Retour sur le 16 mars et l'annonce du 1er confinement, comment les agents de voyages ont vécu cette période ? Quel fut leur quotidien ? Neuf mois après nous revenons dessus - DR
Tout a commencé par un appel lancé sur les réseaux sociaux.
Très vite, un puis deux, puis des dizaines d'agents de voyages réagissent. Ils souhaitent confier leur mal-être, la gestion chaotique du premier confinement, puis le coup de grâce avec le second.
Les appels sont nombreux, les témoignages s'étirent. Après près de neuf mois, sans pouvoir parler de voyage et pour certains sans contact avec leurs collègues, l'envie de parler est bien là.
Pourquoi se confier neuf mois après ? La réponse se résume bien souvent par cette phrase : "nous sommes les grands oubliés. Si les journaux parlent des secteurs impactés, jamais ils ne citeront le métier d'agent de voyages.
Nous n'existons pas," explique Charline, une agent de voyages ayant préféré conserver l'anonymat.
Ce manque de reconnaissance revient et semble peser pour bon nombre d'entre eux. Après avoir passé des dizaines d'années à servir les Français, la crise les a effacés du paysage économique, commerçant et professionnel.
Nous avons donné la parole aux "grands oubliés".
Très vite, un puis deux, puis des dizaines d'agents de voyages réagissent. Ils souhaitent confier leur mal-être, la gestion chaotique du premier confinement, puis le coup de grâce avec le second.
Les appels sont nombreux, les témoignages s'étirent. Après près de neuf mois, sans pouvoir parler de voyage et pour certains sans contact avec leurs collègues, l'envie de parler est bien là.
Pourquoi se confier neuf mois après ? La réponse se résume bien souvent par cette phrase : "nous sommes les grands oubliés. Si les journaux parlent des secteurs impactés, jamais ils ne citeront le métier d'agent de voyages.
Nous n'existons pas," explique Charline, une agent de voyages ayant préféré conserver l'anonymat.
Ce manque de reconnaissance revient et semble peser pour bon nombre d'entre eux. Après avoir passé des dizaines d'années à servir les Français, la crise les a effacés du paysage économique, commerçant et professionnel.
Nous avons donné la parole aux "grands oubliés".
"Dans ma tête c'était pour 15 jours...
L'année 2020 n'a pas commencé un 1er janvier, mais le 16 mars 2020.
Avant même l'allocution du président de la République, en Bretagne, Kevin un autre agent de voyages s'active.
"Nous avons compris que quelque chose se passait, car la direction nous a dit de faire les remises en banque, enregistrer les chèques-vacances, etc."
Le soir même Emmanuel Macron prend la parole. Il déclare la guerre sanitaire contre le virus.
De cette allocution découle un confinement généralisé de la population. Les agences de voyages baissent leurs rideaux.
"Nous nous sommes tous pris une claque dans la figure. Même si nous avions pris conscience de la situation, avec ce qu'il se passait en Italie, personne ne se doutait que nous allions être nous aussi confinés," se souvient Jennifer Weber, créatrice de voyages chez Human Trip.
Une claque suivie pour certains, par de longues semaines sans nécessairement de nouvelle, d'une direction qui donnait l'impression d'être absente.
Une attente longue, loin des bureaux et du monde habituellement agité du tourisme.
Agent dans une agence intégrée TUI, Karine Goulard ne sait toujours pas de quoi son avenir sera fait, elle a eu le sentiment que c'était une punition.
"C'était soudain, long, pénible. J'ai eu le sentiment d'avoir été punie. La période m'a paru interminable. Dans ma tête c'était pour 15 jours."
Et pourtant ce blackout va durer près de deux mois. Une période vécue différemment selon les réseaux, les agences, mais aussi les situations personnelles.
"Dans l'ensemble je l'ai plutôt bien vécu, en me disant que cela aurait une fin et surtout qu'il fallait continuer à communiquer pour maintenir un lien avec des clients," rapporte Stéphane Verdier, néo agent de voyages à Caussade.
Avant même l'allocution du président de la République, en Bretagne, Kevin un autre agent de voyages s'active.
"Nous avons compris que quelque chose se passait, car la direction nous a dit de faire les remises en banque, enregistrer les chèques-vacances, etc."
Le soir même Emmanuel Macron prend la parole. Il déclare la guerre sanitaire contre le virus.
De cette allocution découle un confinement généralisé de la population. Les agences de voyages baissent leurs rideaux.
"Nous nous sommes tous pris une claque dans la figure. Même si nous avions pris conscience de la situation, avec ce qu'il se passait en Italie, personne ne se doutait que nous allions être nous aussi confinés," se souvient Jennifer Weber, créatrice de voyages chez Human Trip.
Une claque suivie pour certains, par de longues semaines sans nécessairement de nouvelle, d'une direction qui donnait l'impression d'être absente.
Une attente longue, loin des bureaux et du monde habituellement agité du tourisme.
Agent dans une agence intégrée TUI, Karine Goulard ne sait toujours pas de quoi son avenir sera fait, elle a eu le sentiment que c'était une punition.
