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Tailler la route : quand le cinéma donne un sens au voyage [ABO]

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Fasciné par l’univers des vacances, des voyages et du tourisme, le septième art a produit des œuvres inoubliables qui ont diverti plusieurs générations, notamment en France où, des « Bronzés » aux croisiéristes en passant par les « campeurs », les réalisateurs ne se sont privés d’aucun gag et aucun cliché pour battre des records d’audience et faire des vacances un thème souvent trop caricatural. Mais, des films plus discrets - comme « Tailler la route » - en disent aussi beaucoup sur le monde du voyage, notamment de la « route » à partir de laquelle dans les années soixante on découvrait le monde, on se découvrait soi-même et l’on donnait un sens au voyage.


Rédigé par le Mercredi 9 Avril 2025

Tailler la route : quand le cinéma donne un sens du voyage - Depositphotos.com Auteur Wassiliy
Tailler la route : quand le cinéma donne un sens du voyage - Depositphotos.com Auteur Wassiliy
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D’un côté, il y a les guides du Routard qui occupent le devant des affiches de cinéma avec un film éponyme signé par Philippe Mechelen. Retraçant les mésaventures à Marrakech d’un jeune embauché pour vérifier 40 adresses sélectionnées par le célèbre guide, le film a tôt fait de dégénérer en comédie quand le jeune homme en question censé faire ses vérifications incognito, fait exactement le contraire de ce qu’on lui demande.

Rapidement éventée, la présence des Guides du Routard dans le ville rose devient le cadre d’une histoire de trafic d’art, composée de gags et autres mésaventures « drôlettes » permettant à ce film de distraire son public tout en l’introduisant dans les couloirs de la rédaction de guides touristiques.

Pari réussi ? Si l’on en croit les critiques de magazines comme Paris-Match ou le Soir ou Télérama : Non. Le film ne vaut pas le voyage bien que porté par des vedettes comme Christian Clavier et le regretté Michel Blanc. Nous en resterons donc à l’avis d’Allo Ciné qui y voit « Une comédie sans prétention mais efficace, qui repose sur un humour accessible et une aventure rythmée » tout en saluant l’audace consistant à prendre le risque de ternir l’image des guides les plus lus de France qui, depuis 50 ans, remplissent les proches d’un lectorat en évolution constante.*


« Tailler la route » : un vrai documentaire sur les vrais routards

En revanche, à peu près au même moment mais avec moins de battage médiatique, un film documentaire en deux parties, que son réalisateur Edwin Roubanovitch a mis dix ans à peaufiner, sort dans quelques salles et présente des interviews de dizaines de jeunes Français de la génération du baby-boom ayant succombé à l’appel de la route et notamment de la route des Indes.

Partis de France pour rejoindre le Népal et les Indes, la grande majorité d’entre eux, âgés de plus ou moins 20 ans, n’avaient le plus souvent aucune expérience des grands voyages.

Entraînés par une mode qui n’a fait que s’amplifier au cours des années soixante et soixante-dix, ils décrivent avec humour et lucidité leur périple à travers la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan… à bord de « Magic bus » et de toutes sortes d’autres moyens de transports. Puis le voyage en Inde. Seuls ou à plusieurs, totalement dans la déche ou un peu plus fortunés, la plupart d’entre eux décrivent dans leur récit le voyage d’une vie, de ces voyages fondateurs dont on ne revient pas exactement comme on est partis. Et qui donnent du sens à une existence.

Pour Edwin Roubanovitch qui, lui-même, n’a fait le voyage que dans les années quatre-vingt-dix, il s’agissait bel et bien de trouver une réponse à la question « historique » qu’il se posait : « Pourquoi tant de jeunes ont été attirés par les Indes et par ce genre de voyage ? ». Et pour cela, il s’agissait de rencontrer ces ex globe-trotters capables de se souvenir sur le ton le moins mélodramatique possible ( au contraire), es multiples étapes de leur périple.

Après une quarantaine d’interviews de gens qui venaient de tous les milieux, le réalisateur en a conclu que « beaucoup suivaient une mode mais recherchaient aussi la rencontre, le partage, la solidarité et la découverte de soi. Découverte mais pas construction de soi ! » Sans pour autant céder unanimement à l’appel de substances artificielles et à des élans de spiritualité que l’on a beaucoup médiatisés dans des films comme celui d’André Cayatte « Les chemins de Katmandou » mais qui ne correspondaient pas complétement à la réalité.

