J.-P. Sauvage : "Je suis désolé d'avoir un discours pas forcément optimiste, mais je ne livre que le constat actuel" - DR : Depositphotos @svedoliver
TourMaG.com - Nous vous avions laissé en mars dernier, avec une situation que vous jugiez "économiquement désastreuse". Dans quel état se trouve le ciel français en ce mois de juillet ?
Jean-Pierre Sauvage : Pour le ciel français, les échos que j'en ai, la situation n'est pas terrible au niveau de la demande.
Je n'ai pas de données précises à vous livrer, mais il est clair que les transporteurs naviguent à vue par rapport au marché.
Nous sommes dans une phase d'adaptation permanente entre l'offre des compagnies et la demande réelle. La situation est assez compliquée, avec une vision assez trouble de ce que sera l'été 2020.
Faire des projections, cela devient un exercice périlleux en termes de pronostics. Il se peut que les compagnies atteignent 30 ou 40% de l'activité normale mais, franchement, nous n'en savons rien.
Pour le moment le regard s'attarde sur les aspects financiers de la crise et sur les conséquences sociales qui risquent d'en découler.
Les mesures sociales du Gouvernement sont une bouffée d'oxygène.
Bénéficier du chômage partiel jusqu'en septembre permet d'offrir un répit, mais sur la durée, la structure globale des compagnies risque d'être affectée.
TourMaG.com - Quels sont les enjeux pour vous en ce moment ?
Jean-Pierre Sauvage : Nous essayons de maintenir les équilibres qui sont assez fragiles avec les aéroports.
Eux-mêmes se trouvent dans une situation compliquée. Mais il faut que le dernier maillon de la chaîne tienne, car si les transporteurs lâchent, alors toute la chaîne va en pâtir.
Il n'y a rien de très joyeux qui s'annonce, quand vous regardez ce qu'il se passe chez Airbus ou chez Air France.
Jean-Pierre Sauvage : Pour le ciel français, les échos que j'en ai, la situation n'est pas terrible au niveau de la demande.
Je n'ai pas de données précises à vous livrer, mais il est clair que les transporteurs naviguent à vue par rapport au marché.
Nous sommes dans une phase d'adaptation permanente entre l'offre des compagnies et la demande réelle. La situation est assez compliquée, avec une vision assez trouble de ce que sera l'été 2020.
Faire des projections, cela devient un exercice périlleux en termes de pronostics. Il se peut que les compagnies atteignent 30 ou 40% de l'activité normale mais, franchement, nous n'en savons rien.
Pour le moment le regard s'attarde sur les aspects financiers de la crise et sur les conséquences sociales qui risquent d'en découler.
Les mesures sociales du Gouvernement sont une bouffée d'oxygène.
Bénéficier du chômage partiel jusqu'en septembre permet d'offrir un répit, mais sur la durée, la structure globale des compagnies risque d'être affectée.
TourMaG.com - Quels sont les enjeux pour vous en ce moment ?
Jean-Pierre Sauvage : Nous essayons de maintenir les équilibres qui sont assez fragiles avec les aéroports.
Eux-mêmes se trouvent dans une situation compliquée. Mais il faut que le dernier maillon de la chaîne tienne, car si les transporteurs lâchent, alors toute la chaîne va en pâtir.
Il n'y a rien de très joyeux qui s'annonce, quand vous regardez ce qu'il se passe chez Airbus ou chez Air France.
"Enormément d'inconnues demeurent au sujet de la situation sanitaire"
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TourMaG.com - Malgré la réouverture des frontières, ce n'est pas la panacée, cela ne suffit pas...
Jean-Pierre Sauvage : Les frontières rouvrent de manière homéopathique. Dans l'immédiat, les voyages long-courriers sont opérés par le nombre de pays en mesure de s'ouvrir et ils sont actuellement... 15.
Le seul qui pourra tirer son épingle du jeu hors Schengen, c'est la Tunisie. Tant mieux pour eux et je m'en réjouis, mais la problématique des autres pays est de savoir si les clients veulent y aller.
Aujourd'hui, énormément d'inconnues demeurent au sujet de la situation sanitaire, il suffit de suivre l'actualité.
Nous demandons beaucoup d'attention dans la prévention, car il n'y a rien de définitif en termes de danger et de reprise de la pandémie.
En plus de cette peur, il y a aussi un contexte économique qui n'est pas vraiment favorable aux voyages, ce n'est pas tant un manque immédiat, mais plutôt dans le futur.
