Et si les grands évènements sportifs n’étaient pas (forcément) faits pour les touristes ? [ABO]

La semaine dernière a eu lieu le colloque de restitution du programme d'évaluation des impacts des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Un temps fort qui avait pour objectif de restituer 13 missions d’évaluations de l’impact des jeux olympiques de Paris, un travail complet, qui reflète la volonté de l’État et du Comité d’organisation de ne pas refermer la page des JO, sans une évaluation complète.

Je me suis concentré à l’occasion de cette journée de travail à l’évaluation de l’impact des Jeux Olympiques sur l’économie et le tourisme, car on avait promis beaucoup autour de ces JO, mais qu’en était-il vraiment.

Je ne vais pas énumérer toutes les données qui ont été présentées, mais une évaluation c’est forcément un partage de chiffres et je vais me limiter à ceux qui sont les plus intéressants à analyser.

Le premier de ces chiffres c’est le nombre de visiteurs uniques qui ont assisté à des épreuves pendant les deux quinzaines olympiques : 4 millions de visiteurs uniques, dont 7% de ces visiteurs sont français, 15% de visiteurs européens et 10% de visiteurs extra européens.

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25% de spectateurs étrangers c’est finalement assez peu, et c’est une des raisons qui fait baisser le bilan carbone de Jeux, puisque le transport des spectateurs constitue le premier poste de l’impact carbone (65% du total). Et dans ce poste transport 89% de l’impact est lié aux trajets jusqu’en France.

Je garde en tête ce chiffre incroyable : 9% des spectateurs ont généré 80% des gaz à effet de serre liés aux déplacements des visiteurs. C’est pour cela que cette prépondérance du public parisien, c’est une très bonne chose !

Les JO de Paris c’étaient les jeux des … Parisiens et des Français, et je pense qu’il faut considérer ça comme une bonne nouvelle. Le spectacle était dans les stades, les places, les rues de Paris, il a profité aux Parisiens et tant mieux !

Alors si on se place du point de vue des professionnels du tourisme, peut être que le point de vue est un peu différent puisque l’Ile-de-France a perdu 540 000 visiteurs étrangers, 2,2 millions de nuitées touristiques et 191 M€ par rapport à un été sans JO.

Cette baisse de fréquentation touristique, n’a pourtant pas eu de conséquences dans le bilan de l’année 2024 à l’échelle nationale, puisque la France bat son record de visiteurs étrangers (rappel 100 millions de visiteurs étrangers) quand Paris et l’Ile de France affiche une baisse de fréquentation pendant les Jeux. Il y a bien eu effet d’éviction mais il a bénéficié à la province, et personne ne doute que l’impact touristique de Paris 2024 se mesurera ainsi davantage à moyen terme qu’à court terme.

Autre donnée à prendre en considération, la durée des séjours des visiteurs étrangers. Du fait du calendrier et du mode d’organisation des JOP, les spectateurs venus assister aux JOP de Paris 2024 sont restés moins longtemps et avaient moins de temps libre que lors des précédents grands évènements internationaux organisés dernièrement en France.

C’est ainsi que les spectateurs étrangers sont restés 7,1 jours pour les Jeux, contre 10,3 jours pour la Coupe du monde de Rugby 2023.

Au-delà de la seule activité touristique, l’impact économique des Jeux était lui aussi évidement évalué en tenant compte de l’impact économique direct et indirect.

Le cabinet EY, en charge de cette mission évalue l’impact global des JO à 7,1 milliards d’euros, un résultat très proche des 7,5 milliards d'euros du scénario intermédiaire prévu, mais assez loin du scénario haut de 9.3 milliards.

Le tourisme pèse dans ce résultat 1,3 milliard soit 18% de l’impact économique global des Jeux. Au-delà de tous ces chiffres et ces données, on va retenir que les Jeux ont été un formidable spectacle populaire dont les Parisiens ont été les principaux bénéficiaires, que l’impact de ces jeux était à peu de choses près au même niveau que celui des JO de Tokyo sans spectateur, et de 47 % inférieur à ceux de Londres de 2012.

Reste la mesure de leurs effets sur la cohésion sociale engendrée par 1 mois de compétition sportive, pendant lequel nous avons certes applaudi et encourager les athlètes français, mais aussi des pongistes sénégalais, des kayakistes moldaves, des lutteurs iraniens, autant de sportifs inconnus pour lesquels nous avons vibré et démontrer au monde entier notre fraternité.

Un récent sondage montre que pour 81% des Français, les évènements sportifs contribuent à nous rassembler !

Alors on pourra toujours dire, écrire sur les réseaux sociaux que le sport et les grandes compétitions sportives ressemblent aux jeux du cirque, que ces jeux ont couté cher, très cher même, que le coût de ces jeux n’a pas été très clairement évalué, que le modèle des Jeux lui-même est dépassé, mais que nous restera-t-il pour nous retrouver, pour vibrer ensemble, pour fraterniser dans un monde qui se referme sur lui-même ?

Les grandes manifestations sportives, culturelles ou religieuses ont le mérite de rassembler les gens, là où beaucoup de dirigeants voudraient au contraire opposer, diviser, enfermer, isoler.

Les jeux, à condition évidemment que leur héritage ait été finement imaginé pour servir les intérêts de la pratique du sport par le plus grand nombre, c’est un peu l’antidote à la vague de protectionnisme qui s’apprête à déferler sur le monde. Et cet antidote, on va avoir besoin de la produire en grande quantité !

Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.