D’ailleurs, au début, comme le raconte le réalisateur de Tailler la route : « les Népalais ne se sont pas du tout émus de cet arrivage de globe-trotters parfois hirsutes qui papillonnaient dans les rues. » Ils trouvaient ça normal avant que l’ambassade de France commence à s’en inquiéter et envoie des médecins tenter de secourir les plus déboussolés.

Le hippie trail : un voyage pas comme les autres

Edwin R. : « Entre 1968 et 1979 s’est déroulée une histoire fascinante aujourd’hui assez méconnue car leurs protagonistes n’en parlent pas vraiment. Même à leurs enfants. Des milliers de jeunes sont partis se découvrir eux-mêmes vers des destinations dont les noms sont mythiques : Kaboul, Goa, Bénarès, Katmandou ».

« L’attrait du voyage et le sentiment d’étouffer dans une France pourtant prospère était leur seul dénominateur commun. Et ce fut probablement le cas dans tous les pays… C’était une période où se sont conjugués l’esprit de contre-culture, le plein emploi et les frontières ouvertes ».

Bien que diverses, compte tenu des histoires personnelles, les motivations de ces jeunes ont surtout permis de lever le voile sur l’immense différence entre voyages d’hier et d’aujourd’hui.

Comme le dit encore l’auteur : « la facilité et l’insouciance avec laquelle on pouvait partir m’a surpris. C’était une façon inenvisageable aujourd’hui. A mi chemin entre le voyage de masse et les voyages d’explorateurs ».

Des différences de taille motivées par l’état du monde et notamment les conflits et gouvernements totalitaires qui parsèment aujourd’hui la route allant d’Istanbul à Lahore. Autres différences majeures : la faiblesse des moyens de communication de l’époque. On se laissait des messages porte restante ou dans les bureaux d’American Express que l’on venait ou pas chercher. On ne se téléphonait jamais. Et évidemment, en matière de guides, il a fallu attendre 1973 : le premier « Routard » pour commencer à savoir à peu prés dans quelle direction aller.

Rien de commun avec nos cyber communications, nos réseaux sociaux, nos influenceurs, nos messageries déversant messages, photos et films pour la plupart inutiles.

D’ailleurs, à propos de photos et de films, la partie n’a pas été très facile pour le réalisateur car, au risque de surprendre les plus jeunes de nos lecteurs, on ne faisait quasiment ni photo ni film, faute d’avoir les appareils adéquats. Mais, cette lacune a été complétée par les entretiens avec d’autres protagonistes de cette époque : des médecins, des anciens ambassadeurs et quelques personnalités exceptionnelles comme ces visiteurs d’Auroville dans l’état de Pondichéry qui eurent le privilège de rencontrer Mira Alfassa, « la mère »….

… Tout cela pour dire qu’entre pseudo comédies flirtant avec un marketing évident, il est des images et des narratifs capables de creuser dans les racines de la mémoire et de restituer la sociologie et l’air du temps d’époques révolues. Indispensables à une connaissance approfondie de la population touristique et peut-être à son futur, ces témoignages sont aussi un moment de vraie nostalgie. Quand le monde ne suffoquait pas sous la technologie et que les images de voyages restaient imprimées dans nos têtes, dans des mots et des musiques…

En savoir plus sur : Tailler la route

A lire aussi : Futuroscopie - Les Routards ne sont plus ce qu'ils étaient...

GUIDES OU RÉCITS DE VOYAGES : en chiffres *

En matière de guides touristiques : où en est-on ? Selon un article de Livres Hebdo publié le 17 mars 2025, le marché des guides touristiques en France a enregistré en 2024 une baisse de 6,3 % en volume et de 3 % en valeur par rapport à l'année précédente. Cette diminution a surpris les éditeurs, d'autant plus que l'industrie du voyage affichait une bonne santé durant la même période.

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer ce recul, notamment une conjoncture politique instable en France, l'impact de la loi Darcos sur les frais de port du livre, ainsi que des incertitudes géopolitiques mondiales.

La baisse a particulièrement touché les guides consacrés à la France, avec une diminution de 13,1 % en volume et de 10 % en valeur, atteignant jusqu'à 37 % de recul pour les guides sur Paris. En revanche, les guides sur des destinations internationales, notamment en Asie et en Europe du Nord, ont mieux résisté, bénéficiant de la reprise du tourisme international et des trafics aériens.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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