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West Euro Bikes : "La plupart des AGV ne savent pas qu'elles ont des clients motocyclistes"

L'interview de Jacques Lahaye, PDG fondateur de West Euro Bikes


Quand il a commencé dans le métier, il était le seul à proposer des circuits touristiques à moto. 25 ans plus tard, et face à une concurrence grandissante, Jacques Lahaye a su conserver sa passion du tourisme et du deux-roues, qu'il adapte en fonction du pays, des législations et de ses clients. Harley, BMW, Honda ? Etats-Unis, Costa Rica, Vietnam ? Le conseil et l'encadrement priment.


Rédigé par le Mardi 24 Avril 2012

70% à 80% des ventes concernent des circuits États-Unis et Canada - DR
70% à 80% des ventes concernent des circuits États-Unis et Canada - DR
TourMaG.com - Vous avez créé West Euro Bikes agence spécialisée dans les voyages à moto, au début des années 2000. Quel a été votre parcours professionnel jusque là ?

Jacques Lahaye :
"J'ai fait mes premiers pas dans le tourisme au Canada, en 1982-83, en créant une société - Témiscamingue Aventures Inc - avec un trappeur et un aubergiste dans la région de Temiscamingue, près de Montréal.

J'étais chargé du démarchage des TO français, dont Nouveau Monde, ce qui m'a permis de découvrir le fonctionnement du tourisme dans l'Hexagone.

En 1989, ce TO m'a proposé de devenir chef dans une agence qu'ils allaient créer à Nantes. Ils avaient déjà des bureaux basés à Paris, Marseille, Bruxelles, Bordeaux.

On faisait beaucoup d'hôtellerie et de vols secs, en travaillant avec le télex et le fax vu qu'il n'y avait pas encore Internet.

Et puis, on m'a confié le montage des circuits motos et j'ai été le premier à proposer des balades aux États-Unis et au Canada.

Mais il y a 25 ans, on trouvait peu de loueurs et de structures adaptées. Il a fallu trouver les partenaires et les clients intéressés par ces séjours.

Et puis, ce poste m'a permis de découvrir de nouvelles destinations en Amérique du Sud et en Asie."

TourMaG.com - Vous avez donc travaillé ainsi durant une dizaine d'années...

J.L. :
"Nouveau Monde a fait faillite en 1999 - 2000 et après mon licenciement économique, j'ai demandé la licence d'agent de voyages.

J'avais prévenu les prestataires avec lesquels je travaillais et ils m'ont tous suivi.

J'ai donc commencé par lancer mon site Internet mais j'ai conservé mon GDS favori, Sabre, pour l'aérien.

Puis, à côté de mes clients fidèles, je me suis constitué une nouvelle clientèle.

Mais au fil des ans, cela devient de plus en plus difficile de trouver de nouveaux clients. Pas comme en 1986, où j'étais le seul à monter des circuits moto."

TourMaG.com - Comment se comporte la clientèle aujourd'hui ?

J.L. :
"Les affaires deviennent plus délicates, parce que la concurrence ne vient pas du monde du tourisme.

Ce sont souvent des sociétés qui ont de l'argent à investir, ignorent ce qu'est un TO et travaillent sans licence. En résumé, de la concurrence déloyale.

Et puis, avec le boom d'Internet, cela devient plus sensible de se positionner sur une niche. Il faut se battre pour faire comprendre aux clients qu'ils font le bon choix.

L'autre problème récurrent, ce sont les salons de la moto : on se retrouve face à des concurrents internationaux qui n'ont pas la notion de solidarité que l'on peut avoir avec les concurrents français.

Par exemple, un réceptif indien qui propose ses brochures à notre public : c'est à se demander à quoi nous sert de payer pour une licence, une responsabilité civile, etc ?"

TourMaG.com - A quel(s) type(s) de clientèle(s) vous adressez-vous ?

