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Alain Capestan (Voyageurs du Monde) : "La levée de fonds est destinée au développement international et non au financement de la crise sanitaire"

l'interview du Directeur général associé du Groupe Voyageurs du Monde


La levée de fonds record (130 Mie) du Groupe Voyageurs du Monde, a surpris l'industrie. Le secteur sinistré, qui peine à financer sa relance, a du mal à se projeter. Fort de son matelas de 40 millions de cash, Voyageurs, lui, regarde déjà vers l'avenir et affûte sa stratégie de croissance externe pour devenir un Groupe international de référence. Alain Capestan s'est confié à TourMaG.com.


Rédigé par le Jeudi 11 Mars 2021

"Des fonds qui investissent une somme pareille dans un métier parmi les plus sinistrés par la crise sanitaire, cela envoie plutôt un message positif sur le potentiel de sortie de crise de notre activité..." /crédit DR
"Des fonds qui investissent une somme pareille dans un métier parmi les plus sinistrés par la crise sanitaire, cela envoie plutôt un message positif sur le potentiel de sortie de crise de notre activité..." /crédit DR
TourMaG.com - Quelle est la situation financière du Groupe Voyageurs dans le cadre de la crise qui a mis à genoux l’industrie du tourisme ?

Alain Capestan
: "Le Groupe est fortement impacté du point de vue des réservations comme l’ensemble de la profession.

2020 sera en baisse de 76% (118M€ contre 487 M€) avec un premier trimestre presque normal en départs et malgré une activité fin 2019 et début 2020 qui était en forte progression.

Pour 2020, malgré les économies réalisées et les aides gouvernementales la perte sera de l’ordre de 13 à 14 M€ en EBITDA contre un gain de près de 34 M€ en 2019.

Le Groupe ayant constitué d’importantes réserves accumulées depuis des années ( plus de 40 M€ de résultats accumulés et non distribués en dividendes), est en mesure de financer tant le déficit de 2020 que celui qui pourrait arriver en 2021, si les conditions sanitaires ou les restrictions de déplacement ne permettaient pas une reprise des voyages durant l’été.

Nous avons le privilège d’être dans une situation financière robuste, indépendamment de la levée de fonds."

TourMaG.com - Avez-vous mis en place un PSE ou constaté des départs spontanés du personnel depuis le début de la crise ?

Alain Capestan
: "Nous n’avons pas réalisé de PSE et nous n’avons aucunement l’intention de réduire les effectifs.

Dans la mesure où nos ressources nous le permettent , nous avons fait le choix de préserver toutes les forces vives des différentes sociétés du groupe pour tirer le meilleur parti de la reprise de l’activité.

Nous déplorons quelques départs volontaires ( très peu) et qui correspondent soit à des réorientations professionnelles soit à la lassitude de certains salariés confrontés, malheureusement, à la baisse de leur activité."

TourMaG.com - Quel était l’état des réservations l’année dernière à la fin de l’exercice et quelle est la tendance actuelle ?

Alain Capestan
: "Nous avions fin 2020 un volume de voyages reportés sur 2021 correspondant environ à 30% de notre volume 2019 , soit plus de 150 M€ dont 40% réinscrits. Ce chiffre a peu évolué , les inscriptions additionnelles ayant été compensées par les annulations de départs du 1er trimestre.

Perte de 13 à 14 M€ en EBITDA contre un gain de 34 M€ en 2019

Les clients restent en veille et si nous sentons que les flux progressent ( consultations des sites et appels téléphoniques) , les réservations ne sont pas encore au rendez vous, mais cela viendra."

TourMaG.com - Vous aviez déjà emprunté 17 millions d’euros auprès de BPI France pour traverser la crise en juillet dernier. Vous disiez disposer d'"une structure financière très solide” et là vous allez lever 130 millions d’euros. Est-ce une opération défensive ou offensive ?

Alain Capestan
: "Nous n’avons pas emprunté 17 M€ a la BPI. Nous avons fait entrer la BPI au capital de la holding du groupe ( c’est une société différente de Voyageurs du monde).

La levée de fonds actuelle concerne Voyageurs du monde et est destinée au développement international et non au financement de la crise sanitaire. C’est donc plutôt une opération offensive pour reprendre votre expression.

En clair, nous avons vite compris avec mes associés et amis que les réserves que nous destinions à notre internationalisation allaient financer les déficits liés à la Covid.

Nous avons donc été confronté à l’alternative suivante : soit différer dans le temps notre développement , soit maintenir nos projets et trouver les financements adéquats. C’est la seconde option que nous avons choisi pour le pas pénaliser le développement du groupe."

TourMaG.com - Ce montage financier très sophistiqué ne risque-t-il pas, à terme, de faire perdre le contrôle de la société aux fondateurs, si la feuille de route venait à connaître des ratés ?

