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IV. Pourquoi la France perd-elle des parts de marché ?

La chronique de Frédéric Pierret


Quatrième partie de la chronique de Frédéric Pierret sur l'évolution du secteur du tourisme au niveau mondial. Il se penche dans ce 4e et avant dernier volet sur le cas de la France et cherche à expliquer pourquoi la destination perd actuellement des parts de marché par rapport à ses compétiteurs..


Rédigé par Frédéric PIERRET le Lundi 18 Novembre 2013

Selon Frédéric Pierret, 8 facteurs principaux expliquent la perte de parts de marché de la destination France dans le secteur du tourisme - DR : © photocreo - Fotolia.com
Selon Frédéric Pierret, 8 facteurs principaux expliquent la perte de parts de marché de la destination France dans le secteur du tourisme - DR : © photocreo - Fotolia.com
Cette question a, elle-aussi, de multiples réponses.

Pour simplifier, les pertes de part du marché de la France tiennent huit facteurs principaux :

- Au niveau mondial, l’émergence de nombreuses destinations, essentiellement en Asie, a pour effet mécanique de réduire la part des leaders.

La Chine sera, dans moins de dix ans, la première destination touristique du monde et le phénomène n’est pas en lui-même préoccupant, surtout lorsque le même pays constitue par ailleurs un marché émetteur en croissance exponentielle.

- La gouvernance du tourisme reste, en France, exceptionnellement dispersée, alors que sa chaine de valeur est particulièrement longue et diverse : transports, hébergements, multiples activités touristiques, gestion des territoires, promotion …, la liste est longue et exige une gouvernance un peu organisée.

Du côté des collectivités publiques, bien des améliorations sont imaginables pour apporter davantage de cohérence tant dans la coordination « horizontale », c’est-à-dire interministérielle, que « verticale », entre les trois ou quatre niveaux d’administration territoriale qui ont chacun un rôle à jouer dans l’animation touristique des territoires. C’est un chantier ingrat, car peu spectaculaire, mais à l’évidence nécessaire.

Du côté de l’initiative privée on retiendra que, chez nos deux voisins les plus performants, les entreprises espagnoles, avec Exceltur, et les entreprises allemandes, avec le Bundesverband der Deutschen Tourismuswirtschaft (BTW), disposent, en sus des fédérations professionnelles, d’un outil d’études, de synthèse et de communication particulièrement performants.

Un outil apte à définir une vision stratégique et à entretenir un dialogue permanent tant avec leur gouvernement qu’avec les autorités provinciales et l’Union européenne.

Parc des hébergements vieillissant ou insuffisant en volume

- Le renouvellement des produits et leur adaptation à la demande sont sans doute moins rapides qu’ils ne le devraient dans un monde marqué par une concurrence de plus en plus vive.

Le décrochage des investissements (moins 22% en euro constant entre 2007 et 2011) est à cet égard préoccupant alors que le parc des hébergements touristiques est soit insuffisant en volume à Paris et dans quelques grandes villes, soit parfois vieillissant en province, soit même dégradé dans quelques zones très spécifiques du littoral et de montagne.

L’une des causes de ce déficit d’investissement réside probablement dans la rigidité et la complexité de nos règles d’urbanisme qui, aujourd’hui, rebutent les investisseurs tant nationaux qu’étrangers.

Ce n’est pas le plus mince des paradoxes que de constater que ce sont précisément les lois d’urbanisme qui ont fait de la France un très beau pays, dont le patrimoine est protégé et entretenu, qui ont généré un foisonnement de procédures, souvent tatillonnes et parfois contradictoires, qui sont autant de nids à contentieux, ainsi qu’une accumulation de jurisprudences dont l’impact global est de générer de l’immobilisme.

Peut-être est-il temps de revenir à « l’esprit des lois », de substituer des obligations de résultats aux obligations de moyens, de traquer les délais de procédures, de simplifier et de mieux encadrer les nécessaires voies de recours.

Peut-être également est-il nécessaire d’inventer des outils juridiques ou fiscaux nouveaux et flexibles pour garantir que la France pourra s’adapter, à son niveau, à une réalité mondiale : dans à peine cinq ans, le nombre total d’arrivées de touristes sera égal à la population mondiale, et il va bien falloir leur faire un peu de place.

Freins spécifiques pour des segments d'activité

- Par ailleurs, plusieurs segments d’activités touristiques souffrent de freins spécifiques. On peut citer à cet égard, à titre d’exemples non-exhaustifs :

# le tourisme de shopping, qui est entravé par les règles d’ouverture dominicale des commerces, particulièrement à Paris, alors même que les nouvelles clientèles internationales sont avides d’achats en France et que l’industrie française des métiers d’art et des produits de luxe est l’une des plus appréciées au monde.

Ce point de blocage est tel que des tour-opérateurs organisent avec succès, à l’intention des étrangers séjournant à Paris, des aller-retour à Londres pour y faire du shopping le dimanche.

# le tourisme nautique, qui souffre d’un déficit de capacité estimé à 50.000 anneaux alors même qu’il génère l’une des taux de valeur ajoutée les plus forts du secteur et peut s’appuyer sur la seconde industrie de construction de bateaux de plaisance au monde.

# le tourisme de foires et salons, pourtant parmi les leaders mondiaux, qui perd doucement des parts de marché face à des destinations voisines concurrentes dont les équipements sont en tout ou partie financés par les collectivités publiques.

