pèse pour 0,4T, ça semble peu, mais c’est énorme et surtout : c’est facile à réduire. Il suffit de ne pas faire un aller/retour, ça ne pèse pas sur le quotidien.
L’autre poste, c'est l’alimentation, la viande rouge par exemple, c'est 1T environ. Et ça aussi, c'est l’une des choses qui changent. Je suis persuadé que les alternatives vont prendre de l’ampleur et les habitudes alimentaires vont changer.
L’autre évolution importante, c'est le rapport au travail. De plus en plus de gens veulent être plus nomades, en télétravail, partir plusieurs semaines, sur du temps long. Les gens sont d’accord pour gagner moins en travaillant moins parce qu’ils y gagnent en qualité de vie et qu’ils ne sont pas prêts à rogner sur les loisirs. Petit à petit, on va aller vers du loisir comme la randonnée, où les dépenses sont moindres.
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TourMaG.com - Pour finir, que conseillerais-tu aux pros du tourisme pour commencer leur transition ? Quels seraient les 3 points principaux ?
Guillaume de Lustrac : Déjà, faire un Bilan Carbone ! Pour qu’une action soit efficace, il faut savoir d’où on part et quelles sont les émissions réelles. Les plus significatives ne sont pas toujours celles qu’on croit.
Ensuite, je pense à la sensibilisation. Je crois dans l’impact indirect, même si ça prend du temps. Sensibiliser ses équipes, ses partenaires, ça permet de rendre un projet plus acceptable et c’est important, d’embarquer le plus de monde possible.
Et enfin, on en a parlé, mais dans le tourisme, je préconiserais de vraiment travailler sur les déplacements du voyageur. Que l’on fasse de l’événementiel, de l’hôtellerie ou qu’on soit une agence de voyage, c’est le plus gros poste et c’est ce qu’il faut prioriser. Y compris au sein de l’entreprise, ça se met petit à petit en place, par exemple avec l’arrivée des indemnités de temps de trajet responsable (avoir un temps « off » pour compenser un trajet plus lent).
Tout ça nécessite un changement de mentalité, mais ça viendra parce que quand on commence une transition, tout suit, sinon ça provoque une dissonance cognitive et c’est trop inconfortable. L’humain a construit des normes sociales et il peut en changer, il suffit de trouver le bon levier. Et quand on a conscience de ça, on passe de l’éco-anxiété à l’éco-optimisme.
A lire aussi : Transport : comment calculer l’empreinte carbone d’un trajet ? 🔑
Guillaume de Lustrac : Déjà, faire un Bilan Carbone ! Pour qu’une action soit efficace, il faut savoir d’où on part et quelles sont les émissions réelles. Les plus significatives ne sont pas toujours celles qu’on croit.
Ensuite, je pense à la sensibilisation. Je crois dans l’impact indirect, même si ça prend du temps. Sensibiliser ses équipes, ses partenaires, ça permet de rendre un projet plus acceptable et c’est important, d’embarquer le plus de monde possible.
Et enfin, on en a parlé, mais dans le tourisme, je préconiserais de vraiment travailler sur les déplacements du voyageur. Que l’on fasse de l’événementiel, de l’hôtellerie ou qu’on soit une agence de voyage, c’est le plus gros poste et c’est ce qu’il faut prioriser. Y compris au sein de l’entreprise, ça se met petit à petit en place, par exemple avec l’arrivée des indemnités de temps de trajet responsable (avoir un temps « off » pour compenser un trajet plus lent).
Tout ça nécessite un changement de mentalité, mais ça viendra parce que quand on commence une transition, tout suit, sinon ça provoque une dissonance cognitive et c’est trop inconfortable. L’humain a construit des normes sociales et il peut en changer, il suffit de trouver le bon levier. Et quand on a conscience de ça, on passe de l’éco-anxiété à l’éco-optimisme.
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Publié par Juliette Pic
Responsable rubrique Voyages Responsables - TourMaG.com
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