TourMaG.com - Que vous inspirent les affaires des Mutuelles et Thomas Cook ?
Richard Soubielle : Ça ressemble à un jeu politico-médiatique. Pour les mutuelles, la distribution connaît la situation, elle sait que ces ventes existent ; il n’y a qu’à voir les contrats et leurs clauses…
Pour autant, on adopte une posture politique : « Je défends les gens que je représente ». Dans peu de temps, les mutuelles seront immatriculées et on continuera à vendre, avec l’accord de tout le monde.
Dans cette histoire purement commerciale, le SNAV, organe politique, n’a rien à dire : « même droits – même devoirs », ça, c’est le terrain du SNAV.
TourMaG.com - Et l’affaire Thomas Cook...
R. S. : Est-ce une manière de se débarrasser d’une partie de ses fournisseurs ? Je ne sais pas.
Pour autant, les responsables de Thomas Cook ne sont pas des débutants, ils ont pesé les avantages et les inconvénients. Cela dit, ce n’est pas un précédent suffisant pour modifier la relation entre les producteurs et la distribution.
En revanche, je retiens que Thomas Cook, en valorisant financièrement ses efforts pour mieux vendre, s’est considéré lui-même comme un distributeur actif, alors que les TO ressentent toujours une grosse différence entre les investissements qu’ils réalisent et le résultat de leurs ventes via les distributeurs.
Richard Soubielle : Ça ressemble à un jeu politico-médiatique. Pour les mutuelles, la distribution connaît la situation, elle sait que ces ventes existent ; il n’y a qu’à voir les contrats et leurs clauses…
Pour autant, on adopte une posture politique : « Je défends les gens que je représente ». Dans peu de temps, les mutuelles seront immatriculées et on continuera à vendre, avec l’accord de tout le monde.
Dans cette histoire purement commerciale, le SNAV, organe politique, n’a rien à dire : « même droits – même devoirs », ça, c’est le terrain du SNAV.
TourMaG.com - Et l’affaire Thomas Cook...
R. S. : Est-ce une manière de se débarrasser d’une partie de ses fournisseurs ? Je ne sais pas.
Pour autant, les responsables de Thomas Cook ne sont pas des débutants, ils ont pesé les avantages et les inconvénients. Cela dit, ce n’est pas un précédent suffisant pour modifier la relation entre les producteurs et la distribution.
En revanche, je retiens que Thomas Cook, en valorisant financièrement ses efforts pour mieux vendre, s’est considéré lui-même comme un distributeur actif, alors que les TO ressentent toujours une grosse différence entre les investissements qu’ils réalisent et le résultat de leurs ventes via les distributeurs.
TourMaG.com - C’est un vieux débat...
R. S. : Peut-être mais, entre les producteurs et les distributeurs, c’est un point qui n’a pas été revu de puis des années. Or aujourd’hui, si le volume de ventes a sa valeur, c’est surtout la conquête des parts de marché qui devrait être rémunérée ; une conquête que l’on doit analyser précisément, aux plans national et local…
La distribution ne vit pas une période faste mais, hormis ceux qui font du produit « entrée de gamme », les TO ont tous besoin d’un relais de prescription ; surtout avec la prise en otage actuelle du marché par des industriels qui pratiquent des prix extrêmement bas.
TourMaG.com - D’où la pertinence offensive de l’opération Thomas Cook
R. S. : J’en doute… Rappelez-vous qu’ils ont appris à se débrouiller seuls après le coup des brochures Jet Tours logotées Thomas Cook. Par ailleurs, étant intégré, on peut supposer que leur production interne représente au moins 70 à 80 % de leurs ventes.
Reste 20 à 30 % qui leur vient des autres producteurs. Si j’en crois ce que les bruits qui courent, certains TO auraient été facturés de 200 000 €, pour 1,5 % de prélèvement supplémentaire… De quoi en déduire que Thomas Cook a des volumes de vente énormes… Ça me laisse rêveur…
Non, dans cette affaire, je crois qu’il y a d’abord un objectif boursier, en affichant de meilleurs résultats comptables, une opération purement interne, avec un patron qui vend intelligemment sa fermeté et sa détermination, et ensuite, sans doute, une magnifique occasion de semer la zizanie entre la production et la distribution.