Les Français se sont transformés en écureuils, car les incertitudes pour les ménages sont grandes et légitimes.
Est-ce que les portefeuilles s'ouvriront en même temps que les frontières ? Je ne sais pas et personne ne peut apporter une réponse claire et définitive. Je suis désolé d'avoir un discours pas forcément optimiste, mais je ne livre que le constat actuel de notre industrie.
TourMaG.com - La crise sanitaire en entraîne dorénavant une autre, économique, ce qui va compliquer d'autant la reprise des vols long-courriers ?
Jean-Pierre Sauvage : L'été n'est guère propice à une bonne rentabilité des vols long-courriers, car le voyage d'affaires n'est pas celui qui s'épanouit le plus durant cette période. D'autant que je crains que les nouvelles habitudes, avec la démocratisation des visioconférences, risquent de mettre à mal le business travel.
Surtout que vous n'êtes pas sans savoir que les grands axes moteurs de ce secteur touristique sont l'Atlantique nord et l'Asie. Or ce sont des zones très peu réjouissantes en ce qui concerne la reprise soutenue du trafic.
Je pense que pour beaucoup d'entreprises en France, la tactique est de se mettre en mode survie, avec les employés en télétravail.
Cela entraîne une problématique nouvelle pour les mois à venir : est-ce que les entreprises vont reprendre leurs habitudes de voyages pour traiter les affaires à l'autre bout du monde ou alors tout se fera sur écrans interposés ?
Nous sommes exposés à un grand danger : que l'arbitrage des entreprises tourne en faveur des visioconférences.
Jean-Pierre Sauvage : Les frontières rouvrent de manière homéopathique. Dans l'immédiat, les voyages long-courriers sont opérés par le nombre de pays en mesure de s'ouvrir et ils sont actuellement... 15.
Le seul qui pourra tirer son épingle du jeu hors Schengen, c'est la Tunisie. Tant mieux pour eux et je m'en réjouis, mais la problématique des autres pays est de savoir si les clients veulent y aller.
Aujourd'hui, énormément d'inconnues demeurent au sujet de la situation sanitaire, il suffit de suivre l'actualité.
Nous demandons beaucoup d'attention dans la prévention, car il n'y a rien de définitif en termes de danger et de reprise de la pandémie.
En plus de cette peur, il y a aussi un contexte économique qui n'est pas vraiment favorable aux voyages, ce n'est pas tant un manque immédiat, mais plutôt dans le futur.
Les Français se sont transformés en écureuils, car les incertitudes pour les ménages sont grandes et légitimes.
Est-ce que les portefeuilles s'ouvriront en même temps que les frontières ? Je ne sais pas et personne ne peut apporter une réponse claire et définitive. Je suis désolé d'avoir un discours pas forcément optimiste, mais je ne livre que le constat actuel de notre industrie.
TourMaG.com - La crise sanitaire en entraîne dorénavant une autre, économique, ce qui va compliquer d'autant la reprise des vols long-courriers ?
Jean-Pierre Sauvage : L'été n'est guère propice à une bonne rentabilité des vols long-courriers, car le voyage d'affaires n'est pas celui qui s'épanouit le plus durant cette période. D'autant que je crains que les nouvelles habitudes, avec la démocratisation des visioconférences, risquent de mettre à mal le business travel.
Surtout que vous n'êtes pas sans savoir que les grands axes moteurs de ce secteur touristique sont l'Atlantique nord et l'Asie. Or ce sont des zones très peu réjouissantes en ce qui concerne la reprise soutenue du trafic.
Je pense que pour beaucoup d'entreprises en France, la tactique est de se mettre en mode survie, avec les employés en télétravail.
Cela entraîne une problématique nouvelle pour les mois à venir : est-ce que les entreprises vont reprendre leurs habitudes de voyages pour traiter les affaires à l'autre bout du monde ou alors tout se fera sur écrans interposés ?
Nous sommes exposés à un grand danger : que l'arbitrage des entreprises tourne en faveur des visioconférences.
"Toutes ces aides n'ont qu'un temps... à un moment donné, est-ce qu'il ne faut pas débrancher ?"
TourMaG.com - La lente reprise du voyage d'affaires pourrait-elle être mortelle pour les compagnies aériennes qui depuis quelques années développent les classes affaires et les premières ?
Jean-Pierre Sauvage : La première est plutôt marginale. Les compagnies s'appuient surtout sur la Business class ou la premium.
