Le train à fond de cinquième (Jean Pinard) [ABO]

Il y a de cela quelques (dizaines) d’années, enfant je passais mes vacances dans un gîte situé à l’entrée du tunnel du Mont d’or sur la ligne Paris - Venise, et tous les soirs sur le coup des 19H, j’assistais à un spectacle fabuleux, à l’origine des premiers symptômes, certes légers quand on a 10 ans, de ma ferrovipathie.

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Le tunnel du Mont d’Or étant à voie unique, il fallait, pour les trains en provenance de Paris en direction de Milano Centrale, laisser passer et sortir du tunnel, le Simplon Express qui arrivait de Zagreb pour rejoindre Paris en fin de soirée.

Dans le Trans Europe Express (TEE) cisalpin qui faisait le trajet quotidien entre Paris et Milan, que des voitures inox de première classe, et devant moi sur le quai de la petite gare des Longevilles, il y a avait ce wagon-restaurant, rempli d’hommes d’affaires et de quelques familles qui se restauraient de plats que j’imaginais raffinés et préparés par de grands chefs qui avaient choisi les cuisines les plus exiguës pour faire parler leur talent.

Oui, ce spectacle me fascinait, tant je m’imaginais ce que pouvait ressentir un voyageur assis dans un wagon-restaurant, traversant les fabuleux paysages du haut Doubs, avant de longer le Léman, puis les lacs italiens juste avant la tombée de la nuit et l’arrivée dans la monumentale gare de Milan Centrale !

Se mouvoir en regardant les paysages la bouche pleine, c’était pour moi la plus belle définition du voyage, et celle qui très longtemps a alimenté mon imaginaire, et dès mes 18 ans obtenus, c’est donc tout naturellement que la carte Interail en poche, j’ai traversé la Scandinavie du Nord au sud et d’Est en Ouest, mais sans jamais m’aventurer dans un wagon-restaurant.

L'invention du chemin de fer a bouleversé la géographie des pays et la gestion des distances, et je trouve ce regain d’intérêt pour le train tellement enthousiasmant. Le monde redevient à portée de train et ça, ce n’est pas rien.

L’algorithme des réseaux sociaux n’y est sans doute pas pour rien, mais chaque jour c’est une vingtaine de posts consacrés au train qui m’interpellent, et ce qui me fascine quelques dizaines d’années plus tard, c’est, le nombre de témoignages de voyages en train, de sites, d’agences de voyages en ligne ou pas, de livres et guides ou encore d’initiatives de la part des pouvoirs publics, pour promouvoir le train.

C’est un véritable raz de marée ferroviaire qui vient rappeler que le tourisme est né du voyage, et qu’il est sain de rappeler que le temps du voyage, n’est pas du temps perdu, sinon autant se téléporter sur son lieu de vacances, mais qu’il fait partie intégrante de l’expérience du voyageur.

Prendre le temps de voyager, ce n’est pas un nouveau mantra, un nouveau concept marketing, mais un juste retour à la réalité de ce que doit être le voyage. Celui-ci n’est pas un espace-temps dans lequel on voyagerait plus vite que le temps de la rotation de la terre, en enfilant des fuseaux horaires, mais un temps de contemplation des paysages qui changent au fur à mesure qu’on s’éloigne de chez soi.

C’est en ce sens qu’il faut réhabiliter le train, et pas seulement parce que voyager en train est écoresponsable, il est important d’équilibrer ces deux ambitions, celle de l’écologie et celle de du temps gagné, celui qui nous fait découvrir des gens et des paysages, en opposition au « temps perdu » d’un voyage à 10 000m au-dessus des paysages.

Donc le voyage en train n’a jamais été aussi tendance et tant mieux.

Qui n’a pas entendu parler de Mollow, d’Hourrail, de Tictactrip, des projets de croisières ferroviaires, de nouvelles compagnies ici en France, pas un jour pour qui s’intéresse à la mobilité touristique, sans une information nouvelle sur le sujet.

Hier on apprenait que Discovery Train ouvrait la première agence physique à Paris dédiée aux voyages en train, rejoignant l’agence Belge Rail trip installée à Namur, qui se définit en créatrices d’aventures ferroviaires !

Voyager en train ne nous dispense pas, nous acteurs du tourisme, de proposer tous les services qui vont permettre de faciliter le parcours du voyageur, et c’est ce qui a été passionnant à faire quand nous avons travaillé sur le projet de l’Occitanie Rail Tour.

Au-delà de s’associer à Michelin qui pour la première fois de son histoire, ne faisait pas un guide touristique pour des voyages en voiture (avec des pneus), en consacrant un guide à l’Occitanie Rail tour, connecter de la donnée de mobilité avec de la donnée touristique, constitue à l’évidence le point de départ pour mener à bien tout projet destiné à encourager les voyageurs à prendre le train pour partir en vacances, ou mieux pour faire du voyage en train l’objet de leurs vacances.

En ce sens, à l’heure où nos dirigeants plaident une plus grande culture européenne, je me dis qu’offrir un Pass interail à tous les jeunes européens, renforcerait ce sentiment d’attachement à l’Europe dont nous avons tant besoin.

A nous de faire vous faire préférer le train afin de retisser des liens, me semble un programme d’une modernité à faire pâlir de jalousie les liberta-riens, dont la consanguinité les laissera sur le quai des voyages qui forment jeunes et moins jeunes à toujours plus de tolérance.

Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.