TourMaG.com - La note qui vient d’être publiée par le BEA ne va-t-elle pas alimenter encore plus les polémiques, car il s'agit de faits et non d’explications ? Qu'en pensez-vous ?
Jean Belotti - "Il faut le dire et le redire. Avant de formuler ses recommandations (pour que le même type d’accident sur le même type d’avion ne se renouvelle pas), le BEA publie des rapports d’étape qui ne contiennent que des constats sur le déroulement du vol et les faits établis.
Mais, aucune analyse n’est faite permettant, à chaque stade, de donner la cause de l’accident et, a fortiori, de révéler les responsabilités éventuelles, ce qui est totalement exclu de sa mission.
De surcroît, le point du BEA (du 27 mai) n’aborde que ce qui a été enregistré dans une boîte noire (le CVR), à savoir ce qui s’est dit dans le cockpit.
Tous les commentaires et hypothèses émises par les uns et les autres n’ont donc aucun fondement et ne peuvent que contribuer à jeter le trouble dans les esprits.
Quant à l’autre boîte noire (le FDR) qui contient de très nombreux paramètres de vols (vitesse, altitude, accélérations, régimes moteurs, etc...), elle apporte généralement des éléments importants quant à la cause de l’accident, en permettant de constater l’évolution desdits paramètres, voire leur dégradation éventuelle.
Or - comme je l’ai déjà écrit - étant donné que tout s’est passé en quelques minutes, il n’est pas certain que le contenu de la deuxième boîte noire apporte des éléments probants quant à la cause de l’accident.
Il restera donc aux enquêteurs du BEA et aux experts judiciaires d’analyser, entre autres, les messages émis automatiquement (ACARS - Aircraft Communications Addressing and Reporting System ) en vue de rechercher l’enchaînement des anomalies ayant conduit à un décrochage non récupéré."
Jean Belotti - "Il faut le dire et le redire. Avant de formuler ses recommandations (pour que le même type d’accident sur le même type d’avion ne se renouvelle pas), le BEA publie des rapports d’étape qui ne contiennent que des constats sur le déroulement du vol et les faits établis.
Mais, aucune analyse n’est faite permettant, à chaque stade, de donner la cause de l’accident et, a fortiori, de révéler les responsabilités éventuelles, ce qui est totalement exclu de sa mission.
De surcroît, le point du BEA (du 27 mai) n’aborde que ce qui a été enregistré dans une boîte noire (le CVR), à savoir ce qui s’est dit dans le cockpit.
Tous les commentaires et hypothèses émises par les uns et les autres n’ont donc aucun fondement et ne peuvent que contribuer à jeter le trouble dans les esprits.
Quant à l’autre boîte noire (le FDR) qui contient de très nombreux paramètres de vols (vitesse, altitude, accélérations, régimes moteurs, etc...), elle apporte généralement des éléments importants quant à la cause de l’accident, en permettant de constater l’évolution desdits paramètres, voire leur dégradation éventuelle.
Or - comme je l’ai déjà écrit - étant donné que tout s’est passé en quelques minutes, il n’est pas certain que le contenu de la deuxième boîte noire apporte des éléments probants quant à la cause de l’accident.
Il restera donc aux enquêteurs du BEA et aux experts judiciaires d’analyser, entre autres, les messages émis automatiquement (ACARS - Aircraft Communications Addressing and Reporting System ) en vue de rechercher l’enchaînement des anomalies ayant conduit à un décrochage non récupéré."
TourMaG.com - Le fait que le pilote n'était pas dans le cockpit au tout début de l'événement peut-il avoir une conséquence sur ce qui s'est passé ?
J.B.- "Plus de trois heures après le décollage, il est normal - dans le cas d’un équipage renforcé (un Commandant de bord et deux pilotes) - que le Commandant de bord ne soit pas à son siège.
En effet, il est aux commandes de l’avion pendant le décollage et le premier tiers du vol, avec un pilote (“A”). Pendant le deuxième tiers, la conduite du vol est assurée par les deux pilotes (“A” et “B”).
