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Les potagers des chefs, incontournable marqueur des hôtels de luxe

un gage de qualité et d'authenticité


Les grands chefs ont donné l'exemple il y a déjà des années. Les grands hôtels accélèrent. Désormais, grandes tables gastronomiques comme établissements de luxe mettent de plus en plus en avant le potager de leur chef. Ce n'est pas forcément rentable, mais c'est un gage de qualité et d'authenticité. Et excellent pour l'image.


Rédigé par le Lundi 22 Juillet 2024

Lors d'une rencontre, il y a neuf ans déjà, avec Mauro Colagreco, chez lui, à Menton, à vingt mètres de la frontière italienne, celui-ci avait vanté longuement son potager qu'il faisait cultiver en permaculture à quelques centaines de mètres de son restaurant, le Mirazur, avec lequel il a obtenu trois étoiles au guide Michelin.

Cet Italo-argentin faisait alors valoir : « Les légumes offrent une variété de texture et de saveurs trop peu exploitées lorsque l'on passe par les circuits d'approvisionnement traditionnels ».

Qu'à l'époque, ce très grand chef -élu meilleur restaurant du monde en 2019 par The World's 50 Best Restaurants - parle, énamouré, de son potager, n'était déjà plus exceptionnel.

Depuis, les établissements de luxe ont accéléré. Le potager maison - bio, le plus souvent- est devenu un marqueur de la scène gastronomique, plus peut-être que les menus dégustation ou les plats signatures.

Lire aussi : Hôtels de luxe et grands chefs, un duo gagnant ?

De fait, on ne compte plus les chefs qui cultivent leurs propres légumes. Et qui le font savoir, bien entendu. Car, en favorisant le storytelling, ces potagers sont des vecteurs de communication, puissants et efficaces.

Du temps où Alain Ducasse supervisait ses cuisines, on avait ainsi découvert que les légumes et les petits fruits produits dans le potager du Hameau de la Reine, à Versailles, atterrissaient au Plaza Athénée, prestigieux palace parisien.

Les gourmets savent aussi que dans les années 1990, à Tours, Jean Bardet, cuisinier doublement étoilé au Michelin, faisait visiter gratuitement son potager, une fois l'an. Sans doute avait-il compris qu'au delà de son rôle nourricier, le potager était porteur d'histoires et d'expériences terriblement inspirantes.

Phénomène d'édition

Un panier de légumes fraîchement cueillis au potager de l'Hostellerie de Levernois (©Kenzae/Hostellerie de Levernois)
Un panier de légumes fraîchement cueillis au potager de l'Hostellerie de Levernois (©Kenzae/Hostellerie de Levernois)
Depuis quelques années, l'engouement pour les potagers a pris une telle ampleur que des livres leur sont consacrés.

"Potagers de chefs ", ouvrage publié aux éditions Rustica proposait, en 2019, un véritable tour de France de ces potagers.

Si Alain Passard (restaurant Arpège à Paris) était sans doute le plus emblématique des grands chefs connus pour leur gastronomie végétale et leur passion des potagers (il s'est lancé dès 2002), ce livre confirmait que le phénomène n'était pas exclusivement parisien.

"Potagers de chefs" mettait en effet en avant des chefs oeuvrant dans les diverses régions français, une partie d'entre eux étant assez peu connus du grand public, d'autres étant indiscutablement très connus, comme Michel Guérard.

Trois étoiles avec "Les Prés d'Amélie" à Eugénie-les-Bains (Landes), il confiait, pour l'occasion : «Chaque matin, une équipe de sept jardiniers reçoit notre liste. Cette commande vient compléter l'approvisionnement en légumes et en plantes aromatiques biologiques assuré par notre maraîcher. Nous avons la chance de bénéficier d'un climat tempéré favorable aux cultures.»

La même année, le livre "Jardins de chefs : histoires et recettes de la graine à l'assiette" (Ed. Phaidon) plongeait au cœur de 40 potagers de restaurants à travers le monde. Et montrait que cette passion des chefs pour leur jardin était bel et bien un phénomène international.

