TourMaG.com - Que vous inspire cette décision concernant la nouvelle garantie financière des opérateurs de voyages ?
Alain Capestan : "Deux grands sujets dans la garantie financière : le doublement des taux qui viennent d'être imposés par l'arrêté du 29 octobre dernier. Second sujet, le mode de fonctionnement de l'APST.
Sur le premier sujet je trouve invraisemblable, pour ne pas dire plus, que l'on ait pu prendre une décision avec de telles conséquences sans que nos syndicats professionnels et l'APST en soient informés.
Je ne crois pas un instant que les informations selon lesquelles l'APST n'a pas été tenue au courant soient réelles. Je n'y crois pas une seconde...
Dans le monde des agences de voyages, il y a plein de monde qui fait de la production.
Un exemple: un AGV qui faisait pour 1 million de production et qu'il revendait lui-même, là où il avait 100.000€ de caution, il en a maintenant 200.000 !
Et tout est donc multiplié par 10 : un petit TO qui faisait 10 millions d'euros de production, va devoir aller chercher maintenant 2 millions de caution.
Tout ceci d'ici le 31 décembre prochain ! Pas de délai, pas de paliers, un diktat avec des conséquences très graves."
TourMaG.com - Comment vont faire ces gens-là ?
Alain Capestan: "S'ils ne peuvent pas fournir ces cautions, et qu'ils sont membres de l'APST que se passe-t-il ?
Cas N°1 pour un membre de l'APST : soit il était capable de fournir une caution de 10% comme c'était dans le passé (et l'on sait que ce n'est pas forcément vrai), le fait de réunir ces cautions a été un gros problème pour beaucoup, la matérialité des cautions n'ayant pas été vérifiée.
Et je ne vois pas comment ils le seront davantage avec 20% !
De plus, en mettant la caution à 20%, a-t-on réduit le risque pour l'APST ? Non. Dans la mesure où l'APST garantit la totalité des fonds déposés. On peut mettre ce que l'on veut, le risque reste le même.
La garantie sera parfois en dessous des taux, parfois à égalité, parfois nettement inférieure. Ça dépend des moments de l'année !
Donc il va falloir aller chercher un double de caution, avec le coût que cela représente. Et s'il ne trouve pas, quel va être le choix de l'APST ? Le mettre dehors, c’est-à-dire le condamner à la faillite.
Et pour l'APST c'est se condamner à payer les pots cassés d'une telle faillite. Et prendre une très lourde responsabilité. Donc l'APST ne le fera pas.
Pour le cas N°2, celui qui n'est pas à l'APST. Là, ça va plus vite. Si l'agent de voyage n'est pas capable de fournir sa caution, et que l'APST ne veut pas le prendre parce qu'elle considère que son risque est élevé, il n'aura d'autre choix que d'arrêter son activité.
C'est brutal dans la mesure où cet agent de voyage garantissait 10% de son activité ! Avec un taux qui, peut-être, convenait."
Alain Capestan : "Deux grands sujets dans la garantie financière : le doublement des taux qui viennent d'être imposés par l'arrêté du 29 octobre dernier. Second sujet, le mode de fonctionnement de l'APST.
Sur le premier sujet je trouve invraisemblable, pour ne pas dire plus, que l'on ait pu prendre une décision avec de telles conséquences sans que nos syndicats professionnels et l'APST en soient informés.
Je ne crois pas un instant que les informations selon lesquelles l'APST n'a pas été tenue au courant soient réelles. Je n'y crois pas une seconde...
Dans le monde des agences de voyages, il y a plein de monde qui fait de la production.
Un exemple: un AGV qui faisait pour 1 million de production et qu'il revendait lui-même, là où il avait 100.000€ de caution, il en a maintenant 200.000 !
Et tout est donc multiplié par 10 : un petit TO qui faisait 10 millions d'euros de production, va devoir aller chercher maintenant 2 millions de caution.
Tout ceci d'ici le 31 décembre prochain ! Pas de délai, pas de paliers, un diktat avec des conséquences très graves."
TourMaG.com - Comment vont faire ces gens-là ?
