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I. TUI France : chronique de deux décennies de descente aux enfers

effroyable gâchis et immense désastre social


Séduit par le business model de Nouvelles Frontières, qui présente de fortes similitudes avec le sien, le Groupe TUI en prend le contrôle en 2001. Mais le géant allemand fait l'impasse sur le développement des nouvelles technologies qui va chambouler toute l'industrie du voyage. Un rendez-vous manqué qui coûtera des centaines de millions d'euros et qui, d'année en année se transformera en une véritable descente aux enfers. Voici le premier volet de la chronique d'une mort annoncée...


Rédigé par le Vendredi 19 Juin 2020

Courtisé, Jacques Maillot, cède la majorité du capital de son entreprise emblématique à TUI, avant d’en concéder la totalité. /crédit photo dr
Courtisé, Jacques Maillot, cède la majorité du capital de son entreprise emblématique à TUI, avant d’en concéder la totalité. /crédit photo dr
Le commentaire d’un lecteur, ce mercredi 17 juin 2020, date de l’annonce du licenciement de 60% du personnel de TUI France, résume parfaitement la situation:“Quel désastre ... 22 années et 10 plans sociaux pour en arriver là... où sont les responsables de cette catastrophe industrielle ?

Il a parfaitement raison. Le gâchis et le prix social à payer sont énormes.

Mais le problème réside dans le fait que les responsabilités sont, hélas, trop diluées pour rechercher “le” coupable.

Si on remonte aux origines, c’est, sans conteste, Preussag (TUI), géant de l’industrie (tous métiers confondus).

Essentiellement, il fait dans le minier et le métallurgique à l’origine. Du lourd, quoi !

il a régné sur le bassin de la Ruhr, jusqu’à la crise de cette activité. Après la cession en 1997 de Salzgitter AG et le rachat de la compagnie maritime Hapag-Lloyd, Preussag se métamorphose et met le cap vers l'industrie des loisirs.

La tendance s’accélère encore avec le rachat du groupe Thomson Travel en 2000. L’entité TUI naît officiellement le 1er juillet 2002. A peine portée sur les fonts baptismaux, elle s’impose déjà comme le n°2 mondial du secteur du tourisme, après Thomas Cook, son concurrent frontal.

Tour-operating, distribution,hôtels, croisières, compagnies aériennes… son business model est celui de l’intégration verticale. il en possède toute la panoplie.

Mais à peine né, le Groupe et son concept est déjà dépassé par les nouvelles technologies. Internet est à l’oeuvre et va, peu à peu, en saper les fondations.

2006 : le début d'une véritable “série noire” pour TUI France

Tout au déploiement de sa stratégie territoriale, le géant allemand veut, par tous les moyens, contrer Thomas Cook, son grand rival.

En France, il jette son dévolu sur Nouvelles Frontières qui est, à son échelle, bâti sur le même principe : une compagnie aérienne (Corsair), un voyagiste, des agences, des bateaux de croisières…

Courtisé, Jacques Maillot, cède la majorité du capital de son entreprise emblématique à TUI, avant d’en concéder la totalité.

En 2002, exit le briseur de monopoles.

TUI place alors à la tête de sa filiale française Eric Debry, un brillant HEC, d’une quarantaine d’années mais qui a déjà pas mal roulé sa bosse, notamment au siège à Hanovre. Il assurera la présidence du Groupe jusqu’en 2006.

Avec son mandat débute une véritable “série noire” pour TUI France. Lorsqu’il quitte l’entreprise en 2006 les pertes sont colossales : la zone de Europe de l’Ouest dont la France est le premier marché affiche 10 millions d’euros de pertes en 2005, et enregistre un passif de... 39 M€ sur le premier semestre 2006 !

Le nouveau voyagiste est complètement à côté de la plaque...

