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Les difficultés de proposer une assurance spatiale à un prix abordable

La chronique de Michel Messager


Les données sur les voyages spatiaux, faute d’un manque de recul et d’un nombre de données suffisantes sont limitées, ce qui rend pour les assureurs le produit difficile à tarifer et à proposer à un ‘’juste prix’’. Il existe un taux de mortalité historique pour les voyages spatiaux d'environ 1%, et le volume de personnes ayant voyagé dans l'espace demeure un échantillon de trop petite taille (environ 600) pour le comparer avec des approches de souscription d'assurance vie, voire même d’assurance pour les produits aériens.


Rédigé par le Mardi 13 Août 2024

Pepita
Pepita
Le voyage dans l’espace est dangereux et l’on ne peut que souscrire, du moins jusqu’à présent, à cette évidence : le risque zéro n’existe pas, d’autant plus que la matière étudiée n’est pas figée et évolue quasiment tous les jours, que ce soit au niveau des matériels, des technologies, des règlementations, des études, des expériences ou des environnements.

Il faut néanmoins insister sur deux problématiques bien spécifiques concernant les assurances spatiales :

- contrairement à d'autres formes de voyage, le tourisme spatial est encore relativement nouveau et il y a eu peu de cas d'accidents ou d'incidents sur lesquels s'appuyer pour déterminer ne serait-ce par exemple, qu’un simple actuaire ou une jurisprudence ‘’solide’’.

Retrouvez notre dossier Tourisme Spatial & Assurances

- même si le voyage se déroule sans incident, rien n’est pourtant terminé, car le voyage dans l’espace, aux dires des expériences de certains scientifiques et chercheurs, peut entrainer au fil du temps, notamment suite aux radiations, des risques de conséquences médicales futures, sur le physique et le mental des astronautes.

Comment développer un tourisme spatial abordable ?

La tarification de l'assurance pour le tourisme spatial est une tâche complexe et difficile et il est évident que les risques encourus sont nettement plus élevés que ceux des voyages conventionnels, d’autant plus et comme le dit Denis Bensoussan responsable espace chez Beazley : « les exigences en matière de sécurité sont considérables les opérateurs du tourisme spatial sont à la recherche d'une fiabilité d'un accident fatal pour 50 000 vols. Il faut savoir que les meilleures compagnies aériennes obtiennent un niveau de fiabilité d'un accident fatal pour 5 ou 6 millions de vols. »

Tout le problème est donc d'équilibrer la tarification pour garantir un prix abordable aux touristes spatiaux tout en couvrant les pertes potentielles, et ceci avec un recul et des expériences très limitées.

Les degrés de dangerosité sont évidemment différents entre les vols orbitaux et les vols suborbitaux, mais les deux se heurtent pourtant au même dilemme, à savoir : que plus on renforce les outils permettant d’optimiser la sécurité, plus on élève les coûts. Or, l’on sait, par voie de conséquence, que l'augmentation du prix des billets limite inévitablement le nombre de clients potentiels.

Aux vues de la complexité additionnelle du système global, l’équation est difficile, d’autant plus que certains estiment qu’il en coûterait tout autant pour porter la fiabilité des engins spatiaux de 96 % à 99 %, que pour l’élever de 80 % à 96 %. Les entrepreneurs tout comme les assureurs sont donc confrontés à ce dilemme délicat : comment développer un tourisme spatial à la fois abordable financièrement et sécure ?

Quels sont les risques ?

Parmi les principaux risques que doivent prendre en compte les assureurs dans leurs calculs pour déterminer les montants de leurs primes, nous pouvons citer :

- Les phases de lancements et de rentrées de fusées qui mettent à rudes épreuves le matériel tout comme les astronautes.

- L'impact de la microgravité sur le corps humain. Des périodes prolongées d'apesanteur peuvent avoir des effets néfastes sur divers systèmes corporels, notamment la densité osseuse, la masse musculaire et la santé cardiovasculaire. De plus les compagnies d'assurance doivent tenir compte des répercussions potentielles à long terme sur la santé des voyageurs spatiaux et des frais médicaux associés qui peuvent survenir, notamment à propos :

- des radiations qui en permanence inondent l’espace et les répercussions potentielles à long terme qu’elles peuvent entrainer sur la santé des voyageurs spatiaux et qui font résolument partie des priorités des scientifiques du secteur spatial.

- de l’encombrement de l’espace, « le risque de collision entre un satellite actif et un autre satellite actif est également préoccupant », comme le déclare Christopher Kunstadter, responsable mondial de l'espace chez AXA XL.

