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Corsair : l'Europe doute toujours du plan de restructuration... [ABO]

La Commission européenne parle d'aides illégales et d'une violation de limitation de la flotte


Tout semblait calme dans le ciel de Corsair depuis quelques mois. Débarrassée de son très encombrant futur actionnaire, Eric Koury, et affichant un solide bilan comptable pour 2024, la compagnie pensait avoir tourné la page des turbulences. La Commission européenne vient de provoquer un sérieux trou d'air en décidant - cas rare - de prolonger l'examen du plan de restructuration.


Rédigé par le Jeudi 24 Avril 2025

La Commission européenne parle d'aides illégales et d'une violation de limitation de la flotte au sujet de Corsair - Depositphotos @Ale_Mi
La Commission européenne parle d'aides illégales et d'une violation de limitation de la flotte au sujet de Corsair - Depositphotos @Ale_Mi
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La cinquième saison des aventures européennes de Corsair démarre en ce printemps sur vos écrans.

Après son rachat fin 2020, puis une crise sanitaire angoissante, le destin de la compagnie navigue entre les bureaux ministériels et ceux de la Commission européenne, sans jamais donner l'impression de trouver une issue.

En février 2024, Bruxelles annonçait l'ouverture d'une enquête approfondie sur le plan de restructuration modifié, déposé deux mois plus tôt par le gouvernement français.

Quelques semaines plus tard, une lettre est adressée à Bruno Le Maire révélait les nombreuses réserves des fonctionnaires européens, parfois inquiétantes, quant au scénario de sortie de crise proposé par la compagnie.

Face à ses observations, l'exécutif français a dû apporter des précisions et explications, pour légitimer aux yeux de l'Europe le bien fondé de l'aide apportée et la viabilité de l'entreprise.

Une décision était attendue pour l'été dernier, puis à l'automne, l'hiver... et finalement, nous avons pris connaissance, la semaine dernière de la décision de Bruxelles de prolonger, chose rare, la procédure formelle d'examen du plan de restructuration de Corsair.

Nous connaissons désormais mieux les principaux points de friction de ce dossier.


Corsair : pourquoi une prolongation de l'examen ?

La Commission européenne a donc décidé de rendre publique la lettre adressée à la France.

Par cette présente, l'instance "a l’honneur d’informer la France qu’après avoir examiné les informations fournies par vos autorités et par les parties intéressées sur la mesure citée en objet, elle a décidé d’étendre la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») ouverte par la décision du 5 février 2024 (...) dans l’affaire (...) de la Modification de l’aide et du plan de restructuration de Corsair."

A lire : Corsair donne des gages de pérennité avant la décision de l'Europe !

Le document de 26 pages détaille l’historique de la procédure et les motifs de son extension.

Préalablement, la période d'examen suite à une enquête et toute l'instruction qui découle d'une procédure d'aides d'Etat, est fixée à 18 mois.

A réception de ce courrier, le gouvernement français a un délai d’un mois pour présenter ses observations et fournir les informations utiles au sujet des trois principales observations émises par Bruxelles.

Pendant cette longue attente, la direction de Corsair et les participants du tour de table se sont montrés unanimement confiants quant à l’issue positive de l’examen formel.

Les uns attribuaient la lente prise de décisions des fonctionnaires basés à Bruxelles à l'instabilité gouvernementale et aux nombreux échanges entre Paris et la capitale belge.

Si le lien n'a jamais été rompu, ces éléments expliquent mieux pourquoi le dossier s’étire autant dans le temps.

Cosair : la Commission s'interroge sur la violation de la limitation de la flotte

En décembre 2020, la Commission avait validé un plan de restructuration soumis par l'Etat français, en pleine pandémie.

Aucune objection n'avait été soulevée lors de la conclusion de ce premier dossier, ce qui n'avait pas empêché Bruxelles d'émettre des mesures pour limiter les distorsions de concurrence, vis-à-vis des compagnies concurrentes.

L'une d'entre elles consistait à maintenir la flotte à seulement neuf avions, durant la durée du plan de restructuration prévu jusqu’à fin 2023. En septembre de cette même année, le gouvernement a informé la Commission de son intention de modifier ce même plan.

Sauf que d'après les données fournies par les concurrentes de la dérive bleue, la compagnie n'a pas respecté cette obligation.

"Selon Air Austral, il résulte de la lecture de deux programmes de vols de Corsair pour les saisons IATA d’été 2023 et 2024 que le chainage des rotations implique nécessairement l’engagement programmé d’au moins dix aéronefs simultanément. (...)

Air Austral estime que les affrètements d’avions en continu auxquels a procédé Corsair et qui lui ont permis de disposer de dix aéronefs durant les étés 2023 et 2024 sont constitutifs d’une violation des obligations de Corsair résultant de la décision de 2020. (...)

