Ce n’est que dans le rapport final des experts que figureront les causes retenues de l’accident ; l’analyse du comportement de l’équipage en référence aux règles de l’art ; la présentation des facteurs contributifs et la localisation des responsabilités éventuelles./dr
TourMaG.com - Un ouvrage vient de reproduire l’ensemble du contenu de l’enregistrement sonore fait en cabine de pilotage lors du vol AF 447, alors qu’à notre connaissance, seul ce qui concerne l’accident proprement dit devrait être pris en compte dans les enquêtes ?
Jean Belotti : Exact. Cela est précisé dans le document de référence (Annexe 13 de l’OACI - Enquête - Chapitre 5 - pages 8 à 12. Responsabilité de l'ouverture et de la conduite de l'enquête § 5.1 à 5.17).
En ce qui concerne la divulgation des éléments, il est énoncé : "L'Etat qui mène l'enquête ne communiquera aucun des éléments pris en compte - dont les enregistrements des conversations dans le poste de pilotage et transcription de ces enregistrements - à d'autres fins que l'enquête sur l'accident ou l'incident".
En effet, la justice américaine a estimé que la protection de la vie privée avait une valeur juridique supérieure au droit à l'information.
J’ajouterai qu’une Directive (N̊ 94/56 du Conseil de l'Union Européenne du 21/11/94) a établi les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile.
Son article premier définit son objectif qui est "...d'améliorer la sécurité aérienne en facilitant la réalisation diligente d'enquêtes techniques, dont l'objectif exclusif est la prévention de futurs accidents ou incidents".
Sans faire une analyse détaillée de cette Directive, il est bon de savoir qu'elle contient 13 articles énonçant les six principes fondamentaux dont : i["L’interdiction d'utiliser l'enquête technique à des fins autres que celles de la prévention des accidents]s".
Ainsi, les propos personnels sans rapport avec le déroulement du vol - qui ne peuvent conduire qu’à des interprétations et spéculations polémiques sur le comportement des pilotes - ne sont donc pas exploités, ni par les enquêteurs du BEA, ni par les experts judiciaires et ne figurent donc pas dans leurs rapports.
TourMaG.com - Récemment, l’indépendance du Bureau Enquête et Analyse (BEA) a été mise en cause. Nous avons lu : "Le BEA ne prend en compte que l'aspect du pilotage, car il en a reçu l'ordre pour défendre les intérêts aéronautiques de notre pays" ! Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez ?
Jean Belotti : Cette notion d'indépendance est un thème récurrent qui, depuis des années, est régulièrement exploité par des médias en mal de copie.
L'insistance qui est mise sur la notion d'indépendance pour faire peser une suspicion sur les rapports du BEA et sur les travaux de ses enquêteurs n'est qu'un leurre et j’ai, au cours des nombreuses causeries - faites devant diverses associations et organismes ou émissions télévisées - eu l’occasion de le démontrer.
Cette complicité est impossible pour les trois raisons suivantes :
- Dans les expertises modernes, le nombre d'experts, intervenant dans une affaire, est tel, que tout acte de malveillance devrait avoir reçu l'approbation de plusieurs confrères, étant, alors, nécessairement "mis dans le coup".
De plus il existe des centaines de scellés de justice, photos, films, pris pas la Gendarmerie du Transport aérien, tous éléments de preuves qui ne peuvent être occultés.
- Pour obtenir la participation à de telles actions, des instructions, exécutables instantanément, devraient, alors, être données, simultanément, à plusieurs organismes (Administration de tutelle, Constructeurs, Gendarmerie, Laboratoires, Justice,...), afin que la cohérence soit conservée, entre tous les éléments de preuves.
- De telles dispositions obligeraient de très nombreuses personnes impliquées dans l'opération, au respect du "secret".
Or, dans le contexte de l'organisation de l'aéronautique civile française, une telle opération est inimaginable, même en supposant qu'elle puisse être motivée par un souci de "protéger" des intérêts économiques ou politiques.
En effet, il n'y a pas de réponse à la question de savoir quelle serait la "personne" qui aurait, simultanément, non seulement l'autorité nécessaire pour imposer sa volonté, mais, également, la capacité d'imposer le secret ?
Il en résulte que l'hypothèse d'une participation "volontaire" ou "commandée" de ces personnes à des opérations collectives inavouables est donc à écarter, sans aucune restriction.
Jean Belotti : Exact. Cela est précisé dans le document de référence (Annexe 13 de l’OACI - Enquête - Chapitre 5 - pages 8 à 12. Responsabilité de l'ouverture et de la conduite de l'enquête § 5.1 à 5.17).
