Futuroscopie - Covid 5 ans après : quelles tendances ont pris racine ? [ABO]

Il y a à peine (ou déjà) cinq ans, la planète arrêtait de tourner. Menacée par une pandémie incontrôlable, la France comme tant d’autres pays se confinait. Du jour au lendemain, finis les cafés, le cinéma, les sorties, les voyages et fini même pour certains, le boulot !

Mais bienvenue aux masques, aux attestations, aux espoirs de vaccins, aux gels nettoyants, à la solitude, l’enfermement, la crainte de la maladie, les hôpitaux submergés, les écoles fermées et la lugubre énumération quotidienne du nombre de victimes.

En quelques heures, nous avions changé de monde faute d’avoir anticipé le pire et quand le pire est arrivé, nous avons tenté de le gérer avec toutes sortes de ressources individuelles et collectives dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Lesquelles se sont parfois transformées en nouvelles attitudes, pratiques, comportements dont certains sont devenus pérennes.

En première ligne, le secteur touristique pourtant habitué à braver les impondérables, s’est trouvé démuni face à la nécessité d’annuler, rapatrier, reporter des milliers de départs et garder à flot une comptabilité fortement chahutée. Le grand chambardement avait commencé…

L’adaptabilité de l’humanité se confirme. Comme chaque fois que l’humanité trébuche sur un problème, ou même disons une tragédie comme celles que nous affrontons aujourd’hui, les comportements d’adaptation se sont tout de suite mis en place.

En mars 2020, il y a d’abord eu les privilégiés qui ont pu sauter dans leur voiture ou dans un train et sont partis se mettre au vert. Et ceux, plus nombreux qui ont dû rester chez eux et se sont organisés. Enfin, il y a eu ceux, obligés de subir un confinement quasi-total donc obligés d’apprendre la solitude et d’en tirer le meilleur parti. Qu’ont-ils fait ?

Une explosion de créativité. Délivrés en partie de la monotonie de leur vie professionnelle, en tête à tête avec eux-mêmes, certains en ont profité pour développer des talents créatifs particulièrement originaux. Via la technologie, ceux-ci ont pu se mettre en spectacle et fournir un échantillon de leurs talents à un public devenant de plus en plus adepte de nouveauté.

D’autres ont eu l’occasion inattendue de profiter de cette parenthèse pour envisager un autre modèle de vie. D’où la grande démission ( the big quit) qui a suivi le retour à la normale et ces millions de gens qui ont abandonné leur vie d’avant pour repenser leur avenir.

Le développement des « digital nomads » toujours à l’œuvre fait partie de ces changements pérennes que le secteur touristique exploite plutôt bien. Tandis que les migrants définitifs vers la campagne, malgré des retours, font carrière dans l’accueil et l’hébergement touristique.

La réflexion prospective : que sera demain ? Dans tous les secteurs, cette pause a aussi profité à tous ceux qui, « en chômage technique », ont mis une partie de leur temps au service d’une réflexion sur l’avenir. Le secteur touristique en particulier a tenté de repenser son futur en en gommant les dysfonctionnements notamment sur le plan climatique et environnemental. Le développement durable s’est imposé comme une clé indispensable à la survie du secteur.

Et l’on ne peut nier les efforts qui sont faits à la fois par les collectivités et les opérateurs privés. Mais, force est aussi de constater qu’une fois passée la grande vague pandémique, le soufflé est retombé tandis que la course au client de plus est repartie de plus belle. Y compris quand elle génère du surtourisme !

La modification du rapport au vivant et à la nature : Dans la même veine, soit celle de la redécouverte des fondamentaux, ces longs mois de tranquillité absolue avec un ciel sans avions et des rues sans voitures ni vélos, ont permis de redécouvrir la nature et sa diversité. Des canards arpentant les rues de Paris tandis que la végétation reprenait le dessus et se déployait à son aise, ont permis de redonner au vivant la place qu’il avait perdu dans nos sociétés matérialistes. Le spectacle des arbres en fleurs, des jardins, des cieux étoilés s’est confirmé y compris dans les offres touristiques commerciales.

L’expérience d’une complicité avec le vivant en général fait recette et ne devrait pas faiblir.