R. S. : Peut-être mais, entre les producteurs et les distributeurs, c’est un point qui n’a pas été revu de puis des années. Or aujourd’hui, si le volume de ventes a sa valeur, c’est surtout la conquête des parts de marché qui devrait être rémunérée ; une conquête que l’on doit analyser précisément, aux plans national et local…
La distribution ne vit pas une période faste mais, hormis ceux qui font du produit « entrée de gamme », les TO ont tous besoin d’un relais de prescription ; surtout avec la prise en otage actuelle du marché par des industriels qui pratiquent des prix extrêmement bas.
TourMaG.com - D’où la pertinence offensive de l’opération Thomas Cook
R. S. : J’en doute… Rappelez-vous qu’ils ont appris à se débrouiller seuls après le coup des brochures Jet Tours logotées Thomas Cook. Par ailleurs, étant intégré, on peut supposer que leur production interne représente au moins 70 à 80 % de leurs ventes.
Reste 20 à 30 % qui leur vient des autres producteurs. Si j’en crois ce que les bruits qui courent, certains TO auraient été facturés de 200 000 €, pour 1,5 % de prélèvement supplémentaire… De quoi en déduire que Thomas Cook a des volumes de vente énormes… Ça me laisse rêveur…
Non, dans cette affaire, je crois qu’il y a d’abord un objectif boursier, en affichant de meilleurs résultats comptables, une opération purement interne, avec un patron qui vend intelligemment sa fermeté et sa détermination, et ensuite, sans doute, une magnifique occasion de semer la zizanie entre la production et la distribution.
TourMaG.com - Une zizanie qui pourrait s’envenimer ?
R. S. : La crise est trop forte, et l’avenir trop sombre, car elle ne fait que commencer. Dans ces conditions, je pense que personne n’est prêt à ouvrir vraiment les hostilités. D’ailleurs ça fait longtemps que la distribution a accepté que les TO vendent en direct ; de même que la production, malgré ses risques financiers, accepte que la distribution produise… Cela étant, comme le marché ne grandit pas, il y aura forcément des dérapages.
TourMaG.com - Sans compter la pression d’internet…
R. S. : Oui, ça en rajoute, mais pas tant comme canal de vente… plus comme nouveau mode de commercialisation, qui désacralise l’intermédiation des ventes. En fait, pour quelques avantages financiers, bien mis en avant par les marketeurs du on line, les agences perdent la main…
TourMaG.com - Jean-François Rial et Erminio Eschena pensent qu’on assiste à la fin d’un modèle…
R. S. : Ce n’est pas le modèle économique qui est fini, c’est plus profond que ça. Le marché se ressert et la concurrence se durcit. La vraie question, c’est de savoir si les meilleurs prix doivent toujours être liés aux plus gros volumes…
Dans les 5 ans à venir, si rien n’est fait, les Allemands et les Anglais seront les seuls maîtres du marché européen. D’où la stérilité des querelles institutionnelles autour des projets de confédération. Il est temps d’en prendre conscience… Et pour ça, il faut donc se rencontrer, discuter, voir les synergies potentielles en évaluant les rapports de force entre le « Bloc Nord » et le Sud.
R. S. : La crise est trop forte, et l’avenir trop sombre, car elle ne fait que commencer. Dans ces conditions, je pense que personne n’est prêt à ouvrir vraiment les hostilités. D’ailleurs ça fait longtemps que la distribution a accepté que les TO vendent en direct ; de même que la production, malgré ses risques financiers, accepte que la distribution produise… Cela étant, comme le marché ne grandit pas, il y aura forcément des dérapages.
TourMaG.com - Sans compter la pression d’internet…
R. S. : Oui, ça en rajoute, mais pas tant comme canal de vente… plus comme nouveau mode de commercialisation, qui désacralise l’intermédiation des ventes. En fait, pour quelques avantages financiers, bien mis en avant par les marketeurs du on line, les agences perdent la main…
TourMaG.com - Jean-François Rial et Erminio Eschena pensent qu’on assiste à la fin d’un modèle…
R. S. : Ce n’est pas le modèle économique qui est fini, c’est plus profond que ça. Le marché se ressert et la concurrence se durcit. La vraie question, c’est de savoir si les meilleurs prix doivent toujours être liés aux plus gros volumes…
Dans les 5 ans à venir, si rien n’est fait, les Allemands et les Anglais seront les seuls maîtres du marché européen. D’où la stérilité des querelles institutionnelles autour des projets de confédération. Il est temps d’en prendre conscience… Et pour ça, il faut donc se rencontrer, discuter, voir les synergies potentielles en évaluant les rapports de force entre le « Bloc Nord » et le Sud.