En ce qui concerne la divulgation des éléments, il est énoncé : "L'Etat qui mène l'enquête ne communiquera aucun des éléments pris en compte - dont les enregistrements des conversations dans le poste de pilotage et transcription de ces enregistrements - à d'autres fins que l'enquête sur l'accident ou l'incident".
En effet, la justice américaine a estimé que la protection de la vie privée avait une valeur juridique supérieure au droit à l'information.
J’ajouterai qu’une Directive (N̊ 94/56 du Conseil de l'Union Européenne du 21/11/94) a établi les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile.
Son article premier définit son objectif qui est "...d'améliorer la sécurité aérienne en facilitant la réalisation diligente d'enquêtes techniques, dont l'objectif exclusif est la prévention de futurs accidents ou incidents".
Sans faire une analyse détaillée de cette Directive, il est bon de savoir qu'elle contient 13 articles énonçant les six principes fondamentaux dont : i["L’interdiction d'utiliser l'enquête technique à des fins autres que celles de la prévention des accidents]s".
Ainsi, les propos personnels sans rapport avec le déroulement du vol - qui ne peuvent conduire qu’à des interprétations et spéculations polémiques sur le comportement des pilotes - ne sont donc pas exploités, ni par les enquêteurs du BEA, ni par les experts judiciaires et ne figurent donc pas dans leurs rapports.
TourMaG.com - Récemment, l’indépendance du Bureau Enquête et Analyse (BEA) a été mise en cause. Nous avons lu : "Le BEA ne prend en compte que l'aspect du pilotage, car il en a reçu l'ordre pour défendre les intérêts aéronautiques de notre pays" ! Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez ?
Jean Belotti : Cette notion d'indépendance est un thème récurrent qui, depuis des années, est régulièrement exploité par des médias en mal de copie.
L'insistance qui est mise sur la notion d'indépendance pour faire peser une suspicion sur les rapports du BEA et sur les travaux de ses enquêteurs n'est qu'un leurre et j’ai, au cours des nombreuses causeries - faites devant diverses associations et organismes ou émissions télévisées - eu l’occasion de le démontrer.
Cette complicité est impossible pour les trois raisons suivantes :
- Dans les expertises modernes, le nombre d'experts, intervenant dans une affaire, est tel, que tout acte de malveillance devrait avoir reçu l'approbation de plusieurs confrères, étant, alors, nécessairement "mis dans le coup".
De plus il existe des centaines de scellés de justice, photos, films, pris pas la Gendarmerie du Transport aérien, tous éléments de preuves qui ne peuvent être occultés.
- Pour obtenir la participation à de telles actions, des instructions, exécutables instantanément, devraient, alors, être données, simultanément, à plusieurs organismes (Administration de tutelle, Constructeurs, Gendarmerie, Laboratoires, Justice,...), afin que la cohérence soit conservée, entre tous les éléments de preuves.
- De telles dispositions obligeraient de très nombreuses personnes impliquées dans l'opération, au respect du "secret".
Or, dans le contexte de l'organisation de l'aéronautique civile française, une telle opération est inimaginable, même en supposant qu'elle puisse être motivée par un souci de "protéger" des intérêts économiques ou politiques.
En effet, il n'y a pas de réponse à la question de savoir quelle serait la "personne" qui aurait, simultanément, non seulement l'autorité nécessaire pour imposer sa volonté, mais, également, la capacité d'imposer le secret ?
Il en résulte que l'hypothèse d'une participation "volontaire" ou "commandée" de ces personnes à des opérations collectives inavouables est donc à écarter, sans aucune restriction.
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TourMaG.com - Le fait que les sondes Pitot du vol AF 447 aient été déclarées être à l’origine de l’accident amène les interrogations de savoir comment sont validés les sous-ensembles équipant les avions ; comment sont remplacés ceux défaillants ; qui décide de ces modifications et sont-elles toujours appliquées ?
Jean Belotti : Pour pouvoir être exploité, tout aéronef - après avoir donné satisfaction à tous les tests et vérifications au cours d’une longue procédure de certification - reçoit un CDN (Certificat De Navigabilité).
Toute modification, aussi minime soit-elle, par rapport à ce CDN originel, doit faire l'objet d'un document d'application approuvé par les autorités.
Une modification de l'avion ou d'un de ses constituants peut être demandée par une autorité ou provenir de l’avionneur ou du fabricant.
Elle est matérialisée par l’édition d’un SB ("Service Bulletin") qui doit faire l'objet d'un document d'application interne à l'exploitant, même si celui-ci décide de ne pas l’appliquer, auquel cas il doit en expliquer le pourquoi.
Un SB peut être de quatre différents degrés.