"C'était soudain, long, pénible. J'ai eu le sentiment d'avoir été punie. La période m'a paru interminable. Dans ma tête c'était pour 15 jours."
Et pourtant ce blackout va durer près de deux mois. Une période vécue différemment selon les réseaux, les agences, mais aussi les situations personnelles.
"Dans l'ensemble je l'ai plutôt bien vécu, en me disant que cela aurait une fin et surtout qu'il fallait continuer à communiquer pour maintenir un lien avec des clients," rapporte Stéphane Verdier, néo agent de voyages à Caussade.
Le mal-être s'installe et ne quitte plus...
Tout comme son confrère du Sud-Ouest, Jennifer Weber n'a pas vu ce confinement comme une torture, d'autant que le patron de la petite entreprise n'a cessé d'être présent auprès de ses salariés.
Ce dernier a tout fait pour assurer la pérennité de l'agence et pour éviter les licenciements.
"Nous nous sommes serrés les coudes. Après ce qui a été plus compliqué, c'est le télétravail, surtout avec deux petits enfants à la maison. C'était un peu une épreuve olympique, que j'ai pu surmonter tant bien que mal," se félicite la créatrice de voyages d'Aix-en-Provence.
Si pour les uns le confinement s'est plutôt bien passé, pour d'autres, il fut une expérience singulière. Alors qu'elle découvre le métier, Morgane Beard a été stoppé durablement dans son élan.
"Je suis en alternance donc en train de créer mon expérience "terrain". Le COVID a donc entravé la partie professionnelle de mon diplôme. Cela a également provoqué un certain isolement, mal-être qui est toujours d'actualité," déplore t-elle.
Malheureusement à l'image de Morgane, les réseaux vont laisser une partie de leurs équipes sans activité pendant près de neuf mois.
"Nous n'avions aucune information ou presque de la part du groupe, si ce n'est un mail de temps en temps. Pire même, les relations avec les collègues se sont stoppées," se plaint Kevin, le responsable breton d'un point de vente.
Et le mutisme n'est pas propre à la péninsule bretonne, il s'est installé aussi dans le nord, là où Charline exerce.
"Tout a été fait pour nous soutenir financièrement, mais pour le reste... Quand j'ai demandé des nouvelles aux commerciaux ou à des collègues, je n'ai jamais eu de réponse. Malgré la solidarité de façade, la profession est assez individualiste."
Pour lutter conte l'isolement et le mutisme, des professionnels vont créer des groupes sur les réseaux sociaux pour prendre des nouvelles les uns des autres tels que le CDMV (Collectif de Défense des Métiers du Voyage) ou Respire. ]b
"Je me suis très vite impliqué, dès la promulgation de l'ordonnance pour aider les agents de voyages," explique Stéphane Verdier, ancien assistant parlementaire pendant 12 ans.
Les visioconférences se sont enchaînées jusqu'à l'excès, puis d'autres ont choisi une option plus radicale.
Ce dernier a tout fait pour assurer la pérennité de l'agence et pour éviter les licenciements.
"Nous nous sommes serrés les coudes. Après ce qui a été plus compliqué, c'est le télétravail, surtout avec deux petits enfants à la maison. C'était un peu une épreuve olympique, que j'ai pu surmonter tant bien que mal," se félicite la créatrice de voyages d'Aix-en-Provence.
Si pour les uns le confinement s'est plutôt bien passé, pour d'autres, il fut une expérience singulière. Alors qu'elle découvre le métier, Morgane Beard a été stoppé durablement dans son élan.
"Je suis en alternance donc en train de créer mon expérience "terrain". Le COVID a donc entravé la partie professionnelle de mon diplôme. Cela a également provoqué un certain isolement, mal-être qui est toujours d'actualité," déplore t-elle.
Malheureusement à l'image de Morgane, les réseaux vont laisser une partie de leurs équipes sans activité pendant près de neuf mois.
"Nous n'avions aucune information ou presque de la part du groupe, si ce n'est un mail de temps en temps. Pire même, les relations avec les collègues se sont stoppées," se plaint Kevin, le responsable breton d'un point de vente.
Et le mutisme n'est pas propre à la péninsule bretonne, il s'est installé aussi dans le nord, là où Charline exerce.
"Tout a été fait pour nous soutenir financièrement, mais pour le reste... Quand j'ai demandé des nouvelles aux commerciaux ou à des collègues, je n'ai jamais eu de réponse. Malgré la solidarité de façade, la profession est assez individualiste."
Pour lutter conte l'isolement et le mutisme, des professionnels vont créer des groupes sur les réseaux sociaux pour prendre des nouvelles les uns des autres tels que le CDMV (Collectif de Défense des Métiers du Voyage) ou Respire. ]b
"Je me suis très vite impliqué, dès la promulgation de l'ordonnance pour aider les agents de voyages," explique Stéphane Verdier, ancien assistant parlementaire pendant 12 ans.
Les visioconférences se sont enchaînées jusqu'à l'excès, puis d'autres ont choisi une option plus radicale.
