Il aurait fallu être à Saint-Antoine-l’Abbaye quelques siècles plus tôt, lorsque les lépreux se bousculaient au village et remerciaient la Providence d’une guérison miraculeuse.
Certains faisaient alors don de leurs membres amputés, suspendus en ex-voto dans l’abbatiale du village. Charmant…
On a peu idée aujourd’hui de ce que fut la « folie » Saint-Antoine.
Ce village paisible d’à peine 1 000 habitants, posé sur les premiers coteaux de l’Isère, près de Saint-Marcellin, draina du 12e siècle à la Révolution française, des tombereaux de malades.
Tous persuadés que Saint-Antoine l’Egyptien, dont un seigneur local avait rapporté des ossements-reliques d’Orient, au 11e s., pourrait mettre un terme à leurs souffrances. La légende était en marche.
Certains faisaient alors don de leurs membres amputés, suspendus en ex-voto dans l’abbatiale du village. Charmant…
On a peu idée aujourd’hui de ce que fut la « folie » Saint-Antoine.
Ce village paisible d’à peine 1 000 habitants, posé sur les premiers coteaux de l’Isère, près de Saint-Marcellin, draina du 12e siècle à la Révolution française, des tombereaux de malades.
Tous persuadés que Saint-Antoine l’Egyptien, dont un seigneur local avait rapporté des ossements-reliques d’Orient, au 11e s., pourrait mettre un terme à leurs souffrances. La légende était en marche.
Un hôpital des Démembrés
Elle se concrétisa par la construction d’une église abbatiale et d’une abbaye, dont l’importance parait démesurée à l’aune de la taille actuelle du village.
Au 12e s., la construction des bâtiments fut entamée par les moines de l’abbaye de Montmajour, avant d’être poursuivie par la confrérie des Frères de la Maison de l’Aumône, constituée pour gérer l’afflux de malades.
Une confrérie tellement en vue que le Pape Boniface VIII l’éleva en 1297 au rang d’Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine.
Hôpital des Démembrés (on savait ce qui attendait les admis), cloître, grandes écuries, jardins, maison abbatiale, bâtiment des étrangers, porterie, trésors reliquaires… Au fil des siècles, toute la vie à Saint-Antoine s’organisa autour de l’Ordre, qui essaima en Europe jusqu’à posséder 400 commanderies, au début du 16e s. !
Les destructions liées aux guerres de religions, la disparition progressive de la lèpre et du mal des ardents, puis la Révolution française, sonnèrent le glas des Hospitaliers.
Au 12e s., la construction des bâtiments fut entamée par les moines de l’abbaye de Montmajour, avant d’être poursuivie par la confrérie des Frères de la Maison de l’Aumône, constituée pour gérer l’afflux de malades.
Une confrérie tellement en vue que le Pape Boniface VIII l’éleva en 1297 au rang d’Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine.
Hôpital des Démembrés (on savait ce qui attendait les admis), cloître, grandes écuries, jardins, maison abbatiale, bâtiment des étrangers, porterie, trésors reliquaires… Au fil des siècles, toute la vie à Saint-Antoine s’organisa autour de l’Ordre, qui essaima en Europe jusqu’à posséder 400 commanderies, au début du 16e s. !
Les destructions liées aux guerres de religions, la disparition progressive de la lèpre et du mal des ardents, puis la Révolution française, sonnèrent le glas des Hospitaliers.
400 commanderies en Europe au début du 16e s. !
Avec son large fronton gothique, ses 17 chapelles intérieures et ses trésors reliquaires - remarquables - l’abbatiale dit tout de la puissance de l’Ordre. Au point d’attirer aujourd’hui des adeptes d’ésotérisme.
La visite du musée de Saint-Antoine-l’Abbaye (dans le couvent), ainsi que celle du bourg, confirme cette opulence passée.
Sorti du « secteur religieux », dont l’entrée est marquée par la porterie (la mairie se trouve juste au dessus), le village se structure en trois quartiers d’origine sociale différente.
Au plus près des anciens chanoines, le Bourg-Haut et ses maisons nobles médiévales. En contrebas, le Bourg-Bas, artisan et marchand, relié au premier par d’étroits passages sous voûtes, pavés de gros galets, les goulets (du Quinquin, du Chapeau Rouge, de la Symeise…). Sur les berges du Lyotan, au pied de l’abbatiale, le Faubourg, quartier populaire aux maisons de torchis et de bois.
Nous sommes en 2017, les Antonins sont partis depuis longtemps mais il semble que les murs suintent encore l’esprit de la confrérie.
La visite du musée de Saint-Antoine-l’Abbaye (dans le couvent), ainsi que celle du bourg, confirme cette opulence passée.
Sorti du « secteur religieux », dont l’entrée est marquée par la porterie (la mairie se trouve juste au dessus), le village se structure en trois quartiers d’origine sociale différente.
Au plus près des anciens chanoines, le Bourg-Haut et ses maisons nobles médiévales. En contrebas, le Bourg-Bas, artisan et marchand, relié au premier par d’étroits passages sous voûtes, pavés de gros galets, les goulets (du Quinquin, du Chapeau Rouge, de la Symeise…). Sur les berges du Lyotan, au pied de l’abbatiale, le Faubourg, quartier populaire aux maisons de torchis et de bois.
