Le gouvernement avait prévu une enveloppe maximale de 300 milliards d’euros à charge pour les banques de mettre en œuvre cette garantie dans le cadre de prêts qu’elles-mêmes accordent aux entreprises.
Fin juillet, le montant total de PGE accordé par l’État s’est élevé à 121 milliards d’euros. C’est bien moins que l’enveloppe annoncée. Cet écart est-il dû à la frilosité des banques chargées de mettre en place les PGE ? En apparence non, car les statistiques publiées par la Fédération bancaire française (FBF) montrent un taux de refus des demandes de seulement 2,7 %.
Un effet d’aubaine
Il faut évidemment aller plus loin. La garantie d’État ne couvre que 90 % (au mieux) de la demande de crédit. Cela signifie que les banques qui accordent un PGE avec une garantie d’État assument 10 % de risque supplémentaire sur l’emprunteur si du moins le PGE donne lieu à une ouverture de crédit supplémentaire au bénéfice de celui-ci… C’est là que le bât blesse. Les banques ont d’abord pu être conduites à limiter les montants demandés par les entreprises. D’où un taux de refus en apparence faible.
Certaines banques ont aussi mis en place des PGE en substitution de lignes de crédit préexistantes. Elles ont rejoint les attentes de certaines entreprises qui ont profité d’un effet d’aubaine en refinançant et en sécurisant par des PGE à 5 ans une partie de leur endettement bancaire, cela à des taux faibles compte tenu de la garantie d’État.
Pour ces raisons, il ne faut pas s’arrêter sur l’enveloppe médiatique de 300 milliards d’euros de PGE, actuellement sous-employée.
On peut essayer de mesurer le flux net de soutien des PGE en analysant la variation nette des encours de crédits de trésorerie calculée par la Banque de France.
Entre mars et juin 2020, la variation nette d’encours est de 77,42 milliards d’euros. Ce chiffre doit être comparé au montant des PGE mis en place sur la même période par les banques (106 milliards d’euros cumulés de PGE à fin juin). Il s’ensuit que 29 milliards d’euros se sont perdus en ligne, soit sous forme de crédits de trésorerie antérieurs remboursés grâce au PGE, ou soit par la mise en place de facilités PGE non tirées par des entreprises qui n’en avaient pas besoin tout de suite.
Il y a eu indéniablement un effet d’aubaine pour certaines entreprises avec l’aimable complicité des banques. Excluons de cet effet d’aubaine les grandes entreprises (Renault, Air France…) dont les demandes de PGE ont été traitées directement par la direction du Trésor.
Un quasi-retour à la situation d’avant crise
L’objectif des PGE est d’assurer la liquidité des entreprises et d’éviter leur défaillance. La mesure des défaillances par cessations de paiement et dépôts de bilan ne peut être mesurée actuellement. On ne commencera à la percevoir que progressivement dans les statistiques des tribunaux de commerce au début de l’automne.
Une mesure plus instantanée de la situation de trésorerie des entreprises est fournie par les enquêtes menées directement auprès des trésoriers d’entreprise par l’AFTE-Rexecode.
Ici les derniers chiffres signalent un quasi-retour à la normale. En juin, il y a pratiquement autant de trésoriers voyant leur situation de trésorerie se dégrader qu’il y en a qui la voient s’améliorer. Cette enquête est effectuée auprès des grandes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui forment le substrat de l’économie française. Pour 83 % d’entre eux, ces trésoriers ne rencontrent pas de difficultés ardues de trésorerie.
Qu’en est-il de l’ensemble de l’industrie sachant qu’il faut tenir compte aussi des petites et moyennes entreprises (PME) ? Une enquête plus récente de la Banque de France montre un solde d’opinions sur la situation de trésorerie dans l’industrie et les services marchands qui retourne vers la normale pré-coronavirus.
De ce point de vue, les PGE ont atteint leur objectif à court terme qui est d’assurer la trésorerie des entreprises mise à mal par un arrêt de l’activité pendant 2 mois. Ce résultat est lié à l’injection massive de liquidité sous impulsion de l’État avec une mise de fonds bien inférieure à ce qui avait été imaginé au départ. Il reste une marge de manœuvre au cas où.
Une sortie de liquidités très limitée
Ce résultat trouve aussi sa source dans la très forte limitation des sorties de liquidité décidées par les entreprises qui ont arrêté ou reporté les programmes d’investissement prévus ou en cours (68 % d’entre elles ont reporté leurs investissements dans l’échantillon AFTE-Rexecode). Le chômage partiel qui s’est traduit par la prise en charge d’une partie des salaires par la Sécurité sociale et l’État est une autre source de financement qui est venue conforter la trésorerie des entreprises.
À court terme, malgré des pertes en ligne, les PGE ont été un succès. Leur objectif est en passe d’être atteint. Ce résultat a été obtenu avec une mobilisation partielle de l’enveloppe prévue. Souhaitons que cette analyse plutôt optimiste soit confirmée et confortée par la reprise de l’activité qui se fait à un rythme particulièrement soutenu.
Se posent néanmoins deux questions en suspens pour l’avenir.
La tentation du système bancaire de promouvoir des PGE en substitution de lignes de crédits existantes est réelle. On a identifié un effet d’aubaine d’environ un quart des montants distribués. Le pire pour l’avenir serait que des crédits de trésorerie, absolument nécessaires à court terme, viennent amputer l’encours des crédits d’équipement qui conditionne l’investissement futur des entreprises. Ce point est à surveiller avec la plus grande attention.
À ce jour, il ne faut pas s’alarmer car les crédits bancaires concernant les investissements en équipement voient leur encours augmenter au rythme soutenu de 7,4 % par an. Enfin, une fois l’épreuve passée, que faire de ces PGE ?
Hubert de La Bruslerie, professeur de Finance, Université Paris Dauphine – PSL
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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