La montagne européenne qui, d’ores et déjà, joue la carte du bien-être pourrait donc bien devoir jouer celle du ressourcement et du développement personnel ou tout simplement celle de la spiritualité comme le font depuis toujours les massifs montagneux asiatiques, des régions comme le Tibet, le Bhoutan, la Corée du sud... - DR : DepositPhotos.com, choreograph
Plus que beaucoup d’autres secteurs, le tourisme fonctionne sur des imaginaires qui se composent à la fois de représentations idéalisées, à partir desquelles s’est bâtie l’industrie touristique, et de symbolisme propre à chaque culture. Mais pas seulement.
L’imagerie touristique est aussi constituée par des flots de « nouvelles » images issues de l’actualité qui viennent télescoper les représentations en place et qui sont parfois positives, souvent négatives, exagérées, déformées.
Encore plus complexes, les imaginaires touristiques sont collectifs mais aussi individuels. Chacun d’entre nous porte en lui des représentations issues de ses lectures, des films qu’il a vus, des pays dans lesquels il a voyagé, de son environnement familial, son bagage intellectuel !
Pour un professionnel cherchant à promouvoir une destination, il est donc impératif d’avoir à l’esprit ces superpositions d’images dont l’harmonieuse disposition fera ou défera le succès d’une offre. Pour l’exemple, nous démontons l’image de la montagne.
L’imagerie touristique est aussi constituée par des flots de « nouvelles » images issues de l’actualité qui viennent télescoper les représentations en place et qui sont parfois positives, souvent négatives, exagérées, déformées.
Encore plus complexes, les imaginaires touristiques sont collectifs mais aussi individuels. Chacun d’entre nous porte en lui des représentations issues de ses lectures, des films qu’il a vus, des pays dans lesquels il a voyagé, de son environnement familial, son bagage intellectuel !
Pour un professionnel cherchant à promouvoir une destination, il est donc impératif d’avoir à l’esprit ces superpositions d’images dont l’harmonieuse disposition fera ou défera le succès d’une offre. Pour l’exemple, nous démontons l’image de la montagne.
Selon Gaston Bachelard, « les images représentent une façon d’entrer en relation avec l’espace et la matière qui génère du sens, sans pour autant déterminer strictement des comportements et des configurations.
Elles permettent aux individus et aux groupes de se représenter un lieu en tant que destination touristique appréhendable ; elles créent le désir, rendent un lieu attractif, contribuent à concrétiser un projet de voyage.
De plus, ces images interviennent non seulement au moment du choix de la destination, mais également sur place ».
Elles permettent aux individus et aux groupes de se représenter un lieu en tant que destination touristique appréhendable ; elles créent le désir, rendent un lieu attractif, contribuent à concrétiser un projet de voyage.
De plus, ces images interviennent non seulement au moment du choix de la destination, mais également sur place ».
La construction des images touristiques de la montagne
Entrée très tôt dans l’imagerie touristique, la montagne a connu ses plus belles heures dès lors qu’elle a su se parer de blanc et mettre en valeur ses glaciers, ses neiges éternelles et ses plus hauts sommets vaincus par des alpinistes intrépides.
Lesquels ont façonné en grande partie à la fois la mythologie touristique et la mythologie de cet ailleurs étrange considéré comme particulièrement dangereux.
Si l’on en croit l’Histoire, l’alpinisme est inventé au pied du Mont Blanc conquis dès 1786, dans une station historique : Chamonix.
Pratique élitiste, l’alpinisme ne s’en démocratise pas moins pour donner naissance aux premiers clubs et expéditions. Le Club alpin français nait en 1874 et contribuera grandement à l’essor du tourisme en montagne et à la survie de régions en voie de désertification.
Mais, il a fallu attendre les années soixante et l’avènement de l’or blanc pour que la montagne s’inscrive dans les pratiques touristiques des Trente Glorieuses et suscite l’engouement d’une classe moyenne en plein développement.
Les Jeux Olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble et la moisson de médailles recueillies par les skieurs français apportera à cet engouement une contribution d’autant moins négligeable que, dans une époque en bonne santé économique, les stations de ski n’en finissaient pas d’accrocher leurs constructions de béton et de lancer câbles de téléphériques et téléskis à l’assaut des hauteurs.
Acquis par une classe moyenne en quête de nouvelles sensations et de compléments iconographiques permettant d’afficher une forme de réussite sociale, ces biens immobiliers donnèrent un coup de fouet massif au développement d’une pratique vedette : le ski !
Loin des dangers d’hier, une montagne sécurisée, chaleureuse, familiale, accueillante, dynamique et ludique entrait dans les imaginaires de la deuxième moitié du vingtième siècle et s’y installait pour un bon demi-siècle et diversifiait son offre de loisirs : renouant avec des pratiques anciennes comme la raquette, le chien de traineaux ou le ski de fond et avec des pratiques nouvelles comme le free-style.
