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Droits de douane et krach boursier : quel avenir pour l'économie ? [ABO]

Interview de Marc Touati, conseiller économique auprès d’eToro


Candidat favori des marchés et investisseurs en tout genre, Donald Trump avait vu la bourse américaine saluer son élection. Cinq mois plus tard et une politique agressive à l'encontre du monde entier, l'état de grâce est terminé. Les bourses dévissent et certains acteurs parlent même de krach boursier. Fortement dépendante de la bonne santé de l'économie, l'industrie touristique doit-elle craindre un ralentissement de son activité ? Nous décryptons avec l'aide de Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI, cette actualité forte en rebondissements.


Rédigé par le Mercredi 9 Avril 2025

Krach boursier : "Les grandes perdantes seront l'Europe et la France" selon Marc Touati - Depositphotos @SIphotography
Krach boursier : "Les grandes perdantes seront l'Europe et la France" selon Marc Touati - Depositphotos @SIphotography
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Il a été élu sur la promesse d'un nouvel âge d'or pour l'Amérique et une paix mondiale.

Moins de trois mois après son investiture, les promesses de Donald Trump semblent déjà en décalage avec la réalité vécue par les Américains et les citoyens du monde entier

Les pourparlers de cesser le feu en Ukraine ont fait long feu, ils ont au mieux rapproché les USA de la Russie et de la doctrine de Poutine.

D'ailleurs la paix n'a pas été obtenue en 48h, comme annoncée durant la campagne. Elle parait même illusoire à court ou moyen terme.

Et ce camouflet n'est pas le seul pour le 47e président des Etats-Unis. Après la flambée post-élections, la Bourse américaine enchaîne les séances dans le rouge, creusant une tendance baissière devenue inquiétante.

"Nous vivons un véritable krach boursier. Les marchés surréagissent à la hausse, comme à la baisse. La machine va redémarrer, mais pas dans l'immédiat, sans doute dans quelques mois. Il ne faut pas paniquer," analyse Marc Touati, conseiller économique auprès d’eToro.


"Un des kracks les plus violents de l'histoire", mais où le situer ?

Sur une seule journée, la perte a même atteint 1 800 milliards de dollars, soit l'équivalent du PIB de la Corée du Sud envolé en l'espace de seulement quelques heures.

Une chute libre provoquée par la mise en place des tarifs douaniers américains à l'encontre de tous les pays, même ceux non peuplés.

"Nous connaissons la plus forte baisse depuis le coronavirus. C'est l'un des krachs les plus violents de l'histoire, mais pour jauger vraiment de l'ampleur des dégâts et de la situation dans laquelle nous sommes engagés, il faudra attendre la réaction au 3e jour.

Si jamais aux USA, Wall Street reste orientée en baisse, alors nous pourrions connaitre la pire crise depuis 1987,
" analysait pour TourMaG, lundi 7 avril, l'économiste.

Il y a près de 40 ans, la bourse de New York connaissait un véritable lundi noir, avec une perte de 22,6%. Une forte chute qui n’a pas dégénéré grâce à la réaction rapide et massive de la FED (pour Federal Reserve, l'équivalent de la Banque Centrale Européenne).

A lire : Economie de la France : c'est grave docteur Touati ?

Le contexte de 2025 n’a plus rien à voir avec celui de la fin des années 1980. Une intervention de l'institution US semble pour l’heure exclue.

Nul ne sait encore jusqu'où la chute ira 10%, 20% ou 30 % supplémentaires.

Mais, la sortie de crise ne parait pas imminente, à en croire les derniers messages du président Trump. Il a dit ne pas envisager de pause, contrairement à ce qu'il avait fait au début de son mandat avec le Canada ou le Mexique.

En attendant, l'ouverture de Wall Street, les indices boursiers européens ont tenté un fébrile rebond.

"La mondialisation va être différente"

"Nous entrons dans une phase de correction des indices, après avoir un peu flambé dans le vide, après le covid.

Ce nouveau chapitre est justifié et salutaire. Le krach corrige une bulle qui était en place, un rebond est attendu, mais pas avant le 2e semestre de l'année. Et celui-ci ne devrait pas être très véloce.

Les mesures protectionnistes vont entrainer un ralentissement mondial de l'activité et l'inflation sera un peu plus forte,
" prédit l'économiste.

Globalement, sauf revirement trumpien, 2025 devrait être relativement compliquée et pour tout le monde.

Les entreprises devront affronter un marché moins propice aux échanges planétaires et faire face à des coûts en forte hausse. Les profits seront moins bons et les bourses, véritables indicateurs de la santé économique des pays, resteront moribondes.

Surtout, nous basculons dans un monde inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

"Nous assistons à une réorganisation mondiale. Un partage du monde entre les Américains, les Indiens et les Chinois. Beaucoup d'entreprises vont devoir ajuster leurs stratégies à ce qu'il se passe en ce moment même. La mondialisation va être différente et beaucoup plus complexe," poursuit Marc Touati.

La croissance s’annonce elle comme structurellement faible. Une dynamique qui impactera sensiblement les dépenses des ménages et les investissements des entreprises.

