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Inflation, nouvelles pratiques : la restauration, un avenir mitigé ? [ABO]

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Alors que la majorité de la population peine à régler ses factures, celle-ci limite aussi ses dépenses en sorties au restaurant. Une évidence confirmée par le Baromètre de la restauration réalisé par les cabinets RYDGE Conseil et Gira qui se sont associés pour faire le point sur une composante clé du secteur touristique. En voici les principaux constats. Ils sont mitigés.


Rédigé par le Jeudi 10 Avril 2025

Inflation, nouvelles pratiques : la restauration, un avenir mitigé ? - Depositphotos.com Auteur AlenaKr
Inflation, nouvelles pratiques : la restauration, un avenir mitigé ? - Depositphotos.com Auteur AlenaKr
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Pendant que les guides Michelin décernent leurs étoiles et font grimper les grands chefs de la cuisine hexagonale sur la scène afin de faire briller la gastronomie française, bien des Français ne peuvent que regarder ce déploiement de saveurs, de bon goût, de raffinement et de dextérité, sans la moindre chance d’y toucher.

Il faut dire que vitrines de la France, les grandes tables ne sont pas ouvertes à toutes les bourses et constituent une offre de niche pour une population très privilégiée pouvant dépenser en un soir l’équivalent d’un salaire minimum. Selon Gira Conseil, la consommation de restaurants gastronomiques représente 2 % des 11 milliards de repas pris hors domiciles (Chiffres 2021).

Dans le même temps, des tables plus modestes font pour leur part moins recette. Mais, avec pour causes secondaires des changements d’attitudes sur lesquels nul ne devrait fermer les yeux.


Un contexte inflationniste limite la consommation

Qu’observe-t-on ? La situation économique actuelle aidant, on note d’ores et déjà que le ticket moyen d’un repas a augmenté de 30% en cinq ans. Un record incitant les restaurateurs à réduire leurs achats afin de proposer à leur clientèle des tarifs plus acceptables.

- Evalué à 9,2 euros pour le service au comptoir en 2019, le ticket moyen est passé à 11,4 euros en 2024.
- Pendant ce temps, le ticket moyen du service à table est passé de 18,1 euros à 23,4 euro

Autre donnée peu rassurante : le chiffre d’affaires moyen des établissements a baissé de 2,9 points en 2024. Et ce malgré les Jeux Olympiques qui n’ont pas eu l’impact attendu sur les dépenses en restauration.

Pire ! Durant les Jeux, seulement 8% des consommateurs se sont rendus dans des bars, cafés, brasseries pour regarder les épreuves. Une déception de taille pour des professions auxquelles on avait promis une croissance spectaculaire durant l’événement et qui, souvent, s’étaient préparées en conséquence à faire face à des flots de clients grâce à de nouveaux recrutements de personnel : cuisine et salles.

Le nombre de repas à la baisse : pourquoi ?

Si l’on prend en compte un autre facteur, soit le nombre de repas servis, le constat n’est guère plus satisfaisant. En effet, en 2019, le nombre moyen de ventes au comptoir était estimé à plus de 45 000 par établissement. En 2023, il n’était plus que de 28 000.

Pour le service à table, l’écart est du même cru : en 2019, il était d’environ 14 000 contre 15 000 en 2023. Une telle décroissance dans une profession qui a déjà eu beaucoup de mal à remonter la pente après la période Covid, n’est cependant pas liée uniquement à l’inflation. Elle est aussi la conséquence de nouveaux modes de consommation qui ont bousculé la fréquentation des restaurants.

Restauration : de nouveaux modes de consommation

Alors que certains ont constaté que finalement leur propre cuisine était de meilleure qualité que celle servie par des établissements et qu’elle était infiniment moins onéreuse, d’autres se sont découvert un véritable goût pour la confection de petits plats. Devenu un plaisir partagé par ces messieurs et dames, le « fait maison » a même acquis ses lettres de noblesse et détrôné dans certains foyers, la nourriture de traiteur.

Y compris celle livrée à domicile qui est bien moins pratiquée que les médias ont voulu le dire. Rappelons que Bernard Boutboul du cabinet Gira expliquait après la période Covid qu’en moyenne, un Français se fait livrer un repas par mois à domicile alors que les Européens s’en font livrer un par semaine. Surtout les anglo-saxons et les Européens du nord.

Notons également que le « fait maison » a grignoté le territoire des loisirs traditionnels, notamment celui des jeux vidéo. On cuisine désormais pour déguster mais aussi pour s’amuser et se faire du bien.