Eric Debry dès son arrivée taille dans le vif. Entre fermetures et ventes des filiales déficitaires, avec un certain succès... /crédit photo dr
Eric Debry dès son arrivée taille dans le vif. Entre fermetures et ventes des filiales déficitaires, avec un certain succès... /crédit photo dr
C’était pourtant parti sous de bons auspices : Eric Debry dès son arrivée taille dans le vif.

Entre fermetures et ventes des filiales déficitaires d’un côté et injection de 180 M€ de TUI de l’autre, NF renoue à marche forcée avec les bénéfices en 2003 et 2004. Mieux : elle réduit de manière significative son endettement.

Le lancement de TUI France à Top Résa 2003 dans un grand show à l’américaine à grand renfort de publicité et une soirée mémorable (et fort dispendieuse) avec Cathy et David Guetta et aux platines, fait pschitt.

Les chiffres sont très en deçà des objectifs initiaux, avec à peine 68 000 forfaits vendus en 2005. TUI France visait les... 100.000 clients pour l’année 2004 !

Le nouveau voyagiste est complètement à côté de la plaque. Décidément, Internet est en train de rebattre complètement les cartes. Malgré ses moyens financiers, TUI France va d’échec en échec.

Le site Ultravacances.fr est moribond et celui sur les vols secs (Skydeals.fr) bat de l’aile. Plus grave, Nouvelles Frontières est désormais bousculé par les agences en ligne, notamment sur les voyages à forfait. Ses ventes sur internet atteindraient péniblement à l’époque… 15% de son chiffre d’affaires.

L’ambition de faire de NF l’un des leaders français du voyage en ligne s’éloigne et les plans sociaux se rapprochent.

Chassé croisé quelques mois plus tard. En août 2006 Jean-Marc Siano, 42 ans, diplômé (?) de l'ESP de Paris et patron de TUI France, succède à Eric Debry à la tête du Groupe Nouvelles Frontières, tandis que ce dernier va “pantoufler” à la direction générale du Groupe Pierre et Vacances.

Jean-Marc Siano, va essayer de restructurer et de développer le réseau de distribution du Groupe qui à l’époque compte 103 agences Havas et 217 Nouvelles Frontières. Avec un objectif : atteindre les 250 points de vente NF.

L’informatique, talon d’Achille du Groupe

Le management de Jean-Marc Siano peine à convaincre, les résultats ne sont pas au rendez-vous : le 27 mars 2008, le rapport d'audit d'Eurogroup tombe comme un couperet... /créit photo dr
Le management de Jean-Marc Siano peine à convaincre, les résultats ne sont pas au rendez-vous : le 27 mars 2008, le rapport d'audit d'Eurogroup tombe comme un couperet... /créit photo dr
L’informatique est toujours le talon d’Achille du Groupe. Le catalogue des produits brochure n’est que partiellement en ligne et pose techniquement des problèmes de résa aux distributeurs.

Le management de J.-M. Siano peine à convaincre, les résultats ne sont pas au rendez-vous : le 27 mars 2008, le rapport d'audit d'Eurogroup tombe comme un couperet.

Parmi les mesures préconisées, un plan de suppression d'emplois touchant plus de 140 personnes. Montant heureusement révisé à la baisse (127) quelques mois plus tard. Le premier, hélas, d’une longue série...

L’affaire des subprimes et la crise économique qui s’ensuit en 2009, n’arrange pas les choses. Le marché français est toujours le vilain petit canard du Groupe, même si Peter Long, président de TUI Travel, affiche son optimisme et estime que « le pire est derrière nous ».

Mais le pire est toujours là et deux événements majeurs vont encore compliquer les choses.

Le premier est la fusion des marques TUI et Marmara, avec l’arrivée dans le jeu d’un troisième homme (Hervé Vighier) et la cote montante de Pascal de Izaguirre, patron de CorsairFly, désormais dans le rôle du recours…

Avec la fusion, c’est un nouveau plan social qui va être mis sur les rails.
Le second fait majeur c’est l'avènement du Printemps arabe qui va impacter fortement les activités du Groupe sur un marché stratégique : la Méditerranée.

