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Dans le monde du tourisme, s’il y a une couleur très à la mode, c’est bien le vert qui illustre toutes les publications et les programmes dédiés au tourisme durable. Pas un schéma, pas une stratégie sans une confusion devenue finalement très contreproductive entre le tourisme durable et le tourisme vert.
Le vert c’est le pigment de la chlorophylle, molécule qui joue un rôle clé dans la réalisation de la photosynthèse, le processus biochimique qui permet aux plantes de créer leur propre énergie organique à partir de l'énergie lumineuse provenant du soleil.
La photosynthèse c’est aussi ce qui va permettre aux végétaux d’utiliser la lumière et le CO2 de leur environnement pour synthétiser des glucides nécessaires à leur croissance, en rejetant de l'oxygène dans l'eau (ou l'atmosphère). C'est grâce à la chlorophylle que ce phénomène est rendu possible, parole de forestier !
A lire aussi : Jean Pinard : "Disons-le une fois pour toutes... Le tourisme ne sera pas durable !"
Le tourisme vert, c'était quoi ?

La chlorophylle est donc l’amie de tous les programmes dédiés au tourisme durable de la planète, et c’est intéressant de constater cette évolution sémantique, qui voulait qu’il y a encore à peine 15 ans, quand on parlait de tourisme vert, on parlait de vacances à la campagne, et plus précisément de tourisme rural. Cela faisait écho à une géographie du tourisme, qui distinguait, le tourisme balnéaire, le tourisme urbain, le tourisme à la montagne et donc le tourisme vert.
Le tourisme vert c’est ce qui restait, le tourisme par défaut de l’espace rural, le tourisme de la diagonale du vide, le tourisme des prolos. C’était ce qu’on ne savait pas vraiment qualifier, ce qui représentait les fameux 80 de la loi de Parreto qu’on nous ressort à chaque fois qu’on parle de surtourisme.
Le tourisme vert c’est 80% du territoire, mais 20% de la fréquentation et à peine 10% de l’économie, chiffres jamais vérifiés, mais qui conviennent à tout le monde. Comme le dessinait Reiser dans l’album de la « famille O boulot en vacances », le tourisme vert c’est celui « des vieux en Pataugas et sacs à dos qui bouffent des œufs durs sous les sapins », sans pour autant faire référence à une vision écologique du tourisme.
Ce qui n'est pas durable dans le tourisme, ce sont les pratiques des autres
Et puis surgit la notion de tourisme durable, et l’idée de fusionner le tourisme durable avec le tourisme vert s’impose très vite, autant par une sorte de conformisme intellectuel, que par facilité marketing.
La pratique d’activités qu’on rattache au tourisme vert, de la part de ceux qui manient le plus le concept de tourisme durable, a fait que ces derniers ont imposé comme référence du tourisme durable, leur propre pratique de vacances. Je peux en parler d’autant plus facilement que je fais partie de ces vacanciers, qui fuyaient les foules en considérant que ma pratique du canoë, ou du ski nordique, faisait de moi un touriste responsable.
Et ça m’allait bien de dire que ce qui n’était pas durable dans le tourisme, c’étaient les pratiques des autres, et comme les autres étaient beaucoup plus nombreux que moi, c’était assez simple de considérer que le problème du tourisme, c’était la masse, les grands nombres, le peuple quoi.
Il y a donc une sorte de biais cognitif qui nous amène à confondre tourisme vert et tourisme durable, et qui nous amène à créer une forme de hiérarchie dans les pratiques de vacances, selon l’activité et le lieu de notre temps libre. C’est ainsi que, comme pas mal de monde, j’ai naïvement pensé que plus le tourisme était diffus, moins son impact sur l’environnement serait important, rejetant par là même les grandes missions d’aménagement engagées notamment par l’État.
La pratique d’activités qu’on rattache au tourisme vert, de la part de ceux qui manient le plus le concept de tourisme durable, a fait que ces derniers ont imposé comme référence du tourisme durable, leur propre pratique de vacances. Je peux en parler d’autant plus facilement que je fais partie de ces vacanciers, qui fuyaient les foules en considérant que ma pratique du canoë, ou du ski nordique, faisait de moi un touriste responsable.
Et ça m’allait bien de dire que ce qui n’était pas durable dans le tourisme, c’étaient les pratiques des autres, et comme les autres étaient beaucoup plus nombreux que moi, c’était assez simple de considérer que le problème du tourisme, c’était la masse, les grands nombres, le peuple quoi.
Il y a donc une sorte de biais cognitif qui nous amène à confondre tourisme vert et tourisme durable, et qui nous amène à créer une forme de hiérarchie dans les pratiques de vacances, selon l’activité et le lieu de notre temps libre. C’est ainsi que, comme pas mal de monde, j’ai naïvement pensé que plus le tourisme était diffus, moins son impact sur l’environnement serait important, rejetant par là même les grandes missions d’aménagement engagées notamment par l’État.
Ce qui va faire baisser le bilan carbone du tourisme, c’est la concentration de la fréquentation
Et puis un jour à 28 ans je suis arrivé dans le Médoc pour prendre la direction de sites touristiques, dont la plus grosse base de loisirs françaises issue de la mission d’Aménagement de la côte d’Aquitaine, Bombannes située à quelques encablures de Lanacau. Et mon regard sur le tourisme durable a radicalement changé.
Je sais que je vais faire hurler quelques amis, mais mon mantra sur ce sujet, c’est de considérer que ce qui va faire baisser le bilan carbone du tourisme, ce qui va limiter l’empreinte du tourisme sur l’environnement c’est la concentration de la fréquentation !
Pas facile de le valider, et pourtant. Plus l’offre est diffuse, plus le camion poubelle qui ramasse les ordures ménagères va faire des kilomètres, plus les visiteurs prendront leur voiture pour aller chercher le pain, plus les camionnettes des fournisseurs feront eux aussi des km.