Alain Capestan: "S'ils ne peuvent pas fournir ces cautions, et qu'ils sont membres de l'APST que se passe-t-il ?
Cas N°1 pour un membre de l'APST : soit il était capable de fournir une caution de 10% comme c'était dans le passé (et l'on sait que ce n'est pas forcément vrai), le fait de réunir ces cautions a été un gros problème pour beaucoup, la matérialité des cautions n'ayant pas été vérifiée.
Et je ne vois pas comment ils le seront davantage avec 20% !
De plus, en mettant la caution à 20%, a-t-on réduit le risque pour l'APST ? Non. Dans la mesure où l'APST garantit la totalité des fonds déposés. On peut mettre ce que l'on veut, le risque reste le même.
La garantie sera parfois en dessous des taux, parfois à égalité, parfois nettement inférieure. Ça dépend des moments de l'année !
Donc il va falloir aller chercher un double de caution, avec le coût que cela représente. Et s'il ne trouve pas, quel va être le choix de l'APST ? Le mettre dehors, c’est-à-dire le condamner à la faillite.
Et pour l'APST c'est se condamner à payer les pots cassés d'une telle faillite. Et prendre une très lourde responsabilité. Donc l'APST ne le fera pas.
Pour le cas N°2, celui qui n'est pas à l'APST. Là, ça va plus vite. Si l'agent de voyage n'est pas capable de fournir sa caution, et que l'APST ne veut pas le prendre parce qu'elle considère que son risque est élevé, il n'aura d'autre choix que d'arrêter son activité.
C'est brutal dans la mesure où cet agent de voyage garantissait 10% de son activité ! Avec un taux qui, peut-être, convenait."
Pourquoi un taux unique?
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TourmaG - Vous remettez en cause le mode de fonctionnement de l'APST ?
Alain Capestan : "Comment a été décidé qu'il fallait un taux de garantie de 10% ? La loi ne dit rien.
C'était 6% il y a quelques années, c'est 10 maintenant… et on nous le passe à 20% !
On était tellement mauvais dans l'appréciation du risque qu'on le hausse maintenant de 50% ? Pourquoi 10%? Pourquoi 20% ? Je ne sais pas.
En revanche, ce que je sais, c'est que le volant de trésorerie qu'il faut bloquer doit correspondre au montant des acomptes déposés par le client.
Ces acomptes ne doivent servir qu'à payer les fournisseurs et rien d'autre. Ils ne doivent pas être investis ailleurs.
Et pourquoi un taux unique, sachant que le marché est très varié ?
Vous avez des opérateurs de forfaits qui vendent à un mois du départ : les acomptes ne restent pas longtemps chez eux. Et pourtant, le montant de leur garantie, qui était de 10%, passe à 20% !
Vous avez en revanche des opérateurs qui vendent à un an du départ, qui gardent en caisse quelque 35% d'acomptes : ceux-là, c'est aussi 20% !
Or, on voit bien que chez l'opérateur qui a un cycle de vente ultra court, ce taux est bien trop élevé, tandis que chez l'autre, qui a un taux de vente ultra long, peut-être que le taux de 20% n'est pas assez élevé ou insuffisant !
Donc, sans discernement aucun, sans aucune étude de notre marché, sans que les syndicats professionnels aient fait partie des discussions, du moins le nôtre (Seto), on a créé un diktat dans un coin en balançant des taux qui doublent du jour au lendemain, mais sans plus d'éclairage que ça !
Ceci alors que les problèmes sont différents selon la nature des métiers."
Alain Capestan : "Comment a été décidé qu'il fallait un taux de garantie de 10% ? La loi ne dit rien.
C'était 6% il y a quelques années, c'est 10 maintenant… et on nous le passe à 20% !
On était tellement mauvais dans l'appréciation du risque qu'on le hausse maintenant de 50% ? Pourquoi 10%? Pourquoi 20% ? Je ne sais pas.
En revanche, ce que je sais, c'est que le volant de trésorerie qu'il faut bloquer doit correspondre au montant des acomptes déposés par le client.
Ces acomptes ne doivent servir qu'à payer les fournisseurs et rien d'autre. Ils ne doivent pas être investis ailleurs.