J.L. :
"Elle est essentiellement francophone : des Français, des Belges, des Suisses et des Ultramarins. Il y aussi des Anglais.

Ils ont souvent entre 45 et 65 ans, dont beaucoup d'artisans, de cadres, de commerciaux et de patrons de boite. Les femmes sont la plupart du temps passagères et je les admire, parce qu'il faut vraiment être en confiance pour s'engager dans un voyage comme celui-là, elles sont exceptionnelles.

80% des clients sont fidèles et reviennent l'année suivante ou tous les 2 ans. Sinon, ils nous envoient des personnes de leur entourage. C'est d'ailleurs notre meilleure pub, le bouche-à-oreille.

70% à 80% de nos ventes concernent des circuits États-Unis et Canada. Mais nous proposons également des produits nouveaux comme le Sri Lanka, le Costa Rica, l'Afrique du Sud."

Jacques Lahaye est le PDG fondateur de West Euro Bikes, ici en Inde - DR
Jacques Lahaye est le PDG fondateur de West Euro Bikes, ici en Inde - DR
TourMaG.com - Travaillez-vous avec un type bien précis de moto ?

J.L. :
"Nous ne sommes pas mariés avec les marques de moto, mais nous adaptons les véhicules en fonction de la législation en vigueur dans le pays de destination et du terrain.

Par exemple, au Vietnam, les grosses cylindrées sont interdites pour les étrangers et nous organisons des séjours en 125cm3.

Dans certains pays, les clients ont le choix entre plusieurs marques. Aux États-Unis, on va leur demander de choisir entre une Harley, une BMW ou une Honda.

Une chose est certaine, c'est que la gestion des motos devient de plus en plus difficile, car elles sont bourrées d'électronique."

TourMaG.com - Votre offre se présente essentiellement sous forme de packages ?

J.L. :
"Nous proposons 3 formules. "Liberté" qui constitue un mototour classique, "Accompagnée" principalement aux États-Unis et au Canada, avec l'aide de réceptifs locaux dans les pays où notre licence et notre assurance ne fonctionnent pas.

Et enfin, depuis 3 ans, nous avons fait l'acquisition d'un semi-remorque qui nous permet de transporter entre 15 et 20 motos pour nos circuits en Turquie, au Maroc, en Andalousie, etc.

Il s'agit de produits clés en main, facilement vendables par les agents de voyages car la logistique est assurée sur place -nous transportons tous les effets personnels dans le camion- et les clients peuvent alterner balades à moto et pauses dans la voiture suiveuse.

Sans oublier le sur-mesure pour nos clients qui ont déjà testé le circuit packagé. Dans ces cas-là, ils appellent Céline, en charge des destinations Atlantiques Nord, qui va leur préparer un voyage à la carte."

TourMaG.com - Combien de salariés compte West Euro Bikes ?

J.L. :
"Nous sommes 4 : Céline pour les USA - Canada, William pour l'Europe et la logistique, notamment le semi-remorque, Dominique qui est notre chef comptable et moi-même. 3 accompagnants travaillent également avec nous sur l'Amérique du Nord.

Évidemment, tout le monde est titulaire du permis moto et tous sont capables d'accompagner sur tous les circuits.

Les départs fonctionnent par période, comme pour tous les voyages. Les États-Unis se vendent beaucoup en mai - juin et jusqu'à mi-juillet, l'Europe et l'Afrique du Nord plutôt en avril - mai et puis en septembre - octobre.

En octobre, novembre, décembre, on a du mal à faire partir les clients, tout comme en août car même notre clientèle à fort pouvoir d'achat préfère partir en vacances en famille, mais ne pense pas à nous appeler pour cela."

TourMaG.com - Alors que vous disposez d'une offre généraliste ?

J.L. :
"Bien sur, nous revendons aussi la production des gros TO mais les clients ne pensent pas à nous appeler. D'ailleurs, sur les 400 à 500 clients que nous enregistrons chaque année, 99% viennent pour l'offre moto."