Pendant le troisième tiers, qui se terminera par l’atterrissage, le commandant a repris sa place à son siège de gauche et le siège de droite est occupé par un pilote (“B”).
Ainsi, sur un vol de 9 heures, chacun des trois membres de l’équipage technique se sera reposé 3 heures et aura été en service pendant 6 heures : le commandant pendant le premier et le troisième tiers ; un pilote (“A”) pendant les deux premiers tiers ; l’autre pilote (“B”) pendant les deux derniers tiers.
Quant à la non-présence du Commandant de bord au tout début de l’événement, il convient de savoir que les pilotes ont exactement la même qualification que celle du Commandant de bord et sont donc aptes à réagir correctement à toutes les situations prévues dans les manuels en exécutant les check-lists appropriées."
J.B.- "Plus de trois heures après le décollage, il est normal - dans le cas d’un équipage renforcé (un Commandant de bord et deux pilotes) - que le Commandant de bord ne soit pas à son siège.
En effet, il est aux commandes de l’avion pendant le décollage et le premier tiers du vol, avec un pilote (“A”). Pendant le deuxième tiers, la conduite du vol est assurée par les deux pilotes (“A” et “B”).
Pendant le troisième tiers, qui se terminera par l’atterrissage, le commandant a repris sa place à son siège de gauche et le siège de droite est occupé par un pilote (“B”).
Ainsi, sur un vol de 9 heures, chacun des trois membres de l’équipage technique se sera reposé 3 heures et aura été en service pendant 6 heures : le commandant pendant le premier et le troisième tiers ; un pilote (“A”) pendant les deux premiers tiers ; l’autre pilote (“B”) pendant les deux derniers tiers.
Quant à la non-présence du Commandant de bord au tout début de l’événement, il convient de savoir que les pilotes ont exactement la même qualification que celle du Commandant de bord et sont donc aptes à réagir correctement à toutes les situations prévues dans les manuels en exécutant les check-lists appropriées."
TourMaG.com - Mais il n’en reste pas moins que le commandant de bord a généralement beaucoup plus d’heures de vol que de jeunes pilotes et qu’en conséquence, il a donc plus d’expérience ?
J.B.- "L’expérience est certes un facteur important. Cela étant, dès qu’un avion, pour une raison quelconque, sort de son domaine de vol, seule une expérience en la matière permet au pilote aux commandes de réagir en effectuant les manœuvres salvatrices."
TourMag.com - De quelle “expérience en la matière” s’agit-t-il ?
J.B.- "Il s’agit de la réalisation d’un vol d’entraînement au cours duquel, l’avion est mis en situation de décrochage, ce qui permet au pilote aux commandes de constater ses réactions et d’exécuter les manœuvres qui ramèneront l’avion en vol normal.
Par exemple, lors d’un vol d’entraînement en Caravelle, à 18.000 pieds, l’exercice consistait à faire “décrocher” l’avion, afin que le pilote perçoive les signes précurseurs et sache récupérer la situation.
Or, le stagiaire n’ayant pas fait la bonne manœuvre corrective, en moins d’un tour de vrille, nous avons perdu 8.000 pieds.
Bien sûr, l’exercice a été recommencé à 18.000 pieds et le pilote stagiaire a, cette fois, correctement effectué les manœuvres salvatrices. Il est évident que ce vécu lui permettrait, en cas de mise en décrochage lors d’un vol en ligne, de réagir correctement."
J.B.- "L’expérience est certes un facteur important. Cela étant, dès qu’un avion, pour une raison quelconque, sort de son domaine de vol, seule une expérience en la matière permet au pilote aux commandes de réagir en effectuant les manœuvres salvatrices."
TourMag.com - De quelle “expérience en la matière” s’agit-t-il ?
J.B.- "Il s’agit de la réalisation d’un vol d’entraînement au cours duquel, l’avion est mis en situation de décrochage, ce qui permet au pilote aux commandes de constater ses réactions et d’exécuter les manœuvres qui ramèneront l’avion en vol normal.