Santé, sécurité avant tout : N’oublions pas surtout que la pandémie a constitué une menace pour des milliards d’humains dont plusieurs millions ont péri dans des conditions dramatiques. N’oublions donc pas cet épisode de grande peur pour sa santé et pour celle des siens et le traumatisme toujours bien présent dans l’esprit des adultes mais aussi des plus jeunes. Certes, les Français ne brillent toujours pas par le respect des gestes barrières. Plus de masques dans les rues mais le lavage de mains pour sa part semble installé dans les habitudes.

Devant ces nouvelles inquiétudes, se sont en tout cas développés des protocoles sanitaires notamment dans le secteur touristique qui a dû apprendre à sécuriser ses clients qui avant tout exigent que leur bien le plus précieux, leur santé, soit protégée. Santé physique et mentale. Car n’oublions pas qu’il y a toujours pour certains de véritables dépressions à soigner.

Dans ce contexte, le déferlement des offres de wellness n’a rien d’étonnant. Au contraire, il était inévitable et ne pourra que se poursuivre à condition de prouver l’efficacité de ses équipements et traitements.

Sans contact et à distance. Obsédés par les gestes barrières, les humains ont dû aussi apprendre en quelques heures à vivre « sans contact ». Sans contact entre eux, sans contact avec l’extérieur, sans contact avec leurs familles, amis, collègues de bureau. Et, sans contact avec les objets manipulés et l’argent en espèces… Souvenez-vous qu’en quelques heures, nous avons dû cesser de nous serrer la main ! De nous donner des accolades et nous faire des bises. Pire, nous avons dû nous cacher le visage derrière des masques nous privant non seulement d’esthétique mais de toute possibilité d’afficher nos émotions et de les transmettre.

A cela s’est ajoutée rapidement la nécessité de prendre ses distances et de laisser un mètre, voire deux entre nos interlocuteurs…
Dans ce contexte, le télétravail est entré dans nos vies et il y est resté avec ses qualités et inconvénients.

Quant aux millions de réunions sur Zoom et autres systèmes du même type, elles font partie de notre ordinaire. Tout comme les communications sur WhatApps et l’usage redoublé des réseaux sociaux.

Traumatisé par cette obligation de mise à distance physique, le touriste peut continuer de l’exiger dans des espaces de vacances. Alors que certains sont devenus agoraphobes, il faudra continuer de s’en occuper, les sécuriser, leur proposer une offre alternative.

Technophilie et technophobie creusent parallèlement leur sillon. Parmi tant d’autres, revenons enfin sur l’aide formidable qu’a constitué la technologie. Laquelle a permis de préserver un minimum de vie sociale et professionnelle et a confirmé son rôle indispensable au fonctionnement de nos sociétés. Grand bénéficiaire, le secteur touristique a profité et profitera de ses avancées avant, pendant et après le voyage.
Mais attention, le tout techno n’est pas du goût de tous. Les touristes en particulier revendiquent leur besoin de contacts humains, via un service de qualité à tous les niveaux de la chaîne du voyage…

Vivre dans l’incertitude. Enfin, je terminerai par ce formidable coup de fouet qu’a été la pandémie et par la déstabilisation qu’elle a créée dans le mode de pensée occidentale, en particulier. Brutalement, nous avons dû admettre que nous n’étions pas invincibles d’une part, et que nous n’étions pas de taille à lutter ni contre les accidents de l’histoire, ni contre la négligence humaine et autres catastrophes climatiques dramatiques tels que nous les subissons de plus en plus.

Des catastrophes qui minent des professionnels du tourisme et leurs clients. Face aux changements brutaux de la météo, les premiers se voient contraints d’ anticiper, transformer leurs habitudes, revoir leur police d’assurance. Les seconds quant à eux se voient contraints de prendre des risques. Visiter Valence ou les Canaries au moment d’une Goutte froide et la Californie durant des incendies inhabituels … Nous n’en sommes qu’au début d’une nouvelle page de l’histoire touristique.

Voici ma contribution à un exercice rapide de prospective qui ne nie en aucun cas la contribution de l’IA mais prétend la compléter.

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Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

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