TourMaG.com - Que voulez-vous dire ?
R. S. : Dans le « mass market », s’il continue à exister, les industriels vont continuer à consolider le marché. Ils n’auront pas le choix ; ce type de produit n’a pas besoin d’exposition, mais de diffusion et de canaux de vente…
L’intervention humaine va disparaître. Or ce marché, c’est intéressant à noter, c’est l’arc Nord Europe, qui va de la Grande Bretagne jusqu’à la Russie, avec l’Allemagne, la Scandinavie, la Hollande ou encore la Belgique.
C’est le royaume des gros volumes et de la bipolarisation… Un royaume qui encercle la France, l’Espagne et l’Italie, dont les marchés représentent quand même 150 millions de consommateurs assez proches pour des destinations très complémentaires.
La France, c’est l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Océan indien et l’Asie ; l’Espagne, c’est l’Amérique du Sud et Centrale plus les Caraïbes hispaniques ; l’Italie, c’est l’Europe du sud, les Caraïbes, l’Afrique… Les trois pays se retrouvent sur l’Amérique du Nord. Ils pourraient donc s’épauler mutuellement en rassemblant leurs volumes respectifs.
TourMaG.com - Est-ce assez pour les rapprocher ?
R. S. : Non, mais voilà trois marchés qui couvrent toute la gamme et qui comptent de puissants groupes indépendants, intégrés ou non. En France, par exemple, FRAM, c’est de la production et de la distribution, mais AS Voyages est aussi un pôle indépendant qui joue un rôle majeur dans la distribution.
En Espagne, Globalia, c’est de la distribution, de la production, de l’aérien et de l’hôtellerie ; quant à l’Italie, vous y trouvez des opérateurs comme Alpitour, à la fois producteur et distributeur, avec 13,4 % du marché et 765 000 passagers…
R. S. : Dans le « mass market », s’il continue à exister, les industriels vont continuer à consolider le marché. Ils n’auront pas le choix ; ce type de produit n’a pas besoin d’exposition, mais de diffusion et de canaux de vente…
L’intervention humaine va disparaître. Or ce marché, c’est intéressant à noter, c’est l’arc Nord Europe, qui va de la Grande Bretagne jusqu’à la Russie, avec l’Allemagne, la Scandinavie, la Hollande ou encore la Belgique.
C’est le royaume des gros volumes et de la bipolarisation… Un royaume qui encercle la France, l’Espagne et l’Italie, dont les marchés représentent quand même 150 millions de consommateurs assez proches pour des destinations très complémentaires.
La France, c’est l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Océan indien et l’Asie ; l’Espagne, c’est l’Amérique du Sud et Centrale plus les Caraïbes hispaniques ; l’Italie, c’est l’Europe du sud, les Caraïbes, l’Afrique… Les trois pays se retrouvent sur l’Amérique du Nord. Ils pourraient donc s’épauler mutuellement en rassemblant leurs volumes respectifs.
TourMaG.com - Est-ce assez pour les rapprocher ?
R. S. : Non, mais voilà trois marchés qui couvrent toute la gamme et qui comptent de puissants groupes indépendants, intégrés ou non. En France, par exemple, FRAM, c’est de la production et de la distribution, mais AS Voyages est aussi un pôle indépendant qui joue un rôle majeur dans la distribution.
En Espagne, Globalia, c’est de la distribution, de la production, de l’aérien et de l’hôtellerie ; quant à l’Italie, vous y trouvez des opérateurs comme Alpitour, à la fois producteur et distributeur, avec 13,4 % du marché et 765 000 passagers…
TourMaG.com - Stratégiquement, ça passe par quoi ?