Dès les années 1970, l'Oustau de Baumanière

Le potager de l'Oustau de Baumanière, un concentré des saveurs des Alpilles (©VirginieOvessian/Baumanière)
Le potager de l'Oustau de Baumanière, un concentré des saveurs des Alpilles (©VirginieOvessian/Baumanière)
L'Oustau de Baumanière, hôtel 5 étoiles et table gastronomique d'exception (3 étoiles au Michelin), installé au pied du village des Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône), fait partie des tous premiers grands restaurants français à avoir développé leur propre potager.

C'était au début des années 70. Très vite, les haricots verts filiformes contribuèrent à la réputation de l'établissement. Tout comme les petits pois du jardin servis à Elisabeth II, reine d'Angleterre, en 1972 ! Des exemples qui disent aussi le niveau d'excellence recherché.

Plus tard, en 1987, au retour d'un séjour en Inde où il avait apprécié les repas sans viande ni poisson qui lui avaient été servis, Jean-André Charial, l'actuel propriétaire de l'Oustau de Baumanière, avait créé une formule 100% légumes.

Avec cette innovation, son intérêt pour le potager s'en était trouvé décuplé. D'autant plus que, dans le même temps, les attentes des clients allaient croissants. A ceux qui l'interrogeaient, Jean-André Charial répondait volontiers qu'il ne cherchait pas à être autosuffisant et qu'il se moquait bien du coût de ce qu'il produisait.

"Une source d'inspiration" pour les chefs

Le potager, une source d'inspiration du Glen Viel, le chef de l'Oustau de Baumanière (©VirginieOvessian/Baumanière)
Le potager, une source d'inspiration du Glen Viel, le chef de l'Oustau de Baumanière (©VirginieOvessian/Baumanière)
De fait, aux Baux-de-Provence comme ailleurs, ces potagers s'inscrivent dans la tendance contemporaine au retour vers la nature et vers le naturel.

D'ailleurs, non content de poursuivre le mouvement lancé, le nouveau chef de l'Oustau de Baumanière, Glenn Viel, l'a accéléré, depuis son arrivée en 2015.

L'établissement qui compte désormais deux potagers, a donc agrandi le second, juste avant le Covid.

S'ils approvisionnent en partie le restaurant, si ce dernier sert toujours une décoction d'herbes maison pour conclure un repas -tout un symbole !-, l'Oustau de Baumanière propose aussi, depuis deux ans, dans la chocolaterie ouverte en face du restaurant, de surprenants bonbons, « Les Cigales », gourmandises pralinées fourrées aux aromatiques du potager : basilic, thym, fenouil sauvage, romarin, lavande, sarriette.

D'évidence, ce potager se veut un lien avec la nature des Alpilles dans laquelle il est établi. D'évidence aussi, ici, comme dans tous les établissements qui ont un jardin nourricier, la haute gastronomie s'incarne de plus en plus dans le terroir.

Rien de bien nouveau, nuance-t-on cependant à l'Oustau de Baumanière : "déjà, à l'époque du grand-père de Jean-André Charial, nos cuisines s'appuyaient sur les saisons et sur le local".

Et d'insister : "Aujourd'hui, plus que jamais, le potager est une source d'inspiration pour notre chef".

Les potagers des chefs : "Préserver le vivant"

Philippe Augé, chef de l'Hostellerie de Levernois en train de dresser une assiette de Homard bleu crispy, courgette blanche et pistou gênois (©Christophe Fouquin/Hostellerie de Levernois)
Philippe Augé, chef de l'Hostellerie de Levernois en train de dresser une assiette de Homard bleu crispy, courgette blanche et pistou gênois (©Christophe Fouquin/Hostellerie de Levernois)
Voilà une déclaration que ne renierait pas l'Hostellerie de Levernois. Ce cinq étoiles installé aux portes de Beaune (Côte d'Or), n'est en effet pas en reste.

L'établissement qui se dit soucieux de promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement, dispose d'un potager bio de 3500m², gouverné selon les principes de la permaculture et de la biodynamie. Il dispose aussi d'un verger conservatoire.

