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Flash-back : En 2011, le "Printemps arabe" naît à Sidi Bouzid (Tunisie)

Série spéciale : quels événements ont marqué le secteur sur 25 ans ?


A l’occasion de son 25e anniversaire, TourMaG.com revient tout au long de l’année 2023 sur 25 ans d’histoire du tourisme en France. Et notamment les événements majeurs du secteur qui ont jalonné ce dernier quart de siècle. Aujourd'hui, nous vous proposons un retour en 2011, et plus précisément le 14 janvier, jour où la situation dégénère en Tunisie et où le Président Ben Ali et des membres de sa famille fuient le pays face à l'insurrection. Cette "Révolution de jasmin" deviendra le "Printemps arabe", et impactera lourdement le monde arabe durant toute l’année 2011.


Rédigé par le Vendredi 14 Avril 2023

Les années qui ont suivi la révolution ont été catastrophiques pour le tourisme qui s’appuie sur deux socles : la stabilité politique dans un contexte sécuritaire. Ici, des manifestations après le Printemps arabe - DR : DepositPhotos.com, EnginKorkmaz
Les années qui ont suivi la révolution ont été catastrophiques pour le tourisme qui s’appuie sur deux socles : la stabilité politique dans un contexte sécuritaire. Ici, des manifestations après le Printemps arabe - DR : DepositPhotos.com, EnginKorkmaz
Le 14 janvier 2011 est un jour historique. 

Aux cris de "Ben Ali, dégage !", les Tunisiens défilent par milliers dans leur capitale pour demander le départ du Président au pouvoir depuis 23 ans. Dans la soirée, Ben Ali et sa famille ont pris la fuite pour l’Arabie saoudite.

Tout avait commencé le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, avec l’immolation de Mohamed Bouazizi, un jeune chômeur désespéré.

Cet acte entrainera à travers le pays d’importantes manifestations de solidarité avec ce jeune homme et de contestation contre le régime.

Le "dégage" adressé au Président Ben Ali deviendra le slogan symbole des révolutions arabes.

Les élections qui suivront les mouvements de contestation seront remportées par les partis islamistes et les transitions démocratiques se révéleront impossibles à une exception près et dans un difficile apprentissage, la Tunisie.


La Tunisie, durement touchée par une crise économique et sociale

Le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, petite ville d’une région particulièrement défavorisée, un jeune chômeur, vendeur ambulant de fruits et légumes, se voit confisquer sa marchandise par des policiers.

En réponse à leur attitude brutale et répressive, c’est l’acte désespéré : il s’immole.

En dépit des blocages d’accès, des filtrages, de l’arrestation des bloggeurs contestataires et au-delà de la presse officielle, les réseaux sociaux sont entrés dans la vie quotidienne. L’information circule. Des manifestations de plus en plus importantes vont se déployer à travers le pays.

Après avoir connu une relative prospérité, la Tunisie est durement touchée par une crise économique et sociale. Le chômage atteint un triste record. Le pays est incapable d’absorber l’afflux de ses jeunes diplômés.

Alors la rue va contester et se révolter contre la dictature Ben Ali, contre un manque d’avenir, contre la vie chère, contre la censure, les privilèges, la corruption, les humiliations et la répression policière.

Des milliers de vacanciers rapatriés dans l’urgence

Le 14 janvier 2011, la situation dégénère. Tunis s’embrase. C’est un vrai mouvement insurrectionnel.

Il y aura des victimes et des bâtiments incendiés, pillés, détériorés, tous directement liés aux intérêts de Ben Ali et des membres de sa famille.

La situation change d’heure en heure. A 17 heures, l’état d’urgence est décrété dans toute la Tunisie.

Dans le même temps, le président Ben Ali et sa famille ont pris la fuite. Exfiltrés ils sont dans l’avion qui les mène en Arabie Saoudite. Un couvre-feu est imposé jusqu’à 5 heures du lendemain, 15 janvier.

Les informations du Quai d’Orsay sont alarmistes. Il est recommandé aux ressortissants français de différer tout voyage non urgent.

Les voyagistes français reportent tous leurs départs. En janvier, période de basse saison, le tourisme tunisien ne fait pas le plein.

Néanmoins des milliers de vacanciers sont rapatriés dans l’urgence. Ceux qui restent signent une décharge.

La Tunisie vit un phénomène nouveau

Le 15 janvier au matin, il n’y a plus, nulle part à travers le pays, une seule photo de l’ex-Président Ben Ali !

Parole prémonitoire : à Houmt Souk où je me trouve le matin du 15 janvier, un plagiste détenteur d’un master en informatique gestion me dit : "30% de la jeunesse tunisienne était au chômage. Dans trois jours, ce sera 100% pour tous ceux qui travaillent dans le tourisme".

La fuite de Ben Ali ! L’information qui se répand dans toute la Tunisie est à la fois historique et euphorisante !

La Tunisie vit un phénomène nouveau, acquis en quelques heures : la liberté de s’exprimer, de revendiquer, de manifester.

Au-delà du départ de Ben Ali, le peuple veut l’instauration d’une démocratie et des emplois, un partage des richesses, de meilleures conditions de vie et la dignité.