Et pourquoi un taux unique, sachant que le marché est très varié ?
Vous avez des opérateurs de forfaits qui vendent à un mois du départ : les acomptes ne restent pas longtemps chez eux. Et pourtant, le montant de leur garantie, qui était de 10%, passe à 20% !
Vous avez en revanche des opérateurs qui vendent à un an du départ, qui gardent en caisse quelque 35% d'acomptes : ceux-là, c'est aussi 20% !
Or, on voit bien que chez l'opérateur qui a un cycle de vente ultra court, ce taux est bien trop élevé, tandis que chez l'autre, qui a un taux de vente ultra long, peut-être que le taux de 20% n'est pas assez élevé ou insuffisant !
Donc, sans discernement aucun, sans aucune étude de notre marché, sans que les syndicats professionnels aient fait partie des discussions, du moins le nôtre (Seto), on a créé un diktat dans un coin en balançant des taux qui doublent du jour au lendemain, mais sans plus d'éclairage que ça !
Ceci alors que les problèmes sont différents selon la nature des métiers."
Doubler la garantie en deux mois, ça n'a aucun sens!
TourMaG.com - En clair, que préconisez-vous ?
Alain Capestan : "Sans complexifier à l'extrême, sans avoir 250 taux différents, on pourrait avoir une batterie de deux à trois taux qui tienne compte des typologies de métiers et de la durée de vie des acomptes clients.
Parce que de toute façon que se passera-t-il ? Il y aura beaucoup d'agences qui ne pourront pas fournir la caution à 20%. Ils n'auront pas la trésorerie qui va bien pour le faire. Donc, ça ne sert à rien.
En revanche, ça sert à doubler les revenus de l'APST. Mais, les revenus de l'APST, ce sont les charges de ses membres… qui doublent aussi ! Et on arrive à des montants qui vont juste être incompatibles avec la réalisation de notre métier.
Je ne dis pas qu'il ne fallait pas faire quelque chose pour améliorer les revenus de l'APST. Mais de là à doubler, il ne faut peut-être pas exagérer quand même.
TourMaG.com - Mais n'est-ce pas un moyen d'éliminer les membres douteux ?
Alain Capestan : En fait, que risque-t-il de se passer ? Les "bons" risquent de quitter l'APST, parce qu'ils trouveront des taux meilleurs ailleurs. Ceux qui n'ont pas le choix… resteront et paieront de plus en plus cher.
Mais ceux qui n'ont pas le choix, ce sont ceux qui, a priori, ont des comptes peu brillants. Et c'est à ceux-là que l'on va demander de payer plus cher ! En termes de risques, ce n'est pas complètement abscons et idiot, mais à un moment donné ils ne pourront plus.
Moi, je crois au système vertueux : on met en place un système avec des objectifs et on se donne les moyens d'y arriver. Faire un diktat de ce genre-là ne sert à rien.
Les structures qui sont à risque au sein de l'APST, si elles n'arrivaient déjà pas à fournir une caution à 10%, comment voulez-vous qu'elles parviennent à 20% ?
Conclusion, elles ne le fourniront pas et comme l'APST ne pourra pas les virer du jour au lendemain, sinon elle payera les pots cassés de la faillite, on restera dans le même système et on n'aura rien amélioré !
En revanche, et j'insiste lourdement, les revenus de l'APST vont doubler. Or, dans l'APST, le montant des cotisations représente 8 millions d'euros. Ce chiffre va donc passer à 16 millions... C'est considérable !
Et si j'ai bonne mémoire, il y a environ 2.5M€ de frais généraux à l'APST. Tout le reste peut être employé à payer les sinistres. Et si l'on fait les comptes, en déduisant les frais généraux, il va rester un sacré paquet dans les caisses.
C'est peut-être un peu beaucoup et je pense qu'ils ont pas fait dans la dentelle. Et ça commence à grogner...
Parce qu'il faut bien se poser la question : soit nos syndicats professionnels n'ont pas été tenus informés, ce qui n'est pas bien. Mais si le Snav a été tenu informé, c'est incompréhensible que l'on n'agisse pas avec plus de discernement. C'est invraisemblable.