Par exemple, lors d’un vol d’entraînement en Caravelle, à 18.000 pieds, l’exercice consistait à faire “décrocher” l’avion, afin que le pilote perçoive les signes précurseurs et sache récupérer la situation.
Or, le stagiaire n’ayant pas fait la bonne manœuvre corrective, en moins d’un tour de vrille, nous avons perdu 8.000 pieds.
Bien sûr, l’exercice a été recommencé à 18.000 pieds et le pilote stagiaire a, cette fois, correctement effectué les manœuvres salvatrices. Il est évident que ce vécu lui permettrait, en cas de mise en décrochage lors d’un vol en ligne, de réagir correctement."
TourMag.com - Cet exercice ne peut-il pas être effectué sur simulateur ?
J.B.- "Les simulateurs actuels sont très performants pour la reconstitution de toutes les configurations des pannes pouvant survenir et permettre l’apprentissage des procédures (check-lists) à mettre en œuvre pour y remédier.
Mais, dès lors que l’avion sort de son domaine de vol - tel est le cas d’un décrochage basse ou haute vitesse - les simulateurs sont incapables de restituer le comportement de l’avion."
TourMag.com - Cet exercice est-il effectué de nos jours lors des qualifications de pilotes ?
J.B.- "Vous savez probablement que la formation des pilotes s’effectue essentiellement sur simulateur
C’est ainsi que de nos jours, seuls les pilotes d’essais font des décrochages en vol, conformément aux très complets programmes engagés par les constructeurs, pour répondre aux critères de certification de l’appareil.
Certains pilotes ont peut-être, au cours de leur formation initiale, effectué des décrochages et mises en vrille sur les avions d’entraînement.
Malheureusement, actuellement, ces exercices ne se pratiquent plus lors des qualifications sur les avions de ligne. Il en résulte que de jeunes pilotes - quelle que soit la compagnie concernée - ayant seulement un faible nombre d’heures de vol, n’ont - non seulement jamais approché la phase de décrochage de l’avion sur lequel ils ont été qualifiés - mais ignorent son comportement en cas de décrochage et, surtout, n’ont aucune pratique de ce qu’il convient de faire pour sortir de cette situation, qui conduit alors irréversiblement à la catastrophe !"
J.B.- "Les simulateurs actuels sont très performants pour la reconstitution de toutes les configurations des pannes pouvant survenir et permettre l’apprentissage des procédures (check-lists) à mettre en œuvre pour y remédier.
Mais, dès lors que l’avion sort de son domaine de vol - tel est le cas d’un décrochage basse ou haute vitesse - les simulateurs sont incapables de restituer le comportement de l’avion."
TourMag.com - Cet exercice est-il effectué de nos jours lors des qualifications de pilotes ?
J.B.- "Vous savez probablement que la formation des pilotes s’effectue essentiellement sur simulateur
C’est ainsi que de nos jours, seuls les pilotes d’essais font des décrochages en vol, conformément aux très complets programmes engagés par les constructeurs, pour répondre aux critères de certification de l’appareil.
Certains pilotes ont peut-être, au cours de leur formation initiale, effectué des décrochages et mises en vrille sur les avions d’entraînement.
Malheureusement, actuellement, ces exercices ne se pratiquent plus lors des qualifications sur les avions de ligne. Il en résulte que de jeunes pilotes - quelle que soit la compagnie concernée - ayant seulement un faible nombre d’heures de vol, n’ont - non seulement jamais approché la phase de décrochage de l’avion sur lequel ils ont été qualifiés - mais ignorent son comportement en cas de décrochage et, surtout, n’ont aucune pratique de ce qu’il convient de faire pour sortir de cette situation, qui conduit alors irréversiblement à la catastrophe !"
Page 2 - L'avion aurait percuté la mer à plat
Page 3 - Laissons les enquêteurs du BEA diligenter sereinement leurs travaux
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