Dans ses observations du 24 mai 2024, GDA (le Groupe Dubreuil Aéro, propriétaire d'Air Caraïbes, ndlr) relève que, en tenant compte de différentes destinations proposées par Corsair et du nombre de rotations, le programme de vols de Corsair ne pouvait matériellement pas être assuré avec une flotte de neuf aéronefs,
" pouvons-nous lire dans la lettre.

L'exécutif français a apporté des réponses pour défendre la compagnie.

Pour lui, l'affrètement était "ponctuel", lié à la vente d'un appareil qui n'a finalement pas eu lieu et aurait concerné seulement 1% des passagers transportés sur toute la durée du plan.

De plus, la limitation imposée par la Commission européenne concernait la capacité en nombre de sièges, ce qui était le cas, même avec les affrètements.

La conclusion de la commission concernant la limitation de flotte :

Elle "estime qu’il existe un doute sérieux quant au respect par la France et Corsair de l’engagement de limiter la flotte de Corsair à neuf appareils, un engagement sur la base duquel la Commission a considéré compatible l’aide à la restructuration de Corsair dans la décision de 2020. (...)

La Commission est d’avis qu’il convient (...) d’examiner la question de savoir si la violation de la limitation de la flotte de Corsair (...) doit être considérée comme une application abusive de l’aide de restructuration approuvée par la décision de 2020.
"

Corsair : des aides illégales durant la restructuration ?

Le deuxième point sur lequel les fonctionnaires souhaitent approfondir leur analyse, réside dans l'octroi d'aides additionnelles durant la mise en exécution du plan de restructuration.

Ils estiment le montant à 32 millions d’euros.

Une somme qui se décompose de la façon suivante : 20,6 millions d'aides pour contrebalancer les coûts fixes des entreprises dont l’activité a été affectée en 2022 par les mesures de restriction administratives, 10 millions de subventions pour compenser ces mêmes dépenses des sociétés dont l’activité est particulièrement affectée par l'épidémie de Covid-19 en 2021 et pour finir 1,8 million d’euros dans le cadre du fonds de solidarité.

Dans le même temps, les autorités françaises ont admis l'année dernière que "en tant qu’entreprise en difficulté au moment de l’octroi de ces aides ainsi qu’au 31 décembre 2019, Corsair n’aurait pas dû pouvoir bénéficier de ces aides.

Elles ont prétexté une erreur due à l’urgence de la situation économique du pays à ce moment-là.

La Commission note que l'Etat a fourni 136,9 millions d’euros d'aide en décembre 2020, puis 32,4 millions d’euros additionnels et a proposé "en 2023 d’augmenter le montant de l’aide à la restructuration dans le cadre d’une modification de plan de restructuration."

Pour rappel, une entreprise ne peut bénéficier que d'un seul plan de restructuration sur une période de dix ans. Les différents ministres en charge du dossier ont toujours maintenu que le plan de 2023 constituait uniquement une mise à jour de celui de 2020.

Sauf que pour l'instance, ces différentes manœuvres traduisent une récurrence du soutien gouvernemental susceptible de contrevenir aux règles européennes.

Elle parle même dans ses observations d'un soutien illégal qui, s’il est confirmé à l’issue de l’examen prolongé, pourrait entraîner la récupération des sommes en question auprès de Corsair.

La position de Bruxelles sur les aides illégales et la compatibilité :

"Il existe donc un doute sérieux quant au respect, par la France, du principe de non-récurrence tel que défini au point 70 des lignes directrices S&R lors de l’octroi des aides en question. (...)

Au regard de ce qui précède et étant donné que les autorités françaises n’ont pas fait valoir d’autre fondement pour l’évaluation de la compatibilité avec le marché intérieur desdites aides, la Commission émet un doute quant à cette compatibilité.
"

Retour du ministère chargé de l’Industrie sur le dossier :

"L’Etat et un consortium d’investisseurs privés ont conclu un accord qui permettra d’assurer la pérennité de la compagnie Corsair, en lui apportant les ressources dont elle a besoin pour se financer, et en allégeant significativement son endettement.

Cet accord est soumis à l’autorisation de la Commission européenne conformément aux règles applicables en matière d’aide d’Etat. Les autorités françaises travaillent avec la Commission pour obtenir une décision positive dans les délais les plus courts possibles.

Dans ce cadre, la Commission a décidé d’étendre la procédure formelle qu’elle avait ouverte début 2024, afin de permettre aux tiers intéressés de faire valoir leurs observations.

Il s’agit d’une décision procédurale, qui ne préjuge en rien de la décision finale de la Commission
"


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