West Euro Bikes a fait l'acquisition d'un semi-remorque qui permet de transporter entre 15 et 20 motos pour les circuits en Turquie, au Maroc, en Andalousie - DR
West Euro Bikes a fait l'acquisition d'un semi-remorque qui permet de transporter entre 15 et 20 motos pour les circuits en Turquie, au Maroc, en Andalousie - DR
TourMaG.com - Vous parlez de clientèle à fort pouvoir d'achat. Pour quel panier moyen ?

J.L. :
"C'est impossible à définir, car on ne peut pas comparer un voyage en Andalousie avec un en Australie.

Mais chaque voyage est répertorié sur une fiche technique accessible sur notre site Internet avec les tarifs, qui seront adaptés et adaptables en fonction des demandes."

TourMaG.com - On imagine que vendre des séjours moto exige une certaine expertise dans le domaine....

J.L. :
"En effet, il faut tenir compte de certains critères chez nos clients, comme la taille, l'âge, le type de moto autorisé. Ce n'est pas simple pour des agents de voyages non motards de conseiller ce type de voyages.

D'ailleurs, la plupart ne pensent même pas à proposer ce type de séjours à leurs clients motards, vu qu'ils ignorent même qu'ils ont le permis.

Et puis, il y a des profils par type de moto : le "client Harley" aura des demandes très spécifiques. Pour commencer, il n'ira qu'aux États-Unis, on aura du mal à le faire partir ailleurs. Chaque conducteur aura sa place dans le groupe et il y a peu de chance que cela change au cours du voyage.

Alors que le "client BMW" va aller partout. Il est beaucoup plus indépendant, aime lire les cartes routières et voyager par lui-même. Il est aussi très attentif à la sécurité.

C'est pour cela que chez West Euro Bikes, nous accompagnons nos collègues agents de voyages lorsqu'ils ont besoin d'un conseil, en organisant des réunions téléphoniques par exemple.

Nous faisons la même chose avec nos clients, étant donné que la majorité des ventes se concluent par téléphone, sur Internet ou sur les salons."

TourMaG.com - Avec combien d'agences travaillez-vous ?

J.L. :
"Une quarantaine nous soumettent régulièrement des dossiers, mais le potentiel est beaucoup plus élevé. Comme je vous l'ai dit, la plupart des agences ne savent pas qu'elles ont des clients motocyclistes.

C'est donc à nous de trouver un moyen de leur proposer des circuits moto."

TourMaG.com - Quels sont vos autres partenaires ?

J.L. :
"Nous travaillons avec des motoclubs et des concessionnaires pour l'organisation de voyages exclusifs, mais les 3/4 de nos dates sont ouvertes en GIR.

En général, nous formons des groupes de 8 à 14 personnes maximum, soit 6 à 8 motos.

Ceci nous parait plus confortable pour les clients, qui sont mieux encadrés et plus libres dans leurs déplacements."

Un roadbook et un briefing sont prévus tous les jours. L'accompagnateur ferme systématiquement la marche, ce qui surprend les clients au départ  - DR
Un roadbook et un briefing sont prévus tous les jours. L'accompagnateur ferme systématiquement la marche, ce qui surprend les clients au départ - DR
TourMaG.com - Comment se déroule le séjour ?

J.L. :
"Nous leur distribuons un roadbook et faisons un briefing tous les jours. L'accompagnateur ferme systématiquement la marche, ce qui surprend au départ les clients, bien qu'ils finissent par apprécier.

Nous démarrons aux alentours de 9h, avec une pause repas et sieste vers midi et une arrivée à l'hôtel vers 15h-16h. Ce laps de temps inclut les visites touristiques.

Tout le monde est relié par radio, téléphone portable et talkie walkie. Contrairement à un raid ou un rallye, l'idée ici reste de prendre son temps. Si le motard est fatigué, le guide prendra sa moto pour qu'il se repose.