Autre changement d’attitude éloquent : celui consistant à commander au restaurant plusieurs plats. « Le modèle entrée-plat-dessert mis à mal depuis de nombreuses années, est désormais en voie de disparition.» déclarent les auteurs du baromètre. Pour preuve, on est passé de la commande de 2.8 items par repas à table à 1.8. Et surtout, on est passé à une nouvelle pratique à laquelle les restaurateurs s’adaptent plutôt bien, celle du partage ».

Un plat central composé de petites portions, proposé à la gourmandise des convives est en train de devenir une pratique d’avant-garde chérie par les jeunes consommateurs plus en quête de convivialité que de quantité.

Quand on reparle d’expérience

Parmi les changements en train de s’amplifier, remarquons encore quelques points. Comme l’explique une spécialiste de l’agence Les Sublimeurs : « Il est crucial pour un restaurant de proposer une expérience unique à ses clients pour se différencier ». Or, qui dit expérience dit travail sur le positionnement de l’établissement qui peut soit provenir du lieu et de son histoire, soit de celle de sa famille, soit des spécialités que l’on y sert, soit de la personnalité du chef.

Le story- telling est toujours indispensable. Avec deux obligations contraires : soit on en change régulièrement pour satisfaire le goût de nouveauté de la clientèle, soit au contraire, on s’y accroche et lui reste fidèle. Mais avec une obligation majeure : respecter, l’ambiance, l’humain, l’assiette. Et, peut-être faire en sorte que les réseaux sociaux et autres influenceurs apprécient vos recettes et leur « look » et communiquent positivement.

Les évolutions des relations à la nourriture : la santé et encore la santé

Enfin, si l’usage de la restauration hors domicile évolue c’est parce que les pratiques alimentaires évoluent. En un demi-siècle, on est passé de la consommation d’une nourriture nourricière à une nourriture plaisir et surtout à une nourriture santé. Globalement, les Occidentaux ont admis l’incidence de la nourriture sur leur santé physique et leur bien-être mental.

Dans les classes privilégiées, on est donc prêts à consommer du frais, du bio, du circuit très court. Et l’on est prêt à payer plus pour manger mieux. On préfère aussi manger chez soi une alimentation dont on connait la provenance donc la qualité. Menacée par l’obésité qui progresse de plus en plus ( En Europe, on estime que la moitié de la population est en surpoids), on est également obsédé par la minceur.

Et cela bien que les notions d’être l’emportent sur les notions de paraître. La nourriture identitaire à travers laquelle on affiche ses origines et son histoire conditionne également de nouvelles pratiques alimentaires qui ont tendance à devenir communautaires.

Un avenir incertain pour la profession

Une fois ces constats faits, comment s’annonce l’avenir de la profession ? Non ! Ce pilier de notre culture qu’est le restaurant ne va pas s’effondrer de sitôt et disparaître. Mais, miné par le manque de personnel, ou le recrutement d’un personnel non professionnel n’ayant ni notions de cuisine, ni de gestion, et par la progression constante des établissements de restauration rapide, le baromètre observe qu’en 2024 : plus de 12% des entreprises sont en difficulté.

A l’avenir, on prévoit même une disparition de 25% du parc soit celle d’environ 50 000 établissements.

Une première depuis des années mais qui provoquera l’augmentation du C.A de ceux qui resteront, notamment les « click and collect », les « drive » et autres enseignes de livraisons en lien avec des établissements de chaînes ou privés ou encore des « dark kitchen ».

Les investissements dans le digital sont également indispensables y compris dans l’IA dont les fonctions peuvent aider à une meilleure gestion. Mais, ce sera la qualité de l’accueil et de l’assiette qui diront l’avenir de la profession donc l’avenir d’un touriste obligé de se nourrir plusieurs fois par jour mais bien plus volatile qu’on le pense. Et qui surtout, l’été venu, succombera au plaisir du pique-nique en plein air. Notamment à la campagne et sur les plages où le pique-nique du soir est devenu un must.

- En 2019, on comptait 41 238 restaurants avec service au comptoir et 161 800 avec service à table.

- En 2023 : les restaurants avec service au comptoir ont progressé et sont environ 67 000. En revanche, les restaurants traditionnels avec service à table ont décliné : ils ne sont plus que 150 605.

Sources : Rydge.fr
Giraconseil.fr
Baromètre 2025 de la restauration

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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