Et il estime que son approche holistique de la culture favorise la durabilité en préservant l'équilibre naturel du sol, tout en minimisant l'impact sur l'écosystème.

Son jardinier veille, par exemple, à faire cohabiter certaines plantes avec d'autres pour renforcer leurs défenses naturelles et, in fine, obtenir de meilleurs rendements. Il utilise aussi des coccinelles pour combattre des larves prédatrices des cultures.

"C'est important pour nous de b[préserver le vivant", insiste Alex Nérin, le directeur général de l'Hostellerie de Levernois

Le jardinier maison, Baptiste Courcet, cultive donc, à plein temps, quelque 200 variétés de légumes, d'arbres fruitiers et d’herbes aromatiques : carottes rondes de Paris, courgettes, citrouille, variétés anciennes de fraises et de tomates...

Toute la production est utilisée dans les deux restaurants de l'Hostellerie.

En 2023, ce potager a produit plus de 2 tonnes de fruits et légumes. Six à sept tonnes sont attendues cette année. "Nous ne cherchons pas à être autosuffisant", précise cependant Alex Nérin. D'une part, nous souhaitons aussi soutenir les producteurs locaux avec lesquels nous travaillons en synergie. D'autre part, il y a des fruits, les myrtilles par exemple, que nous ne pourrions de toute façon pas produire nous-mêmes, nos sols ne convenant pas".

En revanche, poursuit Alex Nérin, "nous cultivons des choses un peu spéciales, nous avons par exemple une collection de poivriers. L'an prochain, nous devrions faire notre première récolte de mangues". Des mangues en Bourgogne ? "Oui, rétorque-t-il, il y a des variétés qui peuvent pousser sous nos lattitudes".

Très important aussi : dès qu'ils sont à mâturité, les fruits ou les légumes sont cueillis sans attendre. Cela leur assure une fraîcheur et une qualité optimales, un goût différend de ceux qui viennent du commerce. Utilisées aussitôt cueillis dans la préparation des menus gastronomiques, ils conservent toute leur saveur".

"Proposer le meilleur" dans les hôtels de luxe

L'assiette finale réalisée par Philippe Augé avec courgettes, fleurs de courgettes, premières tomates et aromates du potager (©Christophe Fouquin/Hostellerie de Levernois)
L'assiette finale réalisée par Philippe Augé avec courgettes, fleurs de courgettes, premières tomates et aromates du potager (©Christophe Fouquin/Hostellerie de Levernois)
Les menus sont-ils décidés en fonction des récoltes au potager ? Axel Nérin évoque une "étroite collaboration" et même une "co-construction" entre Baptiste Courcet, le maraîcher maison, et le chef, Philippe Augé.

"Leurs échanges quotidiens visent à garantir que les produits du potager puissent être pleinement exploités en cuisine, et que les ingrédients des plats imaginés par nos chefs -cuisinier et pâtissier- puissent être produits sur place lorsque cela est possible", souligne Axel Nérin.

Si les deux hommes ne cessent de dialoguer, d'échanger, tout au long de l'année, ils le font tout particulièrement dès le début de la saison, afin de créer une trame sur l’année et d'adapter les commandes auprès des fournisseurs.

A l'arrivée, avoir son potager maison, est-ce rentable ? Il y a quelques années, sur le site spécialisé Atabula, le restaurant Bras à Laguiole estimait par exemple le coût de ses jardins entre 100 000 et 150 000 € par an.

Lire aussi : Christophe Hay : hôtelier cinq étoiles, chef étoilé et... paysan !

La rentabilité, au strict sens financier, cela ne semble pas être la préoccupation principale, d'Axel Nérin. "Nous avons acheté des terres supplémentaires pour agrandir le potager. Nous voulons produire des fruits et des légumes dans les plus belles qualités". "Notre objectif, conclut-il, c'est de proposer le meilleur".

Une profession de foi que ne renierait certainement pas toutes les belles Maisons cultivant désormais leurs légumes.

PAULA BOYER Publié par Paula Boyer Responsable rubrique LuxuryTravelMaG - TourMaG.com
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Tags : luxe
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