Entretemps, Jean-Marc Siano est débarqué par les actionnaires, lassés de “remettre au pot” chaque année pour combler le trou sans cesse grandissant de Nouvelles Frontières.

Un départ "pour divergences de vues", sur la stratégie de l'entreprise, selon le communiqué officiel. Il sera remplacé par le patron de CorsairFly, Pascal de Izaguirre, nouvel homme fort du Groupe.

LUNDI - II. TUI France : les années Pascal de Izaguirre et l’accélération des restructurations et des Plans sociaux

Jean Da Luz Publié par Jean Da Luz Directeur de la rédaction - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Franck Gomes le 19/06/2020 09:36 | Alerter
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Pour avoir travailler pour un groupe allemand, il y a chez eux, cette volonté d'exister sur le marché français, et de monter sur le podium des plus gros TO, quelqu'en soit le prix à payer.
Je ne comprendrais jamais cette logique du toujours plus.A quoi cela sert-il vraiment ? Le consommateur est-il vraiment gagnant au final ? Il y a t'il un épanouissement des équipes qui travaillent sous la pression constante du chiffre ? Avec la chute de Thomas Cook, et les mesures drastiques de réduction des coûts de TUI, nous ne pouvons que constater les échecs à répétition de business models datés et de stratégies d'entreprises plus que douteuses.
Une nouvelle fois, les équipes trinquent, elles qui ont dû faire face aux rachats, aux déménagements, aux discours de leurs Dirigeants, qui ont tous échoués, et qui soit disant étaient des cadors car issus des bonnes écoles. Bull shit ! Ces gens ont oubliés la base d'une gestion saine d'une entreprise: la trésorerie et la rentabilité. Pas besoin d'avoir fait HEC ou une ESC, pour comptendre ces fondamentaux. Un bon bouquin sur la gestion d'entreprise suffit. Le groupe TUI, après avoir racheté des marques majeurs du marché français, montre une nouvelle fois qu'avant de grandir trop vite, il faut savoir marché. Le modèle allemand, si il n'adopte pas les particularités du marché français, est constamment voué à l'échec...pas simple de faire comprendre çà à des dirigeants allemand, qui parce qu'ils font des millions de passagers dans leur pays, pensent que ce modèle fonctionnera en France et ailleurs. Messieurs, je vous confirme que non, les faillites de Thomas Cook et les différents PSE de TUI en sont la preuve irréfutable. Le Club Med et NG Travel, vont à présent pouvoir à présent dormir tranquillement sur leurs 2 oreilles.

2.Posté par JEAN CLAUDE FABRE le 19/06/2020 10:02 | Alerter
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Rappel : Le tourisme n'est pas le domaine de la science économique mais celui de l'émotion partagée

3.Posté par Eric PIcouleau le 19/06/2020 10:26 | Alerter
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Dans cette profession sont apparus depuis 15 ans environ beaucoup trop de financiers avec la science infuse.....et notamment des LBO et autres qui croyaient que du béton armé a la pomme frites en passant par les établissements thermaux...tout pouvait se diriger de la même façon....a chaque fois c est de la casse humaine...direction Pole Emploi...donc la collectivité...Les noms des responsables ?? On en a tous en tête mais évitons de diffamer ces gougnafiers , ils se reconnaîtront que ce soit en outgoinģ ou en réceptif....

4.Posté par jean louis buffandeau le 19/06/2020 11:24 | Alerter
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Cher tourmag,
Bravo pour votre article sur la debacle de TUI France, domage que Jacques Maillot ne puisse s exprimer sur cette actualite...car il doit avoir un droit de reserve.? Je citerai une image significative qui peut aussi expliquer la situation a ce jour , J Maillot roulait en solex a Paris , J M Siano roulait en Maserati noire qui etait dans le parking du siege ce qui avait choque de nombreux salaries...
NF aurait pu etre viable sans avoir a se vendre si elle avait resolu son pb de masse salariale trop lourde de son reseau de distribution , j avais propose a l epoque une ouverture a la distribution tres large ouverte a toutes les AGV de france pour les produits NF et CORSAIR et une reduction progressive du nombre de points de ventes en fond propre....mais je n ai pas ete entendu ...
Avec le recul , je pense aussi que malgre les graves erreurs de TUI, c est la creativite de NF qui a ete
tuee...la boite a idees est restee vide depiuis 20 ans...