Le premier "SB ALERT" est obligatoire. Affectant la sécurité, il demande une modification rapide sur un constituant. Dans ce cas, il est suivi (ou précédé) :
- d'une AD ("Airworthiness Directive") pour les autorités FAR/JAR (américaines et européennes) ;
- ou d'une CN ("Consigne de Navigabilité") pour les autorités françaises.
Retenir que l'application des AD/CN est impérative, avec soit une date butée d'application, soit la répétition d'une tâche à intervalle déterminé en heures et/ou en cycles.
Important : Les aéronefs sur lesquels une AD/CN n'a pas été appliquée à la date limite ont leur CDN suspendu.
Le second "SB Recommanded" n’est que "recommandé". Affectant les conditions opérationnelles, les exploitants ne sont pas tenus de l'appliquer, mais étant donné que ce type de SB a souvent pour origine des demandes des exploitants eux-mêmes, il est donc quasiment toujours pris en compte.
Le troisième "SB" ne concerne généralement que des améliorations de fiabilité par des modifications minimes n'affectant en rien, ni la sécurité, ni les conditions opérationnelles.
Quant au quatrième, le "SB Evaluation", s’agissant d’évaluations de nouveaux matériels devant être approuvées par les autorités, il précise le ou les matricules des aéronefs sur lesquels s'effectueront les évaluations et la durée de l’évaluation.
Pour être complet, il existe également d'autres documents avionneurs ou fabricants, tels que les SIL ("Service Information Letter") qui ne sont pas soumis à l'approbation des autorités et qui préviennent les exploitants de possibles problèmes et comment y remédier, ainsi que des changements de références de pièces détachées dites "Standard" (toute pièce qui fait l'objet d'une norme internationalement reconnue).
Quant au remplacement de pièces (moteur, avionique, trains, petites pièces, etc...), il n'affecte pas le CDN de l'aéronef, à condition que les références des pièces remontées :
- soient explicitement décrites dans l'IPL ("Illustrated Parts List") du NHA ("Next Higher Assembly") sur lequel elles sont montées ;
- soient explicitement décrites comme interchangeables dans un SB ;
et cela, de NHA en NHA, depuis la plus petite rondelle jusqu'à l'avion lui-même.
Jean Belotti : Pour pouvoir être exploité, tout aéronef - après avoir donné satisfaction à tous les tests et vérifications au cours d’une longue procédure de certification - reçoit un CDN (Certificat De Navigabilité).
Toute modification, aussi minime soit-elle, par rapport à ce CDN originel, doit faire l'objet d'un document d'application approuvé par les autorités.
Une modification de l'avion ou d'un de ses constituants peut être demandée par une autorité ou provenir de l’avionneur ou du fabricant.
Elle est matérialisée par l’édition d’un SB ("Service Bulletin") qui doit faire l'objet d'un document d'application interne à l'exploitant, même si celui-ci décide de ne pas l’appliquer, auquel cas il doit en expliquer le pourquoi.
Un SB peut être de quatre différents degrés.
Le premier "SB ALERT" est obligatoire. Affectant la sécurité, il demande une modification rapide sur un constituant. Dans ce cas, il est suivi (ou précédé) :
- d'une AD ("Airworthiness Directive") pour les autorités FAR/JAR (américaines et européennes) ;
- ou d'une CN ("Consigne de Navigabilité") pour les autorités françaises.
Retenir que l'application des AD/CN est impérative, avec soit une date butée d'application, soit la répétition d'une tâche à intervalle déterminé en heures et/ou en cycles.
Important : Les aéronefs sur lesquels une AD/CN n'a pas été appliquée à la date limite ont leur CDN suspendu.
Le second "SB Recommanded" n’est que "recommandé". Affectant les conditions opérationnelles, les exploitants ne sont pas tenus de l'appliquer, mais étant donné que ce type de SB a souvent pour origine des demandes des exploitants eux-mêmes, il est donc quasiment toujours pris en compte.
Le troisième "SB" ne concerne généralement que des améliorations de fiabilité par des modifications minimes n'affectant en rien, ni la sécurité, ni les conditions opérationnelles.
Quant au quatrième, le "SB Evaluation", s’agissant d’évaluations de nouveaux matériels devant être approuvées par les autorités, il précise le ou les matricules des aéronefs sur lesquels s'effectueront les évaluations et la durée de l’évaluation.
Pour être complet, il existe également d'autres documents avionneurs ou fabricants, tels que les SIL ("Service Information Letter") qui ne sont pas soumis à l'approbation des autorités et qui préviennent les exploitants de possibles problèmes et comment y remédier, ainsi que des changements de références de pièces détachées dites "Standard" (toute pièce qui fait l'objet d'une norme internationalement reconnue).