Entre folklore et avant-gardisme, la mosaïque de la montagne en hiver est infinie.
Lesquels ont façonné en grande partie à la fois la mythologie touristique et la mythologie de cet ailleurs étrange considéré comme particulièrement dangereux.
Si l’on en croit l’Histoire, l’alpinisme est inventé au pied du Mont Blanc conquis dès 1786, dans une station historique : Chamonix.
Pratique élitiste, l’alpinisme ne s’en démocratise pas moins pour donner naissance aux premiers clubs et expéditions. Le Club alpin français nait en 1874 et contribuera grandement à l’essor du tourisme en montagne et à la survie de régions en voie de désertification.
Mais, il a fallu attendre les années soixante et l’avènement de l’or blanc pour que la montagne s’inscrive dans les pratiques touristiques des Trente Glorieuses et suscite l’engouement d’une classe moyenne en plein développement.
Les Jeux Olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble et la moisson de médailles recueillies par les skieurs français apportera à cet engouement une contribution d’autant moins négligeable que, dans une époque en bonne santé économique, les stations de ski n’en finissaient pas d’accrocher leurs constructions de béton et de lancer câbles de téléphériques et téléskis à l’assaut des hauteurs.
Acquis par une classe moyenne en quête de nouvelles sensations et de compléments iconographiques permettant d’afficher une forme de réussite sociale, ces biens immobiliers donnèrent un coup de fouet massif au développement d’une pratique vedette : le ski !
Loin des dangers d’hier, une montagne sécurisée, chaleureuse, familiale, accueillante, dynamique et ludique entrait dans les imaginaires de la deuxième moitié du vingtième siècle et s’y installait pour un bon demi-siècle et diversifiait son offre de loisirs : renouant avec des pratiques anciennes comme la raquette, le chien de traineaux ou le ski de fond et avec des pratiques nouvelles comme le free-style.
Entre folklore et avant-gardisme, la mosaïque de la montagne en hiver est infinie.
Le symbolisme éternel de la montagne
La montagne a provoqué chez l’homme quantité de sentiments contradictoires. Interdite, promise, refuge des ermites, siège des combats entre les Titans et les Dieux, entre les Archanges et les Dragons, lieu de l’immortalité, colline de la pureté, centre et sommet du monde.
Génératrice de paniques comme d’exaltations, la montagne suscite depuis toujours le sentiment d’un univers qui échappe à l’échelle humaine.
Proche des cieux, éloignée de l’ordre humain, elle est le point de rencontre privilégié́ entre le Ciel et la Terre. Elle est le lieu le plus bas pour les dieux et le plus élevé pour les hommes.
C’est au sommet d’une montagne que Yahvé a dicté ses commandements à Moïse, que Bouddha a prêché la délivrance et que le Christ s’est transfiguré face à ses disciples.
C’est aussi au pied d’une montagne, l’Hélicon, qu’Hésiode a reçu l’inspiration des Muses pour écrire sa Théogonie, histoire sacrée des Dieux et de la Création.
La montagne apparaît dans chaque récit de la création du monde. En tant que centre et sommet, elle apparaît comme la figure de choix symbolisant le lieu de la naissance du monde, le sommet d’où émerge la vie, la source de toute réalité.
Pour tous les peuples, la montagne symbolise la transcendance. Nous pensons aux montagnes sacrées : le mont Olympe en Grèce, le Fuji-Yama au Japon, le Sinaï.
Les pèlerinages en direction de ces montagnes sacrées symbolisent le détachement progressif, l’élévation spirituelle. La montagne est un lieu de dépouillement qui invite au silence et à la solitude.
L’ascension d’une montagne évoque pour sa part un progrès vers la connaissance de soi.
Gravir sa montagne intérieure, c’est apprendre à concilier nos principes opposés, sa terre et son ciel, et à en faire des principes complémentaires en vue de l’union ultime avec soi-même, avec les autres et avec l’univers.
Génératrice de paniques comme d’exaltations, la montagne suscite depuis toujours le sentiment d’un univers qui échappe à l’échelle humaine.
Proche des cieux, éloignée de l’ordre humain, elle est le point de rencontre privilégié́ entre le Ciel et la Terre. Elle est le lieu le plus bas pour les dieux et le plus élevé pour les hommes.
C’est au sommet d’une montagne que Yahvé a dicté ses commandements à Moïse, que Bouddha a prêché la délivrance et que le Christ s’est transfiguré face à ses disciples.
C’est aussi au pied d’une montagne, l’Hélicon, qu’Hésiode a reçu l’inspiration des Muses pour écrire sa Théogonie, histoire sacrée des Dieux et de la Création.
La montagne apparaît dans chaque récit de la création du monde. En tant que centre et sommet, elle apparaît comme la figure de choix symbolisant le lieu de la naissance du monde, le sommet d’où émerge la vie, la source de toute réalité.
