Futuroscopie - Et si le ski n'était pas mort ? [ABO]

Il y a du changement dans l’air c’est certain, et nous sommes les premiers à le souligner dans la plupart de nos articles. Notamment ceux sur la montagne.

Mais, pour Laurent Vanat, auteur de référence de l’excellent « Rapport International sur le tourisme de neige et de montagne » initié dès 2009, la situation de la montagne est loin d’être aussi dramatique qu’on le prétend.

A l’occasion de la présentation de son rapport sur les données 2023, voici ce qu’il a affirmé en avril dernier avec d’autant plus d’assurance que l’année passée a enregistré dans le monde 375 millions de journées skieurs, soit un chiffre relativement honorable, stable et parfois même record.

Dans des pays comme les USA, le Canada et l’Italie et autres marchés matures, des augmentations flagrantes ont été enregistrées.

Tout comme dans l’Hexagone durant les fêtes de fin d’année où la qualité des domaines skiables, leur taille, leurs équipements sportifs et la variété de leur offre ont eu raison des hésitations et des inquiétudes de certains.

La France compte 250 stations de ski alpin et environ 180 exploitants de stations de ski.

Chaque hiver, les stations françaises reçoivent 10 millions de touristes.

La France génère chaque année plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, 55 millions de journées de ski et 18 000 salariés, répartis en 20 métiers, se classant parmi les trois premiers mondiaux.

La taille du marché des stations de ski françaises est estimée à 10 milliards d’euros, avec 10 millions de touristes dont 25% d’étrangers. Plus de 120 000 emplois en France dépendent de l’ouverture des stations de ski (commerces, hébergements, école de ski, services de la station, etc.)

Sources : skidata.io

Objectivement, selon le consultant, « le ski n’est donc pas mort. Et, il n’y a aucune raison de le faire disparaître tant qu’il est encore parfaitement viable et qu’il peut le rester dans les stations qui font l’essentiel de l’activité de la branche ».

Cependant, un bonheur n’arrivant jamais seul, c’est parce que les dites stations ont amélioré leur offre que les performances sont au rendez-vous.

Et Laurent Vanat de souligner quelques points :

- la hausse de fréquentation liée au développement des forfaits saison dans divers pays ;

- le développement de solutions de billetterie innovantes, avec une expansion de la tarification dynamique et des modèles de tarification alternatifs, tels que le paiement à l’utilisation ;

- le passage de la vente de billets de remontées mécaniques à l’élaboration d’une véritable offre d’expériences à la montagne ;

- la poursuite des investissements, à la fois pour consolider l’activité ski et pour diversifier les activités, notamment sur le 4 saisons. Sachant cependant que le fonctionnement hivernal demande de tels investissements qu'il est impossible d'imaginer des investissements à même hauteur pour l'été.

Mais, le plus frappant des constats du Rapport réside dans le fait que finalement, le nombre de skieurs dans le monde a tendance à augmenter alors que les jours skieurs restent à un niveau stable.

Laurent Vanat en tire donc la conclusion qu'effectivement les skieurs sont de plus en plus nombreux mais skient de moins en moins.

Ce qui fait qu'il y a finalement un potentiel énorme de développement pour les stations de ski recevant cette clientèle à qui l’on n’a pas besoin d’apprendre à skier, mais qui veut expérimenter autre chose.

Un autre chose programmé à travers de riches palettes de loisirs, événements, stages, ateliers, randos, concerts, spectacles diverses pour adultes et enfants.

Force est en effet de constater que les stations, surtout les petites, ont répondu à l’appel de la diversification proposant des activités douces, traditionnelles, voire folkloriques ou de santé et bien-être. Mais qui risquent à moyen terme de se dévaloriser à force de banalisation et de transformer la montagne en un vaste parc de divertissement en perte d’authenticité.

Parallèlement, force est de constater que, malgré nos efforts et notre tendance à l’ethnocentrisme, d’autres massifs sur d’autres continents sont déjà sur les rangs pour accueillir un lot de skieurs complémentaires.