Nous sommes en 2017, les Antonins sont partis depuis longtemps mais il semble que les murs suintent encore l’esprit de la confrérie.
Noyeraies ombragées
La campagne alentour est un bonheur pour qui aime la France des interstices.
Une campagne coincée entre Grenoble et la Drôme, peu touristique et rarement dans l’œil du cyclone médiatique. Mais à l’identité paysagère affirmée.
On veut parler du plateau de Chambaran et de ses coteaux, dévalant en bosses et en creux vers l’Isère.
Au sud-est, les pentes sont la terre d’élection des noyeraies. Les petites routes désertes longent ces parcelles ombragées, arbres alignés sur pelouses bien peignées.
C’est l’un des cœurs de l’appellation « Noix de Grenoble ».
Livrés au grand air de la vallée, ou bien tapis au fond de combes, les noyers regardent les grandes falaises du Vercors ou les sombres taillis de feuillus.
Entre eux, des villages microscopiques et anonymes, Dionay, Bessins, Saint-Appolinard, Chasselay, des maisons de galets roulés, des fermes isolées aux abords peu ordonnés, des séchoirs à noix, quelques champs gras de céréales, des pâturages et du petit patrimoine.
Ainsi de la chapelle à clocher-mur Saint-Jean-le-Fromental, à Dionay, encore un vestige des Antonins.
Deux points de vue symbolisent ce paysage de versants ouvert sur le Vercors, la Chartreuse et le Royanais : depuis le château du Gollard, à Chevrières, et au col de Toutes Aures (628 m).
Une campagne coincée entre Grenoble et la Drôme, peu touristique et rarement dans l’œil du cyclone médiatique. Mais à l’identité paysagère affirmée.
On veut parler du plateau de Chambaran et de ses coteaux, dévalant en bosses et en creux vers l’Isère.
Au sud-est, les pentes sont la terre d’élection des noyeraies. Les petites routes désertes longent ces parcelles ombragées, arbres alignés sur pelouses bien peignées.
C’est l’un des cœurs de l’appellation « Noix de Grenoble ».
Livrés au grand air de la vallée, ou bien tapis au fond de combes, les noyers regardent les grandes falaises du Vercors ou les sombres taillis de feuillus.
Entre eux, des villages microscopiques et anonymes, Dionay, Bessins, Saint-Appolinard, Chasselay, des maisons de galets roulés, des fermes isolées aux abords peu ordonnés, des séchoirs à noix, quelques champs gras de céréales, des pâturages et du petit patrimoine.
Ainsi de la chapelle à clocher-mur Saint-Jean-le-Fromental, à Dionay, encore un vestige des Antonins.
Deux points de vue symbolisent ce paysage de versants ouvert sur le Vercors, la Chartreuse et le Royanais : depuis le château du Gollard, à Chevrières, et au col de Toutes Aures (628 m).
Forêt et… maquettes de super-tankers
Quant au plateau, conquis par les moines, c’est le royaume de la forêt.
On y accède idéalement par l’ondulante D20G, depuis Chevrières jusqu’à Roybon. 12 km pour grimper des champs de noyers aux sous-bois denses de châtaigniers, de bouleaux et de charmes.
Idéale pour la randonnée, la forêt de Chambaran est nimbée de mystère. On y découvre des étangs de pêche (Essarts, Bressieux), des tourbières, des chemins rectilignes sablonneux, dans un monde de silence. Même à 600 m, les hivers sont froids. Ça n’empêche pas le gibier d’être à l’aise, ni… les marins de ports du monde entier de venir s’entraîner.
Au plus profond de la forêt, dans le centre de formation Artelia, à Port-Revel (près de Roybon), des maquettes de super-tankers naviguent en effet sur un étang, téléguidées par des stagiaires.
Les pilotes indonésiens ou brésiliens ne sont pas les derniers surpris de devoir s’astreindre à ces manœuvres sur les répliques des géants des mers, dans ce no man’s land forestier, si loin de tout océan !
C’est sans doute le symbole de ce « pays » méconnu, à l’Histoire ancienne et toujours caché au grand public.
On y accède idéalement par l’ondulante D20G, depuis Chevrières jusqu’à Roybon. 12 km pour grimper des champs de noyers aux sous-bois denses de châtaigniers, de bouleaux et de charmes.
Idéale pour la randonnée, la forêt de Chambaran est nimbée de mystère. On y découvre des étangs de pêche (Essarts, Bressieux), des tourbières, des chemins rectilignes sablonneux, dans un monde de silence. Même à 600 m, les hivers sont froids. Ça n’empêche pas le gibier d’être à l’aise, ni… les marins de ports du monde entier de venir s’entraîner.
Au plus profond de la forêt, dans le centre de formation Artelia, à Port-Revel (près de Roybon), des maquettes de super-tankers naviguent en effet sur un étang, téléguidées par des stagiaires.
Les pilotes indonésiens ou brésiliens ne sont pas les derniers surpris de devoir s’astreindre à ces manœuvres sur les répliques des géants des mers, dans ce no man’s land forestier, si loin de tout océan !
C’est sans doute le symbole de ce « pays » méconnu, à l’Histoire ancienne et toujours caché au grand public.