Alain Capestan
: "Non, le contrôle du Groupe n’est aucunement lié au succès de notre développement comme cela peut être le cas de certains montages intégrant des instruments permettant de faire basculer la gouvernance. Ce n’est absolument pas le cas chez nous.

Le montage semble complexe essentiellement parce que nous sommes côtés en Bourse, et que nous avons cherché un moyen de financement attractif ( les obligations convertibles, qui sont équivalentes à une augmentation de capital mais avec un différé temporel et une rémunération un peu plus attractive), mais en fait il est simple et la gouvernance n’est pas modifiable."

Aller chercher des relais de croissance à l’international

TourMaG.com - L’objectif et vos ambitions sont clairement affichés : vous voulez passer au stade supérieur et devenir un acteur international (mondial ?) du voyage dans les segments qui sont les vôtres. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Alain Capestan
: "C’est tout à fait cela. Nos segments de marché, voyages sur mesure et voyages d’aventure sont « des niches » comparé aux autres activités à fort volume du tourisme. Nous avons acquis en France des positions fortes en terme de parts de marché.

C’est juste un mouvement naturel pour nous d’aller chercher des relais de croissance à l’international, dans la mesure où ne voulons pas changer de métier.

Nous avons acquis avec le temps certaines compétences et des savoirs faire sur ces 2 segments particuliers et savons qu’ils progressent eux même en part relative, dans le marché global du voyage.

Nous n’avons aucune prétention sur les segments du marché qui ne sont pas les nôtres, et cela nous conduit naturellement à sortir de nos frontières pour trouver de nouveaux clients."

TourMaG.com - Combien pèse désormais le nouvel ensemble et comment le milieu de la finance et la Bourse ont-ils accueilli cette restructuration ?

Alain Capestan
: "Je n’aime pas ce mot « pèse ». La valeur à laquelle vous faites référence est fondée sur une notion abstraite, imprécise et volatile qu’est un cours de bourse.

110€ en janvier 2020, 45 € fin octobre et 98 € aujourd’hui... cela a-t-il un sens ? Non évidemment. Ce qui compte c’est que nous étions 1300 et que nous sommes toujours 1300 prêts à en découdre dès que l’activité va repartir.

Sinon et pour répondre précisément à votre question, j’ai pris 5 kilos avec tous ces confinements ... que je compte bien perdre dans les semaines qui viennent, dès qu’Emmanuel Foiry aura retrouvé sa raquette de tennis !

Enfin, le cours a progressé de 10% à l’annonce de l’opération, ce dont on ne tire strictement rien comme information pertinente."

TourMaG.com - Quel est le feeling des salariés par rapport à ces changements qui peuvent, aussi positifs soient-ils, inquiéter dans la période actuelle ?

Alain Capestan
: "Les retours que nous avons suite à la diffusion de l’information en interne et les échanges que nous avons eu avec les salariés montrent que cette opération est très bien accueillie. Elle est en effet porteuse d’espoir, quand on y songe.

Des fonds qui investissent une somme pareille dans un métier parmi les plus sinistrés par la crise sanitaire, cela envoie plutôt un message positif sur le potentiel de sortie de crise de notre activité. On doit se réjouir, il me semble, que notre secteur attire des investisseurs. J’espère que cette opération en suscitera d’autres, car il y a beaucoup de compétences et de nombreux talents dans notre métier."

Jean Da Luz Interview de Jean Da Luz Directeur de la rédaction - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Pierre le 12/03/2021 08:53 | Alerter
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Simple la levée de fonds correspond au montant des encours clients non partis en 2020 soit 150 millions encaissés et non encore décaisses pour une grande partie .Au moment de la reprise cela impactera le chiffre d’affaires de 30 pour cent sauf si la progression des ventes repart avec 30 pour cent de clients en plus d’une année normale . Ce qu’on leur souhaite .

2.Posté par Christophe le 12/03/2021 13:29 | Alerter
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Reconnaissons chez VDM cette maitrise de la finance associée à la sensibilité d'un métier qu'ils pratiquent avec pertinence comme nul autre gros acteur touristique français. Ils ont su développer et mettre à profit les créneaux du sur mesure et de l'aventure, et alors qu'il est triste de ne pas voir encore les majeurs leur emboîter le pas il est trés honorable de les voir désirer exporter leur model à l'étranger !

3.Posté par Rial le 13/03/2021 13:19 | Alerter
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Cher Pierre,

Pas vraiment... car à vous lire on pourrait croire que nous allons financer les remboursements des acomptes des clients par cette augmentation de capital. On serait des cinglés et on ferait une Madoff. Notre tresorerie AVANT augmentation de capital est aujourd’hui de 180 ME! Dont 100 millions d’avompte clients, 30 millions de fonds propres cash positif apres la perte de 2020, et 50 ME de PGE. Et on aura plus de 300 ME de tresorerie apres cette augmentation de capital. Christophe sinon merci de vos sympathiques commentaires. Bien à vous.

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