Concentré c’est ce qui permet de limiter l’impact du tourisme, c’est ce qui évite des aménagements diffus… comme dans les villes d’ailleurs. La concentration urbaine, qui sur le principe est assez horrible pour ceux qui la subisse, s’impose dans toutes les stratégies d’urbanisme parce qu’elle permet d’éviter l’étalement urbain.
La mission d’aménagement de la côte Aquitaine, s’est concentrée sur 3 stations, Hourtin, Carcans et Lacanau afin de limiter l’étalement urbain sur une côte qui ne manquait pas de place, et pourtant quand on parle de ces stations, on fait immédiatement référence au tourisme de masse, qui serait l’antithèse du tourisme durable.
Je sais que je vais faire hurler quelques amis, mais mon mantra sur ce sujet, c’est de considérer que ce qui va faire baisser le bilan carbone du tourisme, ce qui va limiter l’empreinte du tourisme sur l’environnement c’est la concentration de la fréquentation !
Pas facile de le valider, et pourtant. Plus l’offre est diffuse, plus le camion poubelle qui ramasse les ordures ménagères va faire des kilomètres, plus les visiteurs prendront leur voiture pour aller chercher le pain, plus les camionnettes des fournisseurs feront eux aussi des km.
Concentré c’est ce qui permet de limiter l’impact du tourisme, c’est ce qui évite des aménagements diffus… comme dans les villes d’ailleurs. La concentration urbaine, qui sur le principe est assez horrible pour ceux qui la subisse, s’impose dans toutes les stratégies d’urbanisme parce qu’elle permet d’éviter l’étalement urbain.
La mission d’aménagement de la côte Aquitaine, s’est concentrée sur 3 stations, Hourtin, Carcans et Lacanau afin de limiter l’étalement urbain sur une côte qui ne manquait pas de place, et pourtant quand on parle de ces stations, on fait immédiatement référence au tourisme de masse, qui serait l’antithèse du tourisme durable.
Des Pataugas pour randonner, ce n’est pas plus écoresponsable que des tongs à la plage
Les nouveaux concepts très marketing, d’écotourisme ou de slow tourisme seraient beaucoup plus vertueux, et donc forcément porteurs des valeurs d’un tourisme éco-responsable. C’est ça le discours qui domine, mais j’attends qu’on me fasse la démonstration que visiter un musée, marcher en ville, ou se baigner dans l’Océan serait moins durable que marcher en Vanoise.
Je souris à chaque fois qu’il s’agit d’illustrer les hébergements porteurs de cet écotourisme, de voir des petites structures disséminées dans la forêt. Sont-elles plus éco- responsables qu’un Center Parc qui chauffent ses cottages et sa piscine grâce à la géothermie ? Pas sûr !
Dans quelle catégorie on range l’offre d’Airbnb ? Je mets de côté, l’offre urbaine qui pose de vrais problèmes d’habitabilité, mais cette offre qui n’a pas fait couler de béton, qui n’a pas engendré de nouvelles stations d’épuration, de nouvelles lignes de bus, est-elle plus « verte », donc plus durable, que des écolodges plantés en pleine forêt ?
Je sais, ce n’est pas touristiquement correct de poser ce type de question, mais si on reste dans cette appréciation simpliste, on se plante ! L’écotourisme et le slow tourisme ce sont des pratiques touristiques, au même titre que le tourisme balnéaire, que les gens qui sont adeptes de ces pratiques ressemblent aux touristes de Reiser, peut-être, mais, des Pataugas pour randonner, ce n’est pas plus écoresponsable que des tongs à la plage.
Alors quand je vois que la photo qui a illustré l’affiche du salon dénommé « destination nature » mettait en avant un combi WV posé en pleine nature au bord de la rivière, sans que personne ne bronche, je me dis qu’il est temps de reposer le sujet du tourisme durable sur la table, de sortir de ce déterminisme social qui pourrit le débat, et de travailler à la redéfinition de ce qu’est le tourisme durable de manière moins … monopolistique.
Je souris à chaque fois qu’il s’agit d’illustrer les hébergements porteurs de cet écotourisme, de voir des petites structures disséminées dans la forêt. Sont-elles plus éco- responsables qu’un Center Parc qui chauffent ses cottages et sa piscine grâce à la géothermie ? Pas sûr !
Dans quelle catégorie on range l’offre d’Airbnb ? Je mets de côté, l’offre urbaine qui pose de vrais problèmes d’habitabilité, mais cette offre qui n’a pas fait couler de béton, qui n’a pas engendré de nouvelles stations d’épuration, de nouvelles lignes de bus, est-elle plus « verte », donc plus durable, que des écolodges plantés en pleine forêt ?
Je sais, ce n’est pas touristiquement correct de poser ce type de question, mais si on reste dans cette appréciation simpliste, on se plante ! L’écotourisme et le slow tourisme ce sont des pratiques touristiques, au même titre que le tourisme balnéaire, que les gens qui sont adeptes de ces pratiques ressemblent aux touristes de Reiser, peut-être, mais, des Pataugas pour randonner, ce n’est pas plus écoresponsable que des tongs à la plage.
Alors quand je vois que la photo qui a illustré l’affiche du salon dénommé « destination nature » mettait en avant un combi WV posé en pleine nature au bord de la rivière, sans que personne ne bronche, je me dis qu’il est temps de reposer le sujet du tourisme durable sur la table, de sortir de ce déterminisme social qui pourrit le débat, et de travailler à la redéfinition de ce qu’est le tourisme durable de manière moins … monopolistique.
Jean Pinard - Mini Bio
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Président de la société de conseils Futourism :
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.