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Droit à l'image : quelles photos utiliser pour son site et ses brochures ? [ABO]

l'interview de Clara Viguié, avocate au barreau de Paris


Clara Viguié, avocate en droit de la propriété intellectuelle (Viguié Avocats) nous éclaire sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour éviter des demandes de compensations financières, pour l'utilisation de photos éventuellement protégées par le droit d'auteur. Face aux revendication croissantes et aux pratiques de certaines officines, mieux vaut prendre ses précautions...


Rédigé par le Jeudi 21 Novembre 2024

En matière de droit à l'image, attention aux photos utilisées pour illustrer les sites Internet et les brochures  - Depositphotos.com Auteur baronvsp89
En matière de droit à l'image, attention aux photos utilisées pour illustrer les sites Internet et les brochures - Depositphotos.com Auteur baronvsp89
TourMaG - Les professionnels du tourisme qui ont des sites internet et qui publient des photos de destinations ou d'hôtels, sont de plus en plus confrontés à des demandes de compensations financières qui émanent de sociétés se revendiquant spécialistes dans le droit à l'image. Que répondre à cela ?

Clara Viguié : En effet des sociétés qui représentent les intérêts de certains auteurs, notamment photographes procèdent à des scans automatisés de sites internet et adressent soit directement, soit par le biais de leur conseil, des courriers de mise en demeure visant à solliciter des compensations financières du fait de l'utilisation de photos ou d'images qui peuvent éventuellement être protégées par un droit d'auteur.

TourMaG - Vous dites "éventuellement". Toutes les images ou photos ne sont pas protégées par un droit d'auteur ?

Clara Viguié :
Ce n'est pas parce que vous avez créé une image ou pris une photo, que cette image ou cette photo est automatiquement protégée par des droits d'auteur.

Une image ou une photo est protégée, lorsque celle-ci présente une certaine originalité. Pour revendiquer des droits d'auteur, il faut que le photographe démontre qu'il a bien adopté des choix créatifs, tels que des retouches de l'ordre esthétique, qu'il a voulu mettre en scène l'objet photographié d’une manière particulière, compte tenu par exemple de la lumière ou de l'angle de prise de vue.

Le simple fait finalement de reprendre une image ne veut pas dire nécessairement, que l'on contrefait les droits d'auteur d'un photographe ou d'un artiste. Une photo de plage paradisiaque avec un palmier, n'est pas nécessairement protégée par un droit d'auteur car éventuellement banale ou classique.


TourMaG - Que répondre à ce type de demandes ?

Clara Viguié :
Mon principal conseil c'est déjà, de ne pas payer tout de suite le montant qui est réclamé. Ces sommes sont souvent évaluées de manière arbitraire. D'un point de vue juridique, il faut toujours justifier la nature et le montant de la demande de compensation financière sollicitée.

Il vaut donc mieux prendre attache auprès d'un conseil pour examiner dans quelle mesure la réclamation est fondée, et si elle mérite ou non une réponse.

Mais avant, il y a plusieurs questions à se poser. Est-ce que cette photo est finalement purement banale ou non ? Comme je viens de vous l'expliquer si cette photo est très banale, par définition le photographe ne peut pas se prévaloir de droits d'auteur et il ne peut pas empêcher d'autres opérateurs d'utiliser sa photo. A noter qu’il peut en revanche se prévaloir d’autres fondements tels que le parasitisme.

En revanche, si la photo est travaillée et présente une certaine originalité, son utilisation sans autorisation peut constituer une contrefaçon. En matière de droits d’auteur, il faut avoir à l’esprit que les images ou les photos sont protégées à compter de leur création et qu’un dépôt n’est donc pas nécessaire.

Seuls les tribunaux sont à même de juger si ces images ou photos sont originales et effectivement éligibles à une telle protection.

Clara Viguié - Photo Viguié Avocats
Clara Viguié - Photo Viguié Avocats
TourMaG - Finalement quelles photos utiliser pour avoir "l'esprit tranquille" ?

Clara Viguié :
D'une manière générale, pour éviter ce type de difficultés, il est préférable de toujours utiliser du contenu libre de droit, et de ne jamais exploiter des photographies que l'on peut retrouver sur Internet, à partir de Google Images, à partir de sites, ou sur les réseaux sociaux etc., parce que nous ne savons jamais d'où elles proviennent et si elles sont protégées.

Mon conseil est de toujours utiliser des banques d'images, sous réserve de respecter certaines conditions comme la licence associée et le respect des droits de l’auteur (le créditer et ne pas dénaturer son image notamment). Il faut vraiment éviter de diffuser des photos qui sont accessibles sur Internet.


TourMaG - Pour les voyagistes et les agences de voyages, il est important de montrer les photos des hôtels qui ne se trouvent pas forcément dans des banques d'images...

Clara Viguié :
La difficulté pour les hôtels par exemple, c'est que plusieurs droits peuvent s'entrecroiser. Le photographe qui a réalisé une campagne de photos pour un hôtel, peut détenir des droits sur ces photos et avoir accepté que seul cet établissement puisse les diffuser sur ses propres supports de communication. Le photographe ne souhaite donc peut-être pas que d'autres opérateurs réexploitent ses photos.

Le deuxième point, à titre d’exemple, c'est que cet hôtel peut être composé de meubles de design éventuellement protégés par des droits d’auteur et/ou avoir été aménagé par un architecte d’intérieur qui détiendrait également des droits sur sa création. Si une photo reproduit l’ensemble de ces éléments, il est préférable de ne pas la diffuser sans l’autorisation des ayants droits concernés.

Certains litiges ont pu incriminer la reprise sur Instagram de photographies de restaurants ou autres lieux de vie, sur lesquelles apparaissaient des meubles de design à la suite d’une action initiée par le designer des meubles.

Il est donc recommandé de se rapprocher directement de l’hôtel pour qu’il fournisse lui-même les photographies qui peuvent être licitement exploitées.

TourMaG - Certains professionnels peuvent également travailler avec des influenceurs, y a t-il des précautions à prendre ?

Clara Viguié :
Il faut être très vigilant sur la manière dont l'influenceur va faire son travail. Il faut encadrer sa mission par un contrat, qui définira le contenu qu’il pourra exploiter afin qu’il respecte les droits de propriété intellectuelle et la manière dont ce contenu pourra être diffusé.

Ce contrat pourra également prévoir que le professionnel reste libre d’exploiter le contenu créé par l’influenceur et sous quelles conditions.


A lire aussi : la photographie de voyages, un présent en mutation, un avenir à inventer

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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