Quant au remplacement de pièces (moteur, avionique, trains, petites pièces, etc...), il n'affecte pas le CDN de l'aéronef, à condition que les références des pièces remontées :
- soient explicitement décrites dans l'IPL ("Illustrated Parts List") du NHA ("Next Higher Assembly") sur lequel elles sont montées ;
- soient explicitement décrites comme interchangeables dans un SB ;
et cela, de NHA en NHA, depuis la plus petite rondelle jusqu'à l'avion lui-même.
TourMaG.com - Toujours au sujet de l’accident de l’AF447, un média suggère que la prudence des experts judiciaires qui ressort de leur pré-rapport qu’ils viennent de remettre au magistrat instructeur pourrait être due à leur "pedigree" d’anciens commandants de bord d’Air France. Est-ce justifié ?
Jean Belotti : Même si cette nouvelle suspicion est formulée au conditionnel, il n’en reste pas moins qu’elle jette un discrédit sur l’honnêteté intellectuelle des experts judiciaires, qui - comme je l’ai expliqué dans la réponse à votre précédente question - sont obligatoirement tous issus de divers organismes, institutions, compagnies, constructeurs,... où ils ont acquis leurs connaissances et développé leur savoir-faire dans leur spécialisation.
De plus, dans ce type de pré-rapport, les experts judiciaires ne citant que les faits recueillis, il n’y a donc pas lieu de leur attribuer le qualificatif de "prudent" ; d’affirmer que "des passages laissent planer une certaine ambiguïté" ; "qu’ils ne tranchent pas sur la question...." .
En effet, ce n’est que dans leur rapport final que figureront les causes retenues de l’accident ; l’analyse du comportement de l’équipage en référence aux règles de l’art ; la présentation des facteurs contributifs (en amont de l’accident et dans l’environnement) et la localisation des responsabilités éventuelles, tous éléments qui permettront à la justice de dire le droit.
Découlant de votre question, une autre se pose au sujet de l’utilité de ces pré-rapports ?
Les juges en charge du dossier sont en contact permanent avec les experts et ils sont donc régulièrement tenus au courant de l’avancement des travaux, ne serait-ce que par des notes internes. Ils n’ont donc pas besoin d’un pré-rapport.
Alors pourquoi ces demandes faites aux experts de rédiger des pré-rapports ? Elles ne peuvent résulter que de la pression des représentants des Parties civiles et des médias.
Malheureusement, au lieu de ne prendre en compte que l’état d’avancement des travaux, tel que généralement bien précisé en début desdits documents d’étape, ils font systématiquement l’objet de critiques, non fondées, auxquelles les experts ne peuvent répondre étant tenus au secret de l’instruction et à l’obligation de réserve.
Jean Belotti : Même si cette nouvelle suspicion est formulée au conditionnel, il n’en reste pas moins qu’elle jette un discrédit sur l’honnêteté intellectuelle des experts judiciaires, qui - comme je l’ai expliqué dans la réponse à votre précédente question - sont obligatoirement tous issus de divers organismes, institutions, compagnies, constructeurs,... où ils ont acquis leurs connaissances et développé leur savoir-faire dans leur spécialisation.
De plus, dans ce type de pré-rapport, les experts judiciaires ne citant que les faits recueillis, il n’y a donc pas lieu de leur attribuer le qualificatif de "prudent" ; d’affirmer que "des passages laissent planer une certaine ambiguïté" ; "qu’ils ne tranchent pas sur la question...." .
En effet, ce n’est que dans leur rapport final que figureront les causes retenues de l’accident ; l’analyse du comportement de l’équipage en référence aux règles de l’art ; la présentation des facteurs contributifs (en amont de l’accident et dans l’environnement) et la localisation des responsabilités éventuelles, tous éléments qui permettront à la justice de dire le droit.
Découlant de votre question, une autre se pose au sujet de l’utilité de ces pré-rapports ?
Les juges en charge du dossier sont en contact permanent avec les experts et ils sont donc régulièrement tenus au courant de l’avancement des travaux, ne serait-ce que par des notes internes. Ils n’ont donc pas besoin d’un pré-rapport.
Alors pourquoi ces demandes faites aux experts de rédiger des pré-rapports ? Elles ne peuvent résulter que de la pression des représentants des Parties civiles et des médias.
Malheureusement, au lieu de ne prendre en compte que l’état d’avancement des travaux, tel que généralement bien précisé en début desdits documents d’étape, ils font systématiquement l’objet de critiques, non fondées, auxquelles les experts ne peuvent répondre étant tenus au secret de l’instruction et à l’obligation de réserve.