Road trip en Aveyron : 4 étapes entre viaduc, art et savoir-faire artisanal

Les automobilistes qui partent pour un road trip en Aveyron, franchissant à 110 km/h le viaduc de Millau devraient lever le pied. Ils verraient alors, en se penchant un peu, le beau village de Peyre. Plaqué au pied d’une falaise au dessus du Tarn, ce bourg classé parmi « Les Plus Beaux Villages de France » déploie en arc de cercle ses maisons de calcaire beige, dont certaines sont troglodytes, à l’instar de son église. C’est l’un des paradoxes de l’Aveyron.

Ce grand département occitan a toujours cultivé une image rurale et agricole.

Depuis 10 ans, il est devenu une terre que l’on visite aussi pour l’art : architectural, avec l’iconique viaduc ; pictural, avec le musée Soulages de Rodez ; et même artisanal, avec le coup de projecteur sur la ganterie de luxe de Millau, à l’occasion des 100 ans de la fabrique Fabre.

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Véritable prouesse design signée du britannique Norman Foster, le viaduc jette depuis 20 ans son tablier blanc à haubans au dessus de la vallée du Tarn.

Le « Site du viaduc de Millau », aire d’autoroute permettant d’admirer l’ouvrage et de connaitre son histoire (avec exposition multimédia), est devenue une attraction touristique, avec 800 000 visiteurs chaque année.

Parmi eux, des Français et des Européens mais aussi des Coréens, des Japonais, des Indiens, pour qui le viaduc devient une étape d’un voyage en France. Des visites guidées amènent le public au plus près l’ouvrage et même à pénétrer dans une pile du pont.

Il faut prolonger l’arrêt à Millau. Ville populaire engoncée dans la vallée du Tarn, elle entretient son histoire de capitale française de la ganterie autour d’un joli centre ancien maillé de rues médiévales.

Florissant à la fin du 19ème s. quand la cité comptait jusqu’à 70 ganteries, cet artisanat est entretenu par cinq fabriques. L’une, Causse, appartient au groupe Chanel. Une autre, Fabre, reste indépendante et a fêté ses 100 ans en 2024.

La visite de l’atelier dévoile un savoir-faire encore très artisanal. Peaux d’agneaux tannées et teintes découpées au ciseau et mises en forme à la main, ouvrières cousant les coutures sur de vénérables machines de « piqué anglais »…

Cette expertise permet à Fabre de vendre ses modèles haut de gamme jusqu’en Asie. L’entreprise milite aussi pour que la ganterie de Millau soit inscrite au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO.

Si le viaduc a détourné le trafic automobile de la ville, il lui a paradoxalement redonné un élan. La ganterie fait recette, certains restaurants tournent à plein régime et de belles initiatives sont nées, à l’image de la transformation en boutique-hôtel arty de l’ancien couvent de la Salette.

Autour de Millau et jusqu’à Rodez, principale ville de l’Aveyron, les paysages révèlent leur profonde ruralité, scandée de villages remarquables. On s’arrêtera à Séverac-le-Château.

De ruelles empierrées en passages sous voûtes, le vieux bourg livre un authentique patrimoine médiéval, illustré par la Maison des Consuls et celle de Jeanne, l’une des plus anciennes maisons du sud-ouest (13ème s.).

On prendra aussi le chemin de la vallée du Lot, au nord, pour rallier deux bourgs au charme irrésistible : Saint-Geniez d’Olt et Sainte-Eulalie d’Olt. Après avoir traversé un décor vert et vallonné ponctué de rares fermes, le premier, « Petite Cité de Caractère », aligne ses maisons de part et d’autre de la rivière, se rappelant son passé de cité drapière. Comme Peyre, le second est aussi classé parmi « Les Plus Beaux Villages de France » - le département en compte dix !

Sur la rive gauche du Lot, il dévoile le charme qu’ont tant de bourgs français : un site paisible au bord de l’eau ; un château ; des demeures médiévales et Renaissance restaurées ; de vieilles portes en bois et des escaliers usés ; et une pléiade de petites boutiques d’art et d’artisanat.

Reste à filer à Rodez. Ce petit centre économique possédait déjà un cœur de ville attrayant.

Autour de sa cathédrale Notre-Dame, totem de grès rose élégant, la cité se pare de placettes et de ruelles bordées de maisons médiévales et d’hôtels particuliers du 15ème au 18ème s., témoins de fortunes marchandes.

Au musée Fenaille, on ira voir l’étonnante collection de statues-menhirs gravées, héritage local et mystérieux d’un art du néolithique.

Sans conteste, le musée Soulages est toutefois devenu depuis 10 ans la locomotive de la ville. Plus que toute publication des œuvres du peintre sur papier glacé, le lieu raconte le pouvoir du noir à exalter la lumière, selon l’heure à laquelle on regarde les tableaux, l’angle et même la saison – certaines salles du musée sont éclairées par de grandes baies vitrées.

Décédé en 2022, l’aveyronnais Pierre Soulages est l’un des rares artistes au monde à avoir bénéficié d’un musée à son nom de son vivant. Inauguré en 2014 dans son enveloppe d’acier corten design, il faut y aller pour comprendre l’exigence de cet artiste maître de l’outrenoir, laissant à chacun le soin de voir ce que son imagination lui dictait.

C’est l’occasion, aussi, de pousser jusqu’à Conques, autre bijou aveyronnais, dont l’abbatiale est habillée de vitraux de Soulages. Deux exemples de la nouvelle influence arty de ce département historiquement rural.