Dans un avenir proche , je crois que la marque NF a toujours une forte notoriete et que si elle est rachetee elle peut se relancer en temps que TO , sans reseau de distribution , pour Lookea et Marmara , la, c est beaucoup plus complique car se sont des groupes hotelliers a charges et masses salariales tres lourdes .....
j envoie un grand soutien moral aux salaries en difficulte ..ils doivent se battre ...
jl buffandeau ex NF et prof de tourisme

5.Posté par BAPTISTE ROUSSY le 19/06/2020 11:49 | Alerter
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Très français de chercher "le" ou "les" responsables du déclin de TUI...Afin de "couper des têtes à la française", un éternel nivellement vers le bas...La réponse se trouve pourtant dans votre article: évolution technologique manquée, comme beaucoup de français (qui se plaignent constamment et cherchent des responsables à leur Malheur....) ont eux mêmes raté le virage digital des années "2005-2010" que d'autres ont parfaitement su négocier...Formons nous, reconvertissons nous ou taisons nous...Au plaisir de vous lire. BR

6.Posté par VIREDEPSE le 19/06/2020 16:08 | Alerter
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quand tout ces gens, sortis des + grandes écoles de commerce, comprendront-ils qu'un management qui yielde ses salariés une management de m... et que l'humain est la 1ere ressource d'une entreprise ??? Tout ces gens sont surpayés pour la valeur qu'ils ajoutent et je pense que, comme ils sont loin d'être sots, ils le savent...

7.Posté par Caro35 le 19/06/2020 21:26 | Alerter
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Oui enfin un peu facile. Ce cher Maillot a certes révolutionné le voyage mais a laissé les comptes de NF dans un état lamentable.
Ensuite Tui reprend et veut faire rentrer des ronds dans des carrés à savoir adapter le tourisme allemand à la mode française. Enfin beaucoup de postes stratégiques occupés par des personnes qui n’avaient pas les compétences mais le copinage avant tout et quand on voit certains qui sont encore là alors que des méritants sont partis... désolant.
Alors Nouvelles frontières ou Tui peu importe, ils se sont tirés une balle dans le pied il y a bien des années et certains l’ont compris, ils ont quitté le navire avant le naufrage et semblent s’épanouir ailleurs ...

8.Posté par Pouponlapeste le 22/06/2020 10:15 | Alerter
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Bonjour,

Faisant partie du groupe Tui France, depuis le siècle dernier, lorsque c'était encore Nouvelles Frontières, je tiens à apporter une précision.
Nulle marche forcée n'est à l'origine des bénéfices de 2003 et 2004, seules années bénéficiaires depuis le rachat de NF par Tui AG.... Ces années-là, ce sont les ventes des bijoux de famille, tels les sièges de NF et de Corsair, mais aussi les hôtels clubs Paladiens (Jacques Maillot les construisait), tous les pas de porte des agences, deux immeubles, etc... qui ont permis de sortir du rouge. Pour compléter les éléments exogènes au groupe qui ont pu expliquer certaines pertes, il faut aussi ajouter une spécificité bien française, soit le fort accroissement de la masse salariale des dirigeants ainsi que leur nombre depuis 2001, inversement proportionnels au nombre de - petits - salariés, ce année après année, plan social ou de départ volontaire après plan social ou de départ volontaire. Bien sûr les fortes rémunération fixes de ces dirigeants ne tiennent pas compte des résultats du groupe Tui France, les mauvais résultats étant seulement un argument pour justifier la non revalorisation des petits salaires.
Bien cordialement.
Pouponlapeste

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