Pour tous les peuples, la montagne symbolise la transcendance. Nous pensons aux montagnes sacrées : le mont Olympe en Grèce, le Fuji-Yama au Japon, le Sinaï.
Les pèlerinages en direction de ces montagnes sacrées symbolisent le détachement progressif, l’élévation spirituelle. La montagne est un lieu de dépouillement qui invite au silence et à la solitude.
L’ascension d’une montagne évoque pour sa part un progrès vers la connaissance de soi.
Gravir sa montagne intérieure, c’est apprendre à concilier nos principes opposés, sa terre et son ciel, et à en faire des principes complémentaires en vue de l’union ultime avec soi-même, avec les autres et avec l’univers.
Imaginaires en mouvement : la montagne demain
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D’ores et déjà, le visage de la montagne a tendance à se modifier via la digitalisation.
Un phénomène incontournable, d’autant que les stations mettent une grande partie de leurs moyens au service de nouveautés technologiques capables de simplifier le quotidien des skieurs et d’accélérer bon nombre de tâches contraintes : locations, achats, files d’attente.
Une station comme Val d’Isère propose par exemple de ne plus utiliser d’argent mais de régler les achats dans la station via un bracelet mis au point par Payin Tech. Un nouveau moyen de paiement qui se généralisera.
Val Thorens, fanatique de réseaux sociaux, propose un autre outil qui se vulgarisera : les Fancams, des caméras retransmettant en direct sur le web l’ambiance des pistes... On l’aura compris, le futur sera digital ou ne sera pas.
Pour autant, si ces images véhiculent une modernité d’autant plus dynamique qu’elle s’accompagne d’une offre sportive audacieuse, elles ne gomment pas des points d’image négatifs.
La montagne, version ski, surtout, est menacée par des maux endémiques : cohue, tarifs élevés, élitisme social...
De plus, la montagne blanche en altitude moyenne est un patrimoine en péril que les météorologues ne sous estiment pas. En 2040, on prévoit des réductions de l’enneigement de l’ordre de 50%, parfois plus, à 1 200 mètres d’altitude. Au-dessous, l’enneigement viendra à manquer.
Quant à la neige artificielle qui réclame eau et froid, lesquelles manquent, elle ne sera pas la solution miracle ! Selon les auteurs du projet Scampei, « nous en avons pour 20 ans de skiabilité », déclare Daniel Goetz, ingénieur à Météo France.
La montagne européenne qui, d’ores et déjà, joue la carte du bien-être pourrait donc bien devoir jouer celle du ressourcement et du développement personnel ou tout simplement celle de la spiritualité comme le font depuis toujours les massifs montagneux asiatiques, des régions comme le Tibet, le Bhoutan, la Corée du sud...
Refuge des moines, des ermites ou tout simplement des individus en quête d’une détox étayée par une forme de mysticisme, cette montagne renouerait peu à peu avec l’un de ses symbolismes premiers.
Un phénomène incontournable, d’autant que les stations mettent une grande partie de leurs moyens au service de nouveautés technologiques capables de simplifier le quotidien des skieurs et d’accélérer bon nombre de tâches contraintes : locations, achats, files d’attente.
Une station comme Val d’Isère propose par exemple de ne plus utiliser d’argent mais de régler les achats dans la station via un bracelet mis au point par Payin Tech. Un nouveau moyen de paiement qui se généralisera.
Val Thorens, fanatique de réseaux sociaux, propose un autre outil qui se vulgarisera : les Fancams, des caméras retransmettant en direct sur le web l’ambiance des pistes... On l’aura compris, le futur sera digital ou ne sera pas.
Pour autant, si ces images véhiculent une modernité d’autant plus dynamique qu’elle s’accompagne d’une offre sportive audacieuse, elles ne gomment pas des points d’image négatifs.
La montagne, version ski, surtout, est menacée par des maux endémiques : cohue, tarifs élevés, élitisme social...
De plus, la montagne blanche en altitude moyenne est un patrimoine en péril que les météorologues ne sous estiment pas. En 2040, on prévoit des réductions de l’enneigement de l’ordre de 50%, parfois plus, à 1 200 mètres d’altitude. Au-dessous, l’enneigement viendra à manquer.
Quant à la neige artificielle qui réclame eau et froid, lesquelles manquent, elle ne sera pas la solution miracle ! Selon les auteurs du projet Scampei, « nous en avons pour 20 ans de skiabilité », déclare Daniel Goetz, ingénieur à Météo France.
La montagne européenne qui, d’ores et déjà, joue la carte du bien-être pourrait donc bien devoir jouer celle du ressourcement et du développement personnel ou tout simplement celle de la spiritualité comme le font depuis toujours les massifs montagneux asiatiques, des régions comme le Tibet, le Bhoutan, la Corée du sud...
Refuge des moines, des ermites ou tout simplement des individus en quête d’une détox étayée par une forme de mysticisme, cette montagne renouerait peu à peu avec l’un de ses symbolismes premiers.