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Le casse-tête de la recapitalisation d'Air France

la chronique de Jean-Louis Baroux


Comment l'Etat va-t-il s'y prendre pour recapitaliser Air France ? Le renforcement des fonds propres apparaît comme une nécessité. Jean-Louis Baroux, expert aérien et ancien président d'APG nous livre son analyse.


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Dimanche 7 Février 2021

Le montage de l’opération devra être particulièrement malin car l’Etat ne veut surtout pas dépasser 30% du capital, ce qui le conduirait à lancer une OPA sur l’ensemble de ce dernier - Photo Air France
Le montage de l’opération devra être particulièrement malin car l’Etat ne veut surtout pas dépasser 30% du capital, ce qui le conduirait à lancer une OPA sur l’ensemble de ce dernier - Photo Air France
Personne ne doute que la compagnie nationale ait un sérieux besoin de renforcer ses fonds propres car, très probablement, ils seront négatifs lorsque les comptes de 2020 seront publiés.

Or la règle est claire, une compagnie ne peut opérer avec une telle situation. Elle perd alors son CTA (Certificat de Transport Aérien). Ce serait donc signer la mort d’Air France ce que personne ne veut ni même ne peut envisager.

Le Gouvernement Français est prêt à faire le nécessaire, c’est-à-dire à convertir son prêt de 3 milliards d’euros en capital, ce qui permettrait de résoudre la situation. La somme est d’ailleurs très importante, presque équivalente à celle reçue le 27 juillet 1994 qui se montait alors à 20 milliards de francs. Seulement les situations sont très différentes.

A l’époque, les erreurs stratégiques de gestion avaient conduit le transporteur dans une situation presque désespérée, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Air France subit de plein fouet les conséquences de la politique sanitaire appliquée par la quasi-totalité des pays, laquelle consiste pour l’essentiel à fermer les frontières, ce qui empêche bien entendu la compagnie d’opérer. Elle n’y est pour rien et il est normal que l’Etat responsable de cette situation fasse son devoir en consolidant son capital.

Comment l'Etat va-t-il s'y prendre ?

Pour autant l’affaire n’est pas si simple. A quel niveau va se faire cette injection, à celui de la compagnie ou celui du groupe ? Si j’en crois la cotation de ce jour, l’action vaut 5,08 €, la capitalisation d’Air France/KLM se monte à 2,177 milliards d’euros pour les 428.634.035 actions qui composent son capital.

Alors de montage de l’opération devra être particulièrement malin car l’Etat ne veut surtout pas dépasser 30% du capital, ce qui le conduirait à lancer une OPA sur l’ensemble de ce dernier. L’entrée directement au niveau de la filiale d’AF/KL le transporteur Air France, s’annonce également délicat car il est détenu à 100% par Air France/KLM. On voit bien comment sur le seul plan administratif, l’affaire est complexe.

Comme si cela ne suffisait pas, la partie hollandaise veut également renforcer les fonds propres de KLM mais pas du groupe, sauf que KLM appartient également à 100% à Air France/KLM. Et faut-il le rappeler Delta Air Lines et China Eastern sont également au capital à hauteur de 8,8% chacun. Seront-ils dilués ou suivront-ils l’augmentation de capital si celle-ci est lancée au niveau du groupe ?

Si, par contre les injections de fonds propres se font tant du côté français que néerlandais directement dans les transporteurs, cela reviendra à enlever une grande partie du pouvoir au groupe pour le transférer aux compagnies ? Alors va-t-on vers l’éclatement ?

La Commission européenne met son grain de sable

Là-dessus, la Commission Européenne met son grain de sable en obligeant Air France à se défaire de quelques 9.000 « slots » sur l’aéroport d’Orly pour complaire aux règles de la concurrence. Il semblerait que nos responsables européens n’aient pas bien enregistré que nous avons changé de modèle et que la croissance régulière du transport aérien qui justifiait un maintien de règles concurrentielles strictes s’est fracassée sur la Covid.

Appliquer maintenant les règles antérieures n’a plus aucun sens. D’ailleurs la justification de cette application par la demande similaire adressée à Lufthansa n’a pas plus de bon sens pour le transporteur allemand que pour le français. Les syndicats d’Air France sont vent debout contre une telle mesure et on peut les comprendre.

Comment expliquer que les aides octroyées par les gouvernements n’auraient pour conséquence que la diminution du périmètre d’exploitation des transporteurs ?

En fait on est tout simplement en train de payer les conséquences de la stupide réglementation qui vise à limiter Orly à 250.000 mouvements, décidée en octobre 1994. Rappelons qu’elle n’a été prise à l’époque que pour empêcher British Airways d’installer une base à Orly ce qui ne faisait surtout pas les affaires d’une Air France, alors fragilisée.

Cela fait maintenant 27 ans et les appareils ont considérablement évolué en particulier quant à leur impact écologique et sonore. Orly peut sans problème accueillir 400.000 mouvements par an. Alors si, pour complaire aux règles de Bruxelles, il faut faire de la place aux éventuels concurrents, pourquoi ne pas créer une allocation de 10.000 slots supplémentaires à Orly lesquels seraient réservés aux compagnies autres que celles du groupe Air France ?

Ainsi tout le monde serait content. Air France ne verrait pas son opération amputée, les concurrents auraient un meilleur accès et cela ne serait sans doute pas sensible pour les riverains, car, faut-il le redire, compte tenu des contraintes opérationnelles et administratives, les 250.000 mouvements n’ont jamais été occupés entièrement.

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Commentaires

1.Posté par Keskidi? le 08/02/2021 09:48 | Alerter
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...et cela ne serait sans doute pas sensible pour les riverains!!!!!

Vos articles sont toujours très précis et j'ai plaisir à les lire mais là, il va falloir que ma fille vous invite pour l'apéritif ou le café, servis dans son jardin à Limeil-Brévannes. Vous aurez le bonheur voir passer les avions toutes les 90 secondes (période hors COVID)
IURSEHNUERYGVOAHCQLRGPERIHPVSIHCONQHPCD.K
Je disais c'est très bruyant mais un TRANSAVIA viens de nous survoler!

Sans rancune tout de même.

2.Posté par xenon24 le 08/02/2021 16:24 | Alerter
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En 1994 le prétexte de nuisances aux riverains, (bien que réelles), était surtout un prétexte du gouvernement pour comme le dit justement JL Baroux, limiter la concurrence contre AF. Depuis les communes riveraines ont encore plus augmenté la densité d’habitations aux alentours d’Orly. Véritable casse-tête donc pour nos gouvernants. La meilleure solution serait de ne pas aider AF et laisser couler la compagnie. Solution qui fera d’énormes économies aux contribuables et mettra un terme aux rentes de situations de certains syndicalistes nantis. La nature ayant horreur du vide, de nouvelles compagnies viendront se positionner avec des tarifs qui permettront à tous les Français de voyager à des prix abordables.

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