R. S. : Maîtriser les stocks d’abord ; c’est d’ailleurs le pilier majeur du « bloc Nord ». Ensuite, gérer les acomptes de façon à sécuriser les engagements financiers de la production. Enfin, offrir aux destinations une alternative crédible en volume et en typologie de produit, en face d’un « bloc Nord » qui reste mono produit et assèche le potentiel touristique des pays, comme en Tunisie notamment.
Pour le moment, les destinations sont tributaires d’un schéma industriel dont le développement a atteint sa maturité. Aujourd’hui, elles ont besoin de diversifier leur offre et surtout de mieux la répartir… Une alternative solide serait pour elles un levier efficace.
TourMaG.com - Pour ce projet, vous suggérez une alliance commerciale ?
R. S. : Non, et avant même de parler d’alliance capitalistique, il s’agit d’un projet global, transversal Sud-Sud, qui englobe les destinations, pour empêcher, ou du moins retarder, le déclin possible de ces entreprises, car le « Bloc Nord » « attaque déjà la ligne d’avantage », comme on dit encore au rugby.
Je sais que ce n’est pas si simple. En Espagne, les hôteliers sont tributaires des opérateurs du Nord ; il y a donc un risque de rétorsion, bien qu’Internet en atténue l’impact éventuel. Et puis chez certains opérateurs, comme Globalia et Fram, tout repose sur des personnalités fortes et on se demande de quoi l’avenir sera fait ?
FRAM, à ce qu’on entend dire, n’a pas envie d’être vendue aux Allemands ; chez Globalia, on réfléchit à l’évolution du groupe.
TourMaG.com - On construit l’Europe et vous vous parlez d’opposition nord/sud…
R. S. : Mais l’union européenne n’implique pas l’uniformisation des produits touristiques, ni le monopole d’un modèle, surtout s’il faut se libérer d’un mass market fragile. A-t-on pour autant intérêt à répliquer le modèle du nord ; je ne le crois pas ? Le client demande autre chose.
L’Espagne et l’Italie sont en crise ; la France le sera sans doute demain, alors on peut penser que toute le monde a d’autres chats à fouetter, mais n’est-ce pas justement le moment de réfléchir à tout ça ?
R. S. : Maîtriser les stocks d’abord ; c’est d’ailleurs le pilier majeur du « bloc Nord ». Ensuite, gérer les acomptes de façon à sécuriser les engagements financiers de la production. Enfin, offrir aux destinations une alternative crédible en volume et en typologie de produit, en face d’un « bloc Nord » qui reste mono produit et assèche le potentiel touristique des pays, comme en Tunisie notamment.
Pour le moment, les destinations sont tributaires d’un schéma industriel dont le développement a atteint sa maturité. Aujourd’hui, elles ont besoin de diversifier leur offre et surtout de mieux la répartir… Une alternative solide serait pour elles un levier efficace.
TourMaG.com - Pour ce projet, vous suggérez une alliance commerciale ?
R. S. : Non, et avant même de parler d’alliance capitalistique, il s’agit d’un projet global, transversal Sud-Sud, qui englobe les destinations, pour empêcher, ou du moins retarder, le déclin possible de ces entreprises, car le « Bloc Nord » « attaque déjà la ligne d’avantage », comme on dit encore au rugby.
Je sais que ce n’est pas si simple. En Espagne, les hôteliers sont tributaires des opérateurs du Nord ; il y a donc un risque de rétorsion, bien qu’Internet en atténue l’impact éventuel. Et puis chez certains opérateurs, comme Globalia et Fram, tout repose sur des personnalités fortes et on se demande de quoi l’avenir sera fait ?
FRAM, à ce qu’on entend dire, n’a pas envie d’être vendue aux Allemands ; chez Globalia, on réfléchit à l’évolution du groupe.
TourMaG.com - On construit l’Europe et vous vous parlez d’opposition nord/sud…
R. S. : Mais l’union européenne n’implique pas l’uniformisation des produits touristiques, ni le monopole d’un modèle, surtout s’il faut se libérer d’un mass market fragile. A-t-on pour autant intérêt à répliquer le modèle du nord ; je ne le crois pas ? Le client demande autre chose.
L’Espagne et l’Italie sont en crise ; la France le sera sans doute demain, alors on peut penser que toute le monde a d’autres chats à fouetter, mais n’est-ce pas justement le moment de réfléchir à tout ça ?