Ou alors ils n'ont pas tout compris. Il est vrai que le problème est un peu technique…
Mais pour conclure, je note que c'est sur le profit, déjà très maigre des agents de voyages, que tout ceci va tomber. C'est vraiment une décision anormale et l'on aurait dû consulter la profession, puis aménager des délais.
Je ne conteste pas le fait de réaménager les taux, certains sont trop bas, d'autres trop hauts. Mais sans précipitation. Et surtout, on ne double pas en deux mois.
Ça n'a aucun sens !"
Alain Capestan : "Sans complexifier à l'extrême, sans avoir 250 taux différents, on pourrait avoir une batterie de deux à trois taux qui tienne compte des typologies de métiers et de la durée de vie des acomptes clients.
Parce que de toute façon que se passera-t-il ? Il y aura beaucoup d'agences qui ne pourront pas fournir la caution à 20%. Ils n'auront pas la trésorerie qui va bien pour le faire. Donc, ça ne sert à rien.
En revanche, ça sert à doubler les revenus de l'APST. Mais, les revenus de l'APST, ce sont les charges de ses membres… qui doublent aussi ! Et on arrive à des montants qui vont juste être incompatibles avec la réalisation de notre métier.
Je ne dis pas qu'il ne fallait pas faire quelque chose pour améliorer les revenus de l'APST. Mais de là à doubler, il ne faut peut-être pas exagérer quand même.
TourMaG.com - Mais n'est-ce pas un moyen d'éliminer les membres douteux ?
Alain Capestan : En fait, que risque-t-il de se passer ? Les "bons" risquent de quitter l'APST, parce qu'ils trouveront des taux meilleurs ailleurs. Ceux qui n'ont pas le choix… resteront et paieront de plus en plus cher.
Mais ceux qui n'ont pas le choix, ce sont ceux qui, a priori, ont des comptes peu brillants. Et c'est à ceux-là que l'on va demander de payer plus cher ! En termes de risques, ce n'est pas complètement abscons et idiot, mais à un moment donné ils ne pourront plus.
Moi, je crois au système vertueux : on met en place un système avec des objectifs et on se donne les moyens d'y arriver. Faire un diktat de ce genre-là ne sert à rien.
Les structures qui sont à risque au sein de l'APST, si elles n'arrivaient déjà pas à fournir une caution à 10%, comment voulez-vous qu'elles parviennent à 20% ?
Conclusion, elles ne le fourniront pas et comme l'APST ne pourra pas les virer du jour au lendemain, sinon elle payera les pots cassés de la faillite, on restera dans le même système et on n'aura rien amélioré !
En revanche, et j'insiste lourdement, les revenus de l'APST vont doubler. Or, dans l'APST, le montant des cotisations représente 8 millions d'euros. Ce chiffre va donc passer à 16 millions... C'est considérable !
Et si j'ai bonne mémoire, il y a environ 2.5M€ de frais généraux à l'APST. Tout le reste peut être employé à payer les sinistres. Et si l'on fait les comptes, en déduisant les frais généraux, il va rester un sacré paquet dans les caisses.
C'est peut-être un peu beaucoup et je pense qu'ils ont pas fait dans la dentelle. Et ça commence à grogner...
Parce qu'il faut bien se poser la question : soit nos syndicats professionnels n'ont pas été tenus informés, ce qui n'est pas bien. Mais si le Snav a été tenu informé, c'est incompréhensible que l'on n'agisse pas avec plus de discernement. C'est invraisemblable.
Ou alors ils n'ont pas tout compris. Il est vrai que le problème est un peu technique…
Mais pour conclure, je note que c'est sur le profit, déjà très maigre des agents de voyages, que tout ceci va tomber. C'est vraiment une décision anormale et l'on aurait dû consulter la profession, puis aménager des délais.
Je ne conteste pas le fait de réaménager les taux, certains sont trop bas, d'autres trop hauts. Mais sans précipitation. Et surtout, on ne double pas en deux mois.
Ça n'a aucun sens !"