Ces deux sections représentent la rentabilité des compagnies, si elles n'ont pas ça, elles seront en grandes difficultés.
Dans le même temps, après deux mois d'arrêt, elles doivent augmenter les recettes unitaires des vols actuels, sauf que les transporteurs n'en ont pas la possibilité, en raison d'une faible demande.
Au lieu de voir les prix augmenter, nous nous dirigeons plutôt vers une baisse des tarifs.
TourMaG.com - Vous paraissez peu optimiste pour les prochaines semaines...
Jean-Pierre Sauvage : Pour l'été non, il faut être réaliste vis-à-vis de la réalité des acteurs. Il est sûr que ce constat est peu engageant pour le public, mais il est réel.
Ne me faites pas dire que tout va mal, car en Europe les choses vont un peu mieux. Par contre au-delà, nous nous aventurons dans un monde incertain.
TourMaG.com - Êtes-vous en discussion avec le gouvernement pour prolonger la mise sous cloche de l'aérien ? Et donc la prolongation des mesures économiques comme le chômage partiel ?
Jean-Pierre Sauvage : Il n'y a pas que le nôtre, tout le secteur du tourisme souhaite cela.
Sauf que toutes ces aides n'ont qu'un temps. A un moment donné, est-ce qu'il ne faut pas débrancher ? Car il n'y a plus d'espoir pour certains.
Le seul possible est que l'activité reparte franchement et que nous évitions un rebond, ce qui anéantirait tout ce que nous faisons actuellement.
Toutes les disposions nécessaires ont été prises pour assurer et rassurer le voyage, dans les meilleures conditions sanitaires possibles, sauf qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.
Nous avons beau mettre en place toutes les communications possibles pour rassurer, les freins sont encore très nombreux.
Nous attendons avec impatience les avancées sanitaires pour tranquilliser les clients, à savoir un vaccin ou un traitement. Ce sera la clé de la reprise.
Nous voyons un certain relâchement dans la vie de tous les jours, mais il faut éviter cela.
Jean-Pierre Sauvage : La première est plutôt marginale. Les compagnies s'appuient surtout sur la Business class ou la premium.
Ces deux sections représentent la rentabilité des compagnies, si elles n'ont pas ça, elles seront en grandes difficultés.
Dans le même temps, après deux mois d'arrêt, elles doivent augmenter les recettes unitaires des vols actuels, sauf que les transporteurs n'en ont pas la possibilité, en raison d'une faible demande.
Au lieu de voir les prix augmenter, nous nous dirigeons plutôt vers une baisse des tarifs.
TourMaG.com - Vous paraissez peu optimiste pour les prochaines semaines...
Jean-Pierre Sauvage : Pour l'été non, il faut être réaliste vis-à-vis de la réalité des acteurs. Il est sûr que ce constat est peu engageant pour le public, mais il est réel.
Ne me faites pas dire que tout va mal, car en Europe les choses vont un peu mieux. Par contre au-delà, nous nous aventurons dans un monde incertain.
TourMaG.com - Êtes-vous en discussion avec le gouvernement pour prolonger la mise sous cloche de l'aérien ? Et donc la prolongation des mesures économiques comme le chômage partiel ?
Jean-Pierre Sauvage : Il n'y a pas que le nôtre, tout le secteur du tourisme souhaite cela.
Sauf que toutes ces aides n'ont qu'un temps. A un moment donné, est-ce qu'il ne faut pas débrancher ? Car il n'y a plus d'espoir pour certains.
Le seul possible est que l'activité reparte franchement et que nous évitions un rebond, ce qui anéantirait tout ce que nous faisons actuellement.
Toutes les disposions nécessaires ont été prises pour assurer et rassurer le voyage, dans les meilleures conditions sanitaires possibles, sauf qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.
Nous avons beau mettre en place toutes les communications possibles pour rassurer, les freins sont encore très nombreux.
Nous attendons avec impatience les avancées sanitaires pour tranquilliser les clients, à savoir un vaccin ou un traitement. Ce sera la clé de la reprise.
Nous voyons un certain relâchement dans la vie de tous les jours, mais il faut éviter cela.
"Quel sera notre panorama aérien dans les prochains mois ?"
TourMaG.com - Pour revenir sur l'aide de l'Etat auprès des compagnies, vous en savez plus sur ce qu'il se passe du côté des acteurs français comme Corsair ?