Droits de douane : "Sa politique est dangereuse"

Ce changement de cap a été imaginé par Peter Navarro.

Le conseiller au commerce de la Maison Blanche a purgé une peine de quatre mois de prison, suite à l'assaut du Capitol en refusant de comparaitre pour défendre le milliardaire.

Une fidélité récompensée, malgré la création fictive d’un prétendu expert, Ron Vara, pour justifier sa politique protectionniste et son hostilité à l'encontre des Chinois.

Dans un monde, où la visibilité des fake news est décuplée par l'algorithme des réseaux sociaux, il n'est pas étonnant que le penseur de la guerre économique mondiale de Trump soit lui-même... un menteur.

"Certes il a mis une claque à tout le monde, mais il a été élu pour ça et met en place ce qu'il avait annoncé durant sa campagne.

Il est incohérent de feindre la surprise. Après il est vrai que tout le monde va souffrir à cause de ce changement de paradigme.

Sa politique est dangereuse, il faut être honnête, par contre si elle fonctionne, l'impact sera incroyable pour l'économie de son pays. Il existe une probabilité que Trump se plante, la clé de sa réussite dépendra de la réaction de la Chine aux droits de douane,
" poursuit-il.

Une politique radicale qui rappelle étrangement celle de son homologue argentin, Javier Milei, mais avec des finalités tout autre.

La simple explication de la relocalisation de la production et des investissements ne peut pas à elle seule, tout justifier. Des usines ne vont pas émerger partout sur le territoire en quelques mois seulement.

Une telle transformation prendra des années et alors se posera la question des salariés, dans un pays en plein emploi.

"Le président des USA est un business man, il veut négocier avec les autres pays. In fine, son but est que le commerce continue de se faire en dollar et que les pays remplissent leurs réserves de billets verts.

Il sait très bien que sans un dollar fort, les Américains sont cuits, l'économie s'effondre. C'est plutôt astucieux, il n'est pas si fou.
"

Apôtre de la chute à venir de l'Union européenne, le conseiller économique d'eToro estime que le dindon de la farce sera, sans grande surprise, l’Europe.

"Les grandes perdantes seront l'Europe et la France"

Pour Marc Touati, la dynamique des deux côtés de l'Atlantique est bien différente. Le gouvernement d'une rive baisse l'endettement, de l’autre, il l’aggrave.

"La grande perdante sera l'Europe et la France en particulier. Nous ne sommes pas préparés à une telle situation. Quand je vois que nous allons répliquer aux droits de douane, je peine à y croire. Les exportations américaines vers la France représentent 0,2% de leur PIB, contre 3% dans le sens inverse.

L'UE affiche un excédent dans la balance commerciale par rapport aux USA, donc nous n'avons pas les armes. Pendant ce temps, les investisseurs étrangers se réorganisent, ils détournent leurs capitaux du continent européen. Le piège se referme sur nous,
" déplore l'économiste.

Plombées par un taux d'imposition record et des normes toujours plus lourdes, les entreprises européennes sont dans le dur et de moins en moins compétitives.

La CMA-CGM, dont le patron est pourtant un proche d'Emmanuel Macron, a annoncé vouloir investir 20 milliards aux USA.

"La seule réponse possible est de baisser les impôts qui pèsent sur les entreprises et les dépenses publiques, mais rien n’indique que cela soit envisagé. Le match est déjà perdu d'avance.

De plus, la valeur de l'euro est en train de remonter, donc c'est la double peine, car nos exportations vont coûter encore plus cher.

La bérézina française n'est pas causée par les droits de douane. La France va mal, parce que ses dirigeants ne sont pas à la hauteur, et cela va s'aggraver.

J'avais prédit une croissance de 0,5%, je crois que c'est encore optimiste, elle pourrait être à 0,2%, voire même pire. Je vais donner un conseil que je livre à chaque conférence à vos lecteurs : profitez de la vie et voyagez,
" conclut Marc Touati.

Lors de la crise des subprimes "le tourisme a été plus touché que la moyenne"

Après un début d'année plutôt moyen dans les agences de voyages, les mois à venir pourraient être plus compliqués si jamais la confiance des ménages et des chefs entreprises se détériore.

Pour rappel, lors de la crise financière de 2007-2008, le CREDOC avait enregistré l'un des plus bas taux de départ en vacances des Français, autour de 52%, contre 56% en 2006.

"La crise de 2008-2009 a touché plus fortement et plus durablement le tourisme que la moyenne...

En 2009, le recul du marché touristique (– 3,2 %) était proche de celui de l’activité économique (– 3,9 %), avec un plus fort recul du tourisme récepteur (– 5,2 %) et émetteur (– 4,4 %) que du tourisme interne (-0,8 %),
" expliquait Gilles Caire, Maître de conférences HDR d’économie à l’université de Poitiers Membre du CRIEF (Centre de recherche sur l’intégration économique et financière).

Sauf que le début des années 2000 était presque une autre ère. Depuis le voyage est devenu un besoin quasi essentiel pour une majorité de Français.

L’effet Trump re-fera-t-il du tourisme une variable d’ajustement des budgets de nos compatriotes ? Les prochains mois nous le dirons.


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