Que ce soit un astronaute professionnel et tout l’investissement qui y est rattaché ou un ‘’simple’’ touriste de l’espace qui peut se payer un billet entre 300 000 & 400 000$ pour les vols suborbitaux et 20 & 25 millions de dollars pour les vols orbitaux, on comprend donc bien que calculer le coût d’une prime d’assurance est loin d’être simple et évident. Comme le titre un article : « Assurance-vie pour les astronautes – assurer l'inassurable ! », résume bien la problématique.

Des astronautes-clients millionnaires ou milliardaires

Le Professeur John D. Graham ancien doyen de la Frederick Pardee RAND Graduate School (PRGS) et ses collègues du Harvard Center for Risk Analysis ont découvert en 1997 que : « le coût médian des dépenses vitales et des réglementations du gouvernement américain dans les domaines des soins de santé, du logement, des transports et domaines professionnels varie d'environ 1 million de dollars à 3 millions de dollars dépensés par vie sauvée. »

Sachant que le ministère des Transports américain a pour politique de rejeter toute dépense de sécurité proposée qui coûte plus de 3 millions de dollars par vie sauvée, Robert Zurbrin, expert spatial, ingénieur en aéronautique, écrivain et journaliste estime donc : « que cette somme peut être considéré comme une estimation haut de gamme de la valeur de la vie d'un Américain telle que définie par le gouvernement américain. »

Poursuivant, Robert Zurbrin estime que : « les astronautes ne sont pas n'importe qui. Il s'agit de personnel hautement qualifié dans lequel le gouvernement a investi des dizaines de millions de dollars (le chiffre exact varie d'un astronaute à l'autre). Péchons par excès et attribuons une valeur de 50 millions de dollars par astronaute, valeur intrinsèque et formation. »

Certes, cette analyse date des années 2000 et depuis les assureurs affinent chaque année leurs calculs, néanmoins le problème des astronautes-clients demeure.

Ces astronautes-clients ont un point commun, pour le moment, vu le prix du voyage ceux-ci sont essentiellement des millionnaires ou des milliardaires qui entrainent derrière eux très souvent des entreprises et des milliers d’emplois à la clé.

Sans assurance, le tourisme spatial ne pourra se développer autant qu'il le souhaite

Quand on sait que pour les métiers à risque la prime est de 15 466 $ pour un plongeur en haute mer et de 25 466 $ pour un sous-marinier on est loin du compte. A titre d’information et pour l’anecdote, une des plus grandes polices d'assurance-vie jamais émise a été souscrite en 2013 par un milliardaire de la Silicon Valley pour une valeur énorme de 201 millions de dollars !

De plus on possède peu d’informations venant des assureurs eux-mêmes, bien que certains comme Tim Rush, vice-président senior, zone Amérique, chez le courtier d'assurance Gallagher, déclare : « que le marché de l'assurance-vie offre actuellement une couverture individuelle de 2 à 5 millions de dollars pour les particuliers-astronautes. »

On peut constater à la simple lecture de ces quelques lignes, qu’évaluer le risque dans le domaine du Tourisme spatial est évidement chose ardue et c’est un euphémisme que de l’écrire. Tout le problème est donc d'équilibrer la tarification pour garantir un prix abordable aux touristes spatiaux tout en couvrant les pertes potentielles et ceci avec un recul et des expériences très limitées.

C'est peut-être un paradoxe, mais il en est ainsi : sans assurance, le tourisme spatial ne pourra se développer autant qu'il le souhaite.

Les difficultés de proposer une assurance spatiale à un prix abordable
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Michel MESSAGER
Michel MESSAGER
Michel MESSAGER est directeur associé de Consul Tours, société de conseil travaillant pour une clientèle privée et institutionnelle dans les secteurs du tourisme.

Il est Membre Fondateur de l’Institut Européen du Tourisme Spatial et de l’AFST (Association Française des Seniors du Tourisme). Il est l’auteur de nombreux articles sur le sujet ainsi que de plusieurs livres : le "Tourisme Spatial" publié en 2009 à la documentation française, "Histoire du Tourisme Spatial de 1950 à 2020" sorti en 2021, "Tourisme Spatial et Ecologie" en 2022 et "Tourisme Spatial de 1950 à 2022" chez Amazon. Il est considéré actuellement comme l’un des spécialistes en la matière.

Il intervient fréquemment sur ce sujet à la radio et à la télévision, ainsi qu’au travers de conférences dans de nombreux pays, notamment au Canada où il réside quelques mois par an. Il conseille notamment des entreprises du "new space" et des fonds d’investissements sur les projets financiers en matière de Tourisme Spatial.

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