Jean-Pierre Sauvage : Je ne suis pas dans le dossier, mais d'après ce que je sais, les derniers échanges étaient très prometteurs.
Après quel sera notre panorama aérien dans les prochains mois ? Il est légitime de se poser la question, lorsque vous regardez les plans de restructuration qui s'enchaînent, en Europe, aux USA y compris même chez les low costs.
Les récentes nouvelles ne parlent que de réduction des effectifs et des flottes. Cela implique peut-être de redessiner les modèles ou du moins les ambitions opérationnelles des acteurs.
L'argent ne doit pas être investi à fonds perdus, mais servir à redynamiser le marché.
TourMaG.com - Comment jugez-vous les décisions prises par Air France ?
Jean-Pierre Sauvage : Dans le contexte actuel, les décisions semblent avoir du sens, mais vous me permettrez d'avoir une opinion vraiment affirmée, par respect pour les personnes concernées par les plans.
Air France est coincée entre deux problématiques : l'une économique et l'autre environnementale.
Ils sont obligés par des décisions gouvernementales, pour satisfaire certains courants d'idées, d'opérer cette mue technologique et de réaliser un virage plus vert.
La compagnie a des belles perspectives qui sont pour le moment obérées par la situation. Mais elles vont peut-être permettre d'avancer dans l'adaptation au modèle économique des autres entreprises.
TourMaG.com - Que pensez-vous franchement de la situation que nous vivons actuellement ?
Jean-Pierre Sauvage : A bien des égards, au-delà de l'impact social et économique, elle en a un aussi qui est psychologique. Ce dernier point remet en question énormément de certitudes.
Nous étions habitués à une certaine tranquillité, sauf que là nous avons découvert quelque chose que nous ne maîtrisons pas, qui nous renvoie à notre vulnérabilité. Par contre, ce monde doit continuer à tourner. Nous avons besoin de vivre et d'une économie permettant de subvenir à l'existence de tous.
Pour conclure, sur une note d'optimisme, la vie reprend ses droits petit à petit. Nous devons nous faire confiance.
Si la reprise n'a pas lieu maintenant, elle interviendra dans six mois ou un an, mais la nature de l'homme fait qu'il se relève toujours. Nous nous en relèverons.
Jean-Pierre Sauvage : Je ne suis pas dans le dossier, mais d'après ce que je sais, les derniers échanges étaient très prometteurs.
Après quel sera notre panorama aérien dans les prochains mois ? Il est légitime de se poser la question, lorsque vous regardez les plans de restructuration qui s'enchaînent, en Europe, aux USA y compris même chez les low costs.
Les récentes nouvelles ne parlent que de réduction des effectifs et des flottes. Cela implique peut-être de redessiner les modèles ou du moins les ambitions opérationnelles des acteurs.
L'argent ne doit pas être investi à fonds perdus, mais servir à redynamiser le marché.
TourMaG.com - Comment jugez-vous les décisions prises par Air France ?
Jean-Pierre Sauvage : Dans le contexte actuel, les décisions semblent avoir du sens, mais vous me permettrez d'avoir une opinion vraiment affirmée, par respect pour les personnes concernées par les plans.
Air France est coincée entre deux problématiques : l'une économique et l'autre environnementale.
Ils sont obligés par des décisions gouvernementales, pour satisfaire certains courants d'idées, d'opérer cette mue technologique et de réaliser un virage plus vert.
La compagnie a des belles perspectives qui sont pour le moment obérées par la situation. Mais elles vont peut-être permettre d'avancer dans l'adaptation au modèle économique des autres entreprises.
TourMaG.com - Que pensez-vous franchement de la situation que nous vivons actuellement ?
Jean-Pierre Sauvage : A bien des égards, au-delà de l'impact social et économique, elle en a un aussi qui est psychologique. Ce dernier point remet en question énormément de certitudes.
Nous étions habitués à une certaine tranquillité, sauf que là nous avons découvert quelque chose que nous ne maîtrisons pas, qui nous renvoie à notre vulnérabilité. Par contre, ce monde doit continuer à tourner. Nous avons besoin de vivre et d'une économie permettant de subvenir à l'existence de tous.
Pour conclure, sur une note d'optimisme, la vie reprend ses droits petit à petit. Nous devons nous faire confiance.
Si la reprise n'a pas lieu maintenant, elle interviendra dans six mois ou un an, mais la nature de l'homme fait qu'il se relève toujours. Nous nous en relèverons.