# le tourisme de bien-être et de santé comme le tourisme de jeux et de divertissements, qui sont enserrés dans des réglementations qui ont eu en leur temps leur justification mais ne sont pas adaptées à une nouvelle demande mondiale qui est parmi les plus dynamiques du secteur, particulièrement de la part des nouveaux marchés émetteurs (Russie, Chine, Brésil).

"Obtenir un visa n'est pas facile" (Obama)

- Le niveau des taxes et redevances pesant sur les compagnies aériennes a atteint un niveau qui distingue nettement la France de ses concurrentes et, via leurs répercussions sur les prix des billets, a désormais un impact sur les arbitrages que font les touristes étrangers au moment de choisir leur destination.

- Les modalités de délivrance des visas ne sont plus adaptées aux volumes auxquels la France peut prétendre si elle veut garder une place de leader mondial.

Une étude publiée pat l’OMT et le WTTC en 2012 montrait que, sans toucher aux politiques de visas mais simplement à leurs modalités de délivrance, le gain pour les seuls pays du G20 pouvaient être évalués entre 20 et 206 millions d’arrivées internationales supplémentaires, entre 38 et 206 milliards de dollars de recettes et la création de 1 à 5 millions d’emplois.

"Obtenir un visa n'est pas facile", déclarait le président Obama en janvier 2012 à Orlando, en allusion au renforcement des mesures de sécurité prises dans la foulée du 11 Septembre.

"Evidemment, notre sécurité nationale reste une priorité (...) et cela ne va pas changer. Mais nous voulons aussi que davantage de touristes étrangers viennent aux Etats-Unis, et il n'y a pas de raison de ne pas pouvoir faire les deux".

Il venait de signer, quelques heures plus tôt, l’Executive Order 13597 par lequel le Département d’Etat était invité à augmenter de 40% en un an sa capacité de traitement des visas de tourisme pour les ressortissants chinois et brésiliens et à étendre le programme d’exemption de visas.

Le sujet n’est certes pas facile, notamment parce-qu’il est lié à la gestion des visas de la zone Schengen, mais il n’y a pas de raison de croire que les techniques actuelles ne puissent apporter des solutions facilitant la délivrance de visas de tourisme sans porter atteinte à la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine.

Contribution méconnue du tourisme à l’emploi et la création de revenus

- La promotion internationale du tourisme français souffre quant à elle d’un modèle de financement qui ne fonctionne plus correctement, dès lors que sa principale source publique vient du budget de l’Etat dont les contraintes sont connues et vont durer plusieurs années.

- Enfin, et peut-être surtout, la contribution du tourisme à l’emploi et la création de revenus est, en France, largement méconnue des décideurs et de l’opinion et le secteur est souvent regardé avec condescendance.

Ce n’est évidemment pas sans conséquence sur le niveau de priorité qui lui est accordé dans les politiques publiques.

Trop souvent par exemple, le tourisme est opposé à la noble industrie, en des termes d’ailleurs curieusement très voisins de ceux qu’employaient les élites de la première moitié du XIXème siècle lorsqu’elles opposaient la perverse industrie à la vertueuse agriculture.

Cela ne fut pourtant pas toujours le cas. Lorsque Napoléon III lance Biarritz ou encourage le duc de Morny à créer Deauville à partir d’un marécage, nous sommes en plein essor industriel.

Au moment où, un siècle plus tard, Georges Pompidou appuie fermement la mise en œuvre du plan neige, désenclave l’Isère et la Savoie pour accueillir les Jeux d’hiver de Grenoble et lance l’aménagement du littoral languedocien, il conduit par ailleurs une politique industrielle qui a marqué son époque.

Lorsque, en 1985/87, les Premier ministres Laurent Fabius puis Jacques Chirac négocient et signent l’arrivée d’Eurodisney, cela ne gêne en rien la compétitivité de l’industrie française.

Bien plus : l’arrivée du parc d’attraction sonna alors la relance de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée…ce qui permit l’installation de nombreuses entreprises industrielles et de services !

LIRE AUSSI : I. Le tourisme devient-il un enjeu stratégique mondial ?
II. Le monde bouge, la France montre des signes d’essoufflement...
III. Pourquoi la France est-elle devenue la 1ère destination touristique du monde ?
IV. Pourquoi la France perd-elle des parts de marché ?

IV. Pourquoi la France perd-elle des parts de marché ?
Né en 1953, Frédéric Pierret est actuellement Directeur exécutif de Programme et Coordination à l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), à Madrid (Espagne) où il occupe ce poste depuis janvier 2010.

Avant de rejoindre l’OMT, il était Directeur du tourisme au sein de l’Administration du tourisme française (de 2005 à 2007).

Frédéric Pierret a été en parallèle conseiller de l’OMT et présidé notamment le groupe de travail sur l’évaluation des risques et la gestion des crises (de 2005 à 2007).

Il a également travaillé comme consultant pour l’élaboration d’un manuel concernant la recherche de financements du tourisme en Afrique (en 2009).
Entre 1984 et 2004, il a occupé différents postes de Secrétaire général au sein du Ministère de l’intérieur français.

Il s’exprime ici à titre personnel.

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Tags : pierret
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Commentaires

1.Posté par Pierre le 22/11/2013 10:11 | Alerter
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En France tout est trop onéreux sans compter les arnaques,de plus les etrangers n'ont rien a faire de nos cocoricos,et oui aussi tout le systeme est vieillissant,mais il y a deja quelques années que l'asie est en pleine puissance touristique et largement au dessus des destinations européennes.
Je ne pense pas que la situation s'ameliorera de sitot,un reveil serai bienvenu,par exemple dans le tout compris ,ne pas faire payer un repas de cantine pour un repas gastronomique,etc...

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