Certes, eux aussi sont menacés par les mêmes maux, mais l’Inde, le Japon, la Corée du sud, le Canada, les pays scandinaves ou le Chili ont d’emblée joué une carte axée sur de la multi activité.

Et, hormis quelques véritables usines à ski, ces destinations ont appris à proposer un environnement propre à la détente, non dénué de charme et d’intérêt. Parmi elles, celles capables de relever le mieux le défi de l’avenir ont en plus une qualité majeure : elles sont proches de la France et de mieux en mieux desservies.

Où sont-elles ? En Europe de l’Est où la culture du ski est ancienne et très bien implantée et où elle est combinée aujourd’hui à des équipements de qualité.

Ainsi, la Bulgarie compte 230 kilomètres de piste, la Pologne offre environ 300 km de domaines skiables, la Roumanie propose 250 km de pistes, la République tchèque compte plus de 300 domaines skiables et un millier de remontées mécaniques…

Particulièrement documenté et actualisé, le site www.skiresort.fr qui inventorie les stations de ces pays, leurs équipements et surtout leur offre d’hébergement disponible et accessible via des liens comme Booking, Abritel, Airbnb, ne cache pas sa confiance dans cette offre.

D’autant que les moyens de transport sont de plus en plus avantageux et de plus en plus nombreux et proches des stations.

Les trajets en train qui seront de plus en plus prisés par des clientèles plus proches pourraient également encourager une demande de clientèles jeunes et « écolo », en quête par ailleurs de petits prix.

Il est vrai que d’ores et déjà, à Straja en Roumanie, on facture les hôtels 8,40 euros par étoile (en moyenne) et 26 euros pour un forfait journalier de remontées. A Bansko, en Bulgarie, comptez plutôt 50 euros pour 14 remontées mécaniques…

Le site skiinfo.fr fournit également des informations de qualité sur l’offre de toutes ces destinations qui, à défaut de séduire aujourd’hui un public français, sont très bien positionnées sur leurs marchés nationaux.

Reste la Chine à la tête de 700 stations capables de répondre à une demande de 300 millions de skieurs. Celle-ci possède certes un attrait qui pourrait détourner vers ses domaines skiables une clientèle occidentale curieuse, en quête de séjours combinés : découverte et sports.

Quant à l’Inde, elle prévoit dans l’Himalaya des développements, mais nettement plus modestes et surtout axés sur le bien-être. Et cela surtout, pour une clientèle domestique.

Capables de faire rêver les « aventuriers », d’autres pays semblent aussi sur les rangs pour capter leur part de clients. Il s’agirait du Pakistan, du Népal, du Bhoutan, du Cachemire… Il s’agirait aussi de l’Algérie, d’Israël, du Liban, si la paix revient un jour.

Ou encore de l’Afrique du sud et plus précisément des montagnes pelées du Maluti au Lesotho, où s’étire une bande blanche de poudre artificielle, la piste du domaine d’Afriski !

Il s’agit aussi du Maroc et de sa station de l’Oukaimeden proche de Marrakech qui a revu ses ambitions à la baisse mais n’en propose pas moins quelques glisses !

Et puis, enfin, il y aura ces stations totalement artificielles, ces stations comme l’Arabie saoudite s’apprête à en construire pour accueillir des Jeux asiatiques d’hiver.

Avec une dépense de quelque 500 milliards de USD, la monarchie compte bien provoquer l’admiration du monde entier et héberger une fois l’événement passé, des touristes plus ou moins skieurs en quête d’un luxe artificiel tel que l’on ne devrait plus en autoriser.

D’ores et déjà, le projet Neom devrait compter 36 km de pistes et plus de 3 500 chambres d’hôtels !

- USA : 470

- France : 317

- Italie : 349

- Autriche : 253

- Japon : 497

- Chine : 778

- Suisse : 181

- Canada : 280

- Suède : 228

- Russie : 354

En tête des massifs les plus performants, les Alpes proposent plus d’un tiers des stations de ski et surtout l’essentiel des grands domaines skiables du monde : 80%, contre 20% seulement pour les chaînes américaines.

Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com