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Une fois de plus l’Europe et la France remettent à plus tard "le Tourisme Spatial"

la chronique de Michel Messager


Malgré les milliards annoncés lors du Conseil de l’ESA, l'Europe prend du retard en matière de conquête spatiale. Michel Messager, notre expert du tourisme spatial nous livre son analyse.


Rédigé par le Mercredi 30 Novembre 2022

Si l’augmentation de budget est bien de 17%, il faut pourtant relativiser celle-ci compte tenu de l’inflation actuelle et le fait surtout que ce budget est bien en dessous de l’objectif que s’était fixé l’ESA - DR ESA
Si l’augmentation de budget est bien de 17%, il faut pourtant relativiser celle-ci compte tenu de l’inflation actuelle et le fait surtout que ce budget est bien en dessous de l’objectif que s’était fixé l’ESA - DR ESA
A l’issue du Conseil de l’ESA réunissant les ministres responsables de l’Espace, qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 novembre 2022, Josef Aschbacher, le directeur général de l’ESA, a annoncé, après de longues négociations que : « les États membres de l’ESA ont décidé d’octroyer à l’agence un budget de 16,9 milliards d’euros sur trois ans. Je suis très impressionné par ce chiffre, c’est une augmentation significative par rapport à la réunion ministérielle de 2019. »

Faut-il pour autant crier victoire comme le font les gouvernants au travers les médias et ce budget va-t-il en ce domaine pouvoir réduire l’écart de la France et l’Europe par rapport aux USA, la Chine voire la Russie… On peut sérieusement en douter si on en fait une analyse approfondie.

1° - Si l’augmentation de budget est bien de 17%, il faut pourtant relativiser celle-ci compte tenu de l’inflation actuelle et le fait surtout que ce budget est bien en dessous de l’objectif que s’était fixé l’ESA, à savoir 18,8 milliards d’euros, soit un delta d’environ deux milliards d’euros !


Aucun investissement digne de ce nom n’est prévu pour un programme de vol habité européen

2° - Alors qu’il avait été proposé par l’ESA, le CNES ainsi que par plusieurs industriels, il n’est prévu aucun investissement digne de ce nom pour un programme de vol habité européen.

Cela va dans la ligne du Président Macron qui au sommet spatial européen de février à Toulouse avait renvoyé ce sujet au prochain sommet spatial européen prévu fin 2023. Dans le cas où l’on s’orienterait enfin vers une politique de vols habités, les fonds ne seraient pas débloqués au mieux avant 2025 !

Ce qui veut dire, compte tenu que le développement d’une capsule habitée et l’adaptation d’Ariane 6 au vol habité prendra de 5 à 10 ans, une autonomie de l’Europe en matière de vol habité n’aura lieu pas avant la prochaine décennie !!!

Pendant ce temps-là concurrence avance… et vite !

3° - Pendant ce temps-là concurrence avance… et vite ! Les Etats Unis avec le programme Artemis et la capsule Starliner de Boeing ou la capsule Crew Dragon de SpaceX.

La Chine avec son lanceur "Longue Marche 2F", sa capsule habitée Shenzhou et sa station spatiale dont la construction se termine.

La Russie, qui peut toujours compter sur ses Soyouz pour le transport de ses astronautes et prévoit pour 2026/2028, de mettre en orbite sa station spatiale "ROSS". Tout ceci aggrave inévitablement le retard entre l’Europe et ces puissances.

Et, si l’on veut enfoncer un peu plus le clou, rappelons que l’agence spatiale indienne, l’ISRO, prévoit pour 2024 le premier vol habité à bord du vaisseau spatial Gaganyaan, mis en orbite par le lanceur lourd GSLV Mk...

En repoussant sans cesse les vols habités, les européens ne rattraperons pas leur retard par rapport à leurs principaux concurrents, mais risquent au contraire de le creuser.

4° - L’Europe du fait de son type de son fonctionnement, reste toujours à la porte du "New Space".
Telle que l’Europe spatiale fonctionne avec de multiples administrations, on est encore loin du New Space et de la privatisation de l'espace par de nouveaux acteurs.

Quand on lit qu’entre 2017 et 2021, les investissements privés dans le secteur spatial ont augmenté de 86% dans le monde, à plus de 12 milliards d'euros, quand en Europe, ils n'ont progressé que de 14%, on reste perplexe…

Ce n’est pas la déclaration du ministre français de l'Économie Bruno Le Maire, chargé du spatial à l’issue du Conseil de l’ESA qui va nous rassurer quand il déclare : « Si nous voulons être indépendants, nous devons mettre de l'argent sur la table et j’appelle donc l'Europe à faire bloc face aux ambitions chinoises et américaines ».

On voit bien que la voie choisie ne nous permettra pas de rattraper notre retard. Il ne faut pas se le cacher, les dépenses « publiques » ont leurs limites (principes idéologiques, politiques…) et souvent elles sont moins efficaces que la dépense privée car l’investisseur y fait plus attention, compte tenu que c’est de son argent qu’il s’agit !

Pour exister sur la scène internationale, le vol habité est primordial

Il faut donc raison garder et ne pas trop s’enthousiasmer par ces effets d’annonce.

Malgré les déclarations tonitruantes du Commissaire Thierry Breton, la France et l’Europe ne font plus partie du trio de tête de l’industrie spatiale. Un seul exemple : en 2022, 60 lancements des fusées Falcon de SpaceX, contre… 2 lancements d'Ariane.

Pour 2023, année où Ariane 5 prendra sa retraite sans que l’on sache quand aura lieu le prochain lancement d’Ariane 6, les Américains procéderont à là plus de 100 lancements pour cette période !!

L’analyse situationnelle de l’industrie spatiale européenne, nous montre bien que le tourisme spatial ne sera pas l’apanage des Européens et qu’il faudra toujours voyager américain, chinois, russe, voire indien….

Une problématique très bien résumée par Philippe Baptiste, PDG du CNES cité par Challenges.

« Est-ce qu’on peut concevoir une Europe du spatial sans cette capacité d’accès de nos astronautes à des capacités de vol habité ? C’est une question de rayonnement européen. Toutes les capacités techniques, nous les avons en Europe. C’est une question de volonté politique ».

Il est clair que pour exister sur la scène internationale, le vol habité est primordial. Même si l’exploration spatiale peut se faire par l’intermédiaire de vols robotiques, ce ne peut-être qu’à défaut de mieux. La robotique, cela a maintes fois été prouvé, est d’autant plus efficace qu’elle a une présence humaine à ses côtés.

Si l’Europe continue ainsi à négliger cette voie du vol habité et l’ouverture de l’espace au privé, elle sera condamnée éternellement à jouer les seconds rôles et pourrait le payer très cher dans un avenir proche.


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