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François Piot : "le calcul de la compensation carbone doit venir des GDS"

L'interview de François Piot, PDG de Prêt-à-Partir


Le tourisme durable n'est pas l'apanage des tour-opérateurs engagés et hôteliers zero déchets. De nombreux professionnels en font au quotidien, à leur manière, sans bruit. C'est le cas de Prêt-à-Partir. Si l'entreprise dirigée par François Piot n'est pas connue pour être un acteur du tourisme durable, elle n'en est pas moins engagée. Prêt-à-Partir ne fait pas de publicité, mais l'entreprise n'a pas à rougir de ses actions en la matière. Nous avons donc voulu en savoir plus.


Rédigé par le Jeudi 21 Avril 2022

Prêt-à-partir plante des acacias (photos), des arbres à neem et des manguiers pour faciliter l'agriculture et favoriser la biodiversité avec le retour des girafes blanches dans la région - crédit prêt-à-partir
Prêt-à-partir plante des acacias (photos), des arbres à neem et des manguiers pour faciliter l'agriculture et favoriser la biodiversité avec le retour des girafes blanches dans la région - crédit prêt-à-partir
TourMaG.com : Prêt-à-Partir n'est pas connu pour être un acteur engagé dans le tourisme durable, pourtant vous avez des actions concrètes qui vont dans ce sens ?

François Piot :
C'est vrai que nous ne proposons pas de tourisme spécifiquement équitable ou durable à nos clients, mais c'est simplement qu'ils ne le demandent pas : je propose ce que le client attend. Mais cela ne veut pas dire que je ne m'y intéresse pas au contraire.

Je suis un agent de voyage, un autocariste... Mais je suis aussi un investisseur dans les panneaux solaires.

Par ailleurs, Prêt-à-partir est très lié à une association au Niger : Niger Ma Zaada, dont nos voyages financent certaines actions.

C'est un projet phare en agence : nous avons replanté environ 60 000 arbres avec Niger ma Zaada, et pas pour stocker du carbone (même si cela stocke environ 200 tonnes de CO2 par an, soit 1% des émissions de nos autocars).

TourMaG.com : Quel est le but et quel rapport avec votre activité si ce n'est pas pour la compensation carbone ?

François Piot :
L'association existe depuis une quinzaine d'années et nous l'accompagnons depuis plus de 10 ans ; nous sommes son premier sponsor. Il y a un vrai lien, humain aussi. Nos collaborateurs partent régulièrement suivre l'avancée sur le terrain - je pense moi-même y retourner en fin d'année, et le président de l'association vient régulièrement témoigner et expliquer les évolutions.

Elle travaille autour de l'eau, de l'éducation, la santé, la biodiversité... Nous l'avons notamment aidé sur un projet de réhabilitation de terres désertes en forêt.

D'une part, pour le revenu agricole que cela permet, puisqu'il s'agit de planter des arbres fruitiers notamment, et d'autre part, pour reconstituer des zones d’habitat de la girafe (la girafe blanche à peau claire de l’Afrique de l’Ouest). Cela fonctionne bien : les girafes sont revenues sur le site et la population est en forte augmentation ; elles sont passées d'une trentaine à 500 en quelques années.

Nous communiquons beaucoup dessus auprès de nos clients, cela fait partie de notre politique RSE

C'est du mécénat, mais financé en partie par les voyageurs (à hauteur de 3€ / personne ou par dossier selon les agences), qu'on invite par ailleurs à faire un don de leur côté.

TourMaG.com : Vous le dites, ces plantations n'ont pas pour but de compenser vos dépenses carbones, avez-vous une autre manière de compenser ?

François Piot :
Oui, nous compensons la moitié de nos dépenses carbone qui sont de 5000 tonnes / an de gazole (1L émet 2,6 kg de dioxyde).

Je vous l'ai dit je suis investisseur dans les énergies renouvelables : nous produisons de l'énergie propre que nous vendons à EDF. La production de cette énergie propre compense les émissions produite par le gazole.

Il y a les panneaux solaires, une centrale de méthanisation à partir de déchets agricoles, nous exploitons deux centrales hydroélectriques et nous avons un troisième centrale en construction.

Nous avons d'ailleurs déjà un véhicule en Haute-Marne qui ne fonctionne qu'en énergie renouvelable et en circuit court : la conductrice vit près de chez un paysan chez qui elle vient faire le plein de Bio GNV issu de son exploitation.

Un plein représente 250km, soit sa tournée hebdomadaire de ramassage scolaire.

crédit photo : TourMaG.com
crédit photo : TourMaG.com
TourMaG.com : C'est enthousiasmant mais 250km, c'est difficile à adapter au secteur du tourisme non ?

François Piot :
Non pas pour l'instant. Nous ne l'utilisons que pour le transport public pour le moment. Ne serait-ce que pour des raisons techniques : les moteurs capables d'utiliser ce type de gaz pour des véhicules de loisir n'existent pas aujourd'hui car ils utilisent du gaz liquéfié ce qui n'est pas notre cas (cette technologie n’est d'ailleurs pas disponible dans notre industrie).