Après le départ de l’ex-Président et deux gouvernements transitoires, les Tunisiens se mobilisent massivement le 23 octobre 2011 pour élire une Assemblée nationale constituante (ANC). 

Dominée par les islamistes d'Ennahdha (non majoritaire), l'ANC est chargée de rédiger la nouvelle Constitution qui sera adoptée le 26 janvier 2014.

En décembre 2014, le pays élit au suffrage Caïd Essebsi à la Présidence de la République. Quelques semaines après son décès (25 juillet 2019), le 13 octobre, Kaïs Saïed, l’actuel Président est élu avec 72,71% des voix exprimées.

Le Printemps arabe dans le monde arabe

La révolution tunisienne baptisée "Révolution de jasmin" deviendra le "Printemps arabe", qui impactera lourdement le monde arabe durant toute l’année 2011.

Le 25 janvier 2011, la place Tahrir au Caire devient le symbole de la protestation anti-Moubarak. Des milliers d'Egyptiens défilent dans la capitale, mais aussi à Alexandrie et dans de nombreuses autres villes pour réclamer le départ de leur Président, au pouvoir depuis 1981.

Le 11 février 2011, alors que plus d'un million de personnes manifestent à travers l'Egypte, Hosni Moubarak démissionne et remet ses pouvoirs à l'armée, provoquant une explosion de joie. "Le peuple a fait tomber le régime !", scande la foule sur la place Tahrir.

La place Tahrir inspire Bahreïn : le 15 février 2011, la place de la Perle à Manama, la capitale, est rebaptisée par des milliers de manifestants "place Tahrir". Les protestataires réclament une véritable monarchie constitutionnelle et des réformes politiques. 

Mais ce soulèvement est écrasé à la mi-mars après l'entrée de troupes du Golfe, notamment saoudiennes, pour protéger les installations vitales.

Le 15 février toujours, la police disperse par la force un sit-in contre le pouvoir à Benghazi, deuxième ville de Libye, et des affrontements opposent manifestants et forces de l'ordre. Mouammar Kadhafi menace de traquer les rebelles "rue par rue, allée par allée, maison par maison". 

La contestation se transforme en insurrection, sévèrement réprimée, faisant des milliers de morts.

Le 6 mars 2011, une quinzaine d'adolescents gribouillent sur les murs de leur école à Deraa, dans le sud de la Syrie : "Ton tour est arrivé, docteur", apostrophant le président Bachar al-Assad, ophtalmologiste de formation. 

L'arrestation et la torture des adolescents sont à l'origine de la révolte et les premières manifestations pacifiques réclamant des changements démocratiques. Mais face à la répression du régime, le soulèvement tourne à la guerre civile, un conflit qui a fait à ce jour plus de 380 000 morts.

Le 20 octobre 2011, Mouammar Kadhafi qui a gouverné la Libye pendant 42 ans est en fuite depuis la chute de Tripoli aux mains des insurgés. Il sera tué près de Syrte, sa région d'origine.

Dans cette région du monde, les transitions seront suivies par une période particulièrement troublée.

Le tourisme tunisien 12 ans après le "Printemps arabe"

Les années qui ont suivi la révolution ont été catastrophiques pour le tourisme qui s’appuie sur deux socles : la stabilité politique dans un contexte sécuritaire.

La chute de Ben Ali, les révoltes sociales, la guerre en Libye toute proche, des élections donnant la victoire à un parti islamiste ont fortement émoussé la confiance des marchés émetteurs en général, de la France en particulier.

Dans le même temps, la Tunisie dans son apprentissage démocratique, se voulait ouverte à tous les visiteurs. Elle démontrait l’importance qu’occupe le tourisme dans son économie, sa vie sociale.

Aucun touriste (1), aucun édifice lié au tourisme, hôtel, café, restaurant, club de vacances et véhicule n’avait été pris pour cible.

En 2010, l’année précédant la révolution, le tourisme affichait des chiffres records : 10 millions d’habitants accueillaient 7 millions de visiteurs étrangers dont près de 1,4 million de Français, qui représentaient le premier marché émetteur.

Le pays recensait 840 hôtels représentant 240 000 lits. Il générait alors 400 000 emplois qui faisaient vivre directement ou de façon induite un million de personnes.

En 2019, sans avoir encore retrouvé les chiffres « d’avant », le tourisme tunisien était couronné de succès. L’irruption du coronavirus au début du mois de mars 2020 et la crise sanitaire dans le monde qui a suivi a complétement renversé la vapeur et plongé le secteur dans "une crise sans précédent, la plus grave de son histoire" reconnaissait le Ministre du Tourisme Mohamed Belhassine.

Les chiffres 2022 reprenaient des couleurs avec une croissance de trafic de +159% par rapport à 2021, de bon augure pour 2023.

(1) Hors un groupe de chasseurs suédois qui, inconscients de la situation politique, avait été pris pour des membres de la milice Ben Ali !

Retrouvez tous les articles dédiés au 25e anniversaire de TourMaG.com en cliquant sur ce lien.

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