Les agents de voyages, les petites mains du monde associatif
"Pendant un temps, j'ai fait un peu l'autruche, pour couper avec le monde du tourisme. Je me suis investi dans l'associatif. C'était pour moi un refuge."
Une façon de s'occuper l'esprit et se sentir utile, alors que la covid-19 a rendu toutes ces petites mains impuissantes.
"J'ai l'impression que nous sommes comme le Titanic, nous ne maitrisions plus rien du tout. Je me suis inscrite à un maximum de webinaires, durant lesquels j'ai appris plein de choses. Cela m'a conforté dans mon amour pour mon métier," se félicite Karine Goulard.
Un sentiment pas toujours partagé.
Après neuf mois sans décrocher un téléphone, ni même de mail, par crainte de voir le chômage partiel suspendu, sa consœur du Nord a développé des rancœurs.
"L'absence de nouvelles par rapport à la situation de l'agence de la part de mon employeur est honteuse. Mon employeur ne s'est jamais inquiété de savoir comment j'allais."
Voici l'exemple qui confirme la règle.
Pour contre-carrer l'absence de relations humaines, l'associatif a été pour bon nombre un repli salvateur, pendant qu'ils voyaient le bateau tourisme tanguer.
Souvent considérés comme de simples vendeurs, les agents sont bien plus que des commerciaux, ils sont avant tout des personnes au service des autres.
La mission "rapatriement" a nécessité de travailler parfois "7 jours sur 7" témoigne Stéphane Verdier, sans jamais compter ses heures.
Mais le meilleur exemple sur le dévouement reste : l'engagement associatif.
"Durant cet arrêt brutal, nous nous sentons inutiles. Pour compenser, je me suis investie dans une association en attendant de pouvoir reprendre une vie active, confie Morgane.
Une façon pour l'apprentie agent de voyage d'utiliser ses compétences en concevant les roadbooks, carnets de voyages ou encore l'affrètement d'un avion pour aider l'association "Partage".
Durant ce 1er confinement, chacun s'est protégé et occupé comme il a pu.Si les retours sont assez disparates, il est une chose qui ne varie jamais, dans le discours de tous.
"Nous n'existons pas pour l'Etat, c'est flou. Et quand nous étions mentionnés dans les médias, nous étions devenus des escrocs avec l'ordonnance," se lamente Jennifer Weber.
Ce confinement a été une épreuve professionnelle et personnelle, avec des manifestations plus ou moins heureuses de la nature humaine.
La suite de l'expérience sur cette année 2020 si particulière, avec la gestion des clients, la réouverture, le chômage partiel de longue durée sera à retrouver dans les prochains jours.
Une façon de s'occuper l'esprit et se sentir utile, alors que la covid-19 a rendu toutes ces petites mains impuissantes.
"J'ai l'impression que nous sommes comme le Titanic, nous ne maitrisions plus rien du tout. Je me suis inscrite à un maximum de webinaires, durant lesquels j'ai appris plein de choses. Cela m'a conforté dans mon amour pour mon métier," se félicite Karine Goulard.
Un sentiment pas toujours partagé.
Après neuf mois sans décrocher un téléphone, ni même de mail, par crainte de voir le chômage partiel suspendu, sa consœur du Nord a développé des rancœurs.
"L'absence de nouvelles par rapport à la situation de l'agence de la part de mon employeur est honteuse. Mon employeur ne s'est jamais inquiété de savoir comment j'allais."
Voici l'exemple qui confirme la règle.
Pour contre-carrer l'absence de relations humaines, l'associatif a été pour bon nombre un repli salvateur, pendant qu'ils voyaient le bateau tourisme tanguer.
Souvent considérés comme de simples vendeurs, les agents sont bien plus que des commerciaux, ils sont avant tout des personnes au service des autres.
La mission "rapatriement" a nécessité de travailler parfois "7 jours sur 7" témoigne Stéphane Verdier, sans jamais compter ses heures.
Mais le meilleur exemple sur le dévouement reste : l'engagement associatif.
"Durant cet arrêt brutal, nous nous sentons inutiles. Pour compenser, je me suis investie dans une association en attendant de pouvoir reprendre une vie active, confie Morgane.
Une façon pour l'apprentie agent de voyage d'utiliser ses compétences en concevant les roadbooks, carnets de voyages ou encore l'affrètement d'un avion pour aider l'association "Partage".
Durant ce 1er confinement, chacun s'est protégé et occupé comme il a pu.Si les retours sont assez disparates, il est une chose qui ne varie jamais, dans le discours de tous.
"Nous n'existons pas pour l'Etat, c'est flou. Et quand nous étions mentionnés dans les médias, nous étions devenus des escrocs avec l'ordonnance," se lamente Jennifer Weber.
Ce confinement a été une épreuve professionnelle et personnelle, avec des manifestations plus ou moins heureuses de la nature humaine.
La suite de l'expérience sur cette année 2020 si particulière, avec la gestion des clients, la réouverture, le chômage partiel de longue durée sera à retrouver dans les prochains jours.