Aujourd'hui, 99,9% du gaz utilisé dans les transports en car a un gros impact CO2 : non seulement c'est du gaz fossile, mais en plus il vient généralement d'Algérie.

Son impact est le même que celui du gazole, la différence est qu'il est meilleur pour la santé puisqu'il n'émet pas de particules fines et son avantage principal est qu'il est beaucoup moins cher.

Et puis il vient aussi de Russie… Et le prix du gaz a été multiplié par 3 ou 4 en un an (il est passé de 0,90€ le kilogramme à près de 3 euros). Le prix du gaz va être durablement élevé, même après la fin du conflit en Ukraine. Concrètement, il n’y a plus aucun intérêt (ni économique, ni écologique) à utiliser du gaz plutôt que du gasoil.

TourMaG.com : Mais quelles que soient les avancées technologiques, le principal impact pour vous en tout cas c'est l'aérien...

François Piot :
Oui et c'est là que les efforts doivent se porter si on veut vraiment avancer. Nous progressions à ce sujet : Jusqu'à peu, on avait du mal à évaluer le coût carbone. Mais depuis quelques mois, nous indiquons sur nos devis et nos factures une estimation de l’impact CO2 du voyage de nos clients.

Nous leur rappelons, le cas échéant, qu’un français émet environ 10 tonnes de CO2 par an, et nous leur proposons éventuellement de compenser le CO2 de leur voyage en faisant un don à Niger ma Zaada.

C'est aux GDS de faire une estimation plus fine que les chiffres moyens dont on dispose actuellement.

C'est d'eux que doit venir ce calcul pour les compagnies aériennes. Parce que même si le transport aérien, rappelons-le, ne représente que 3% des émissions mondiales de CO2, le déplacement en avion reste le gros impact.

En tenant compte des différents facteurs en amont (le modèle de l'avion, le nombre de km parcouru, le carburant utilisé...) et après le voyage (la consommation générale, le taux de remplissage...).

On peut imaginer des outils et fabriquer des modèles et on y viendra forcément, mais il faut que tout le monde s'y mette.

On sait qu'en fonction du mode calcul privilégié, on passe de 100€ à 1000€ la tonne. Pour les professionnels que nous sommes, c'est compliqué à calculer sans leur soutien.

Ce que je peux vous dire en revanche c'est que, quand certains disent aux voyageurs : "Compensez en payant 3€ de plus sur votre voyages" c'est de la publicité mensongère.

Aujourd'hui, de notre côté, on estime l’impact du vol grâce aux calculateurs disponibles sur internet, et nous rajoutons 30% pour tenir compte des émissions à destination.

TourMaG.com : Il faut être plus transparent avec le client ?

François Piot :
Bien sûr ! Il faut lui dire la vérité, lui donner toutes les informations dont il a besoin pour décider comment voyager.

On doit mettre le client face à ses responsabilités : c'est lui qui décide où et comment il voyage. Mais pour ça, il faut faire de la sensibilisation et informer.

Nous communiquons beaucoup sur notre politique RSE et on les sensibilise aux changements du tourisme. On leur propose de voyager moins mais plus longtemps. C'est meilleur pour l'environnement et on profite plus de son voyage, on voit plus de chose. Et on perd moins de temps dans l'avion.

Et ce n'est pas revenir à l'âge de pierre : à l'époque de nos parents, un voyage durait 3 semaines, pas 3 jours.

TourMaG.com : On est d'accord... Pour la partie tourisme. Mais l'activité de Prêt-à-partir est aussi une activité business travel, n'est-ce pas contradictoire ?

François Piot :
Les gros clients cotés en bourse ont une obligation légale de justifier de l'impact carbone de leurs voyages. Ils ont donc une sensibilisation sur le sujet.

Mais de toute manière et de manière plus globale, le voyages d'affaires n'est pas une obligation et on voit actuellement avec le coronavirus que ces déplacements ne sont pas si nécessaires que cela, il y a la vidéoconférence par exemple. La baisse que nous sommes en train de vivre va perdurer bien après le virus, il faut en être conscient.

Soyons clair : je ne veux pas nuire à mon propre business ! Je ne dis pas qu'il ne faut pas voyager ! Mais le client doit être en mesure de faire ses choix. Ce que je voudrais c'est pouvoir lui dire concrètement : voilà, votre voyage coûte plus cher mais il est plus économe en CO2, à vous de décider le coût qui compte le plus pour vous.

On est avant tout des commerçants, on est là pour faire plaisir au client, mais s'il veut faire un aller-retour de 3 jours à Pékin ce sera avec un autre.

Les Césars du Voyage Responsable

Rappelons que TourMaG et le Petit Futé organisent "Les Césars du Voyage Responsable".

Forts d’une audience mensuelle de plusieurs millions d’internautes, les deux titres assureront la promotion BtoBtoC des projets candidats.

Cet événement débutera en septembre 2022 avec la phase des votes qui durera jusqu'en février 2023.
La cérémonie des Césars du Voyage Responsable quant à elle aura lieu en mars 2023.

Si vous souhaitez candidater, prenez rendez-vous ci-dessous avec Fabien da Luz, DG associé.

A lire aussi : Césars du Voyage Responsable : “Il y a une urgence à agir dans notre métier…”



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