Nous prenons également en compte le décalage horaire, la fatigue, les incidents qui peuvent survenir.

Dans les tous cas, il ne s'agit pas d'un raid, ni de vacances, mais réellement d'un voyage."

TourMaG.com - Et quand un souci technique survient ?

J.L. :
"Aux États-Unis ou au Canada, la moto est changée dans les 24 heures. Dans d'autres zones, comme le désert, elle est réparée sur place dans pratiquement tous les cas.

Mais au final, on se retrouve toujours confronté à des imprévus. Le plus drôle et le plus mémorable, celui que vous avez toujours voulu éviter, m'est arrivé aux États-Unis et mes clients m'en parlent encore !

La station service à laquelle nous devions nous arrêter pour faire le plein avait fait faillite et toutes les motos sont tombées en panne les unes après les autres.

Là-dessus, un orage de grêle s'est déclaré et nous avons atterri dans un bled paumé où nous avons essayé de nous mettre à l'abri dans une cabane.

Sauf que nous avons été accueilli par le "vétéran de la guerre du Vietnam", sa Winchester et ses deux chiens noirs. On se serait crus dans un film d'épouvante.

Finalement, quand il a su que nous étions des touristes français, il nous a abrité chez lui."

TourMaG.com - Où logez-vous vos clients ?

J.L. :
"Aux États-Unis, nous réservons principalement dans des hôtels 3 et 4 étoiles. Mais dans les autres pays, nous faisons un mix entre hôtels, bivouacs, chambres d'hôtes, chalets, etc. Toujours en privilégiant le confort.

Il nous arrive aussi de proposer des hébergements insolites, comme une maison dans les arbres au Sri Lanka.

Par contre, la règle générale veut que les hôtels ne dépassent jamais 35 chambres. D'ailleurs, nous évitons tous les lieux réservés au "tourisme de masse".

La clientèle est essentiellement francophone : des Français, des Belges, des Suisses et des Ultramarins - DR
La clientèle est essentiellement francophone : des Français, des Belges, des Suisses et des Ultramarins - DR
TourMaG.com - Êtes-vous adhérent à un réseau ou au SNAV ?

J.L. :
"Nous ne sommes plus adhérent au SNAV. Nous avons été en contact avec eux pendant des années, sans jamais avoir de réponse à nos questions, car nous sommes une toute petite niche.

Nous ne faisons partie d'aucun réseau. Vous savez, le produit moto fait peur, il implique la notion de risque et c'est un produit marginal. On ne parle pas du même métier, nous sommes des passionnés du voyage et pas des tableurs, on ne vend pas de la dernière minute.

Autrement, nous sommes à l'APST et assurés chez Generali."

TourMaG.com - Comment s'est conclue l'année 2011 ?

J.L. :
"Elle a été nettement moins bonne que 2010, mais nous remontons la pente en 2012. Je ne sais pas expliquer cette baisse des ventes, mais elle me parait correspondre à l'état d'esprit général des voyageurs."

TourMaG.com - Vous proposez néanmoins de nouvelles destinations...

J.L. :
"Nous avons lancé le Costa Rica il y a un an et demi, tout comme l'Afrique du Sud qui se parcourt en Harley ou en BMW.

D'autres destinations sont en cours d'élaboration, mais nous ne communiquons pas tant qu’elles n'ont pas été testées, vérifiées, tout comme les partenariats avec les loueurs et les réceptifs."

TourMaG.com - D'autres nouveautés sont-elles en cours ?

J.L. :
"Nous travaillons sur une nouvelle version du site Internet.

Et puis nous souhaitons relancer notre activité réceptive dès 2013, que nous avions mis de côté après les attentats du 11 septembre 2001.

Il s'agirait de fournir des circuits en France et en Europe avec la location de motos et la création d'un poste de réceptif."

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