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Etihad Régional : la Suisse pourrait-elle couper les ailes d'Etihad Airways en Europe ?

La chronique de Jean-Louis Baroux


Jean-Louis Baroux, notre expert aérien, revient sur un avertissement envoyé pas les autorités suisses à Etihad Airways. Elles interdisent les accords interline et l'émission de billets conjoints avec Etihad Regional, ex Darwin Airlines.


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Mardi 29 Avril 2014

Comment imaginer, en effet que l’ex Darwin Airlines ait une quelconque autorité dans la définition des options de réseau, d’apport de passagers en correspondance, voire même, à terme dans la composition de la flotte ? - Photo DR
Comment imaginer, en effet que l’ex Darwin Airlines ait une quelconque autorité dans la définition des options de réseau, d’apport de passagers en correspondance, voire même, à terme dans la composition de la flotte ? - Photo DR
Un très sérieux avertissement vient d’être donné par les autorités suisses à Etihad Airways.

Il consiste à interdire les accords interline et l’émission de billets conjoints en correspondance entre Etihad Régional, auparavant dénommée Darwin Airlines, et la maison mère Etihad Airways.

Ce n’est pas rien et cela bloque la stratégie d’apport dont la compagnie du Golfe a fait son principal but en acquérant des parts significatives dans les compagnies européennes.

Les autorités suisses doutent qu’Etihad Régional puisse garder son indépendance vis-à-vis de son acquéreur à 33,3%. Et les Suisses sont pointilleux sur les questions d’indépendance, aussi ont-ils frappé fort.

A vrai dire leurs craintes sont certainement fondées. Comment imaginer, en effet que l’ex Darwin Airlines ait une quelconque autorité dans la définition des options de réseau, d’apport de passagers en correspondance, voire même, à terme dans la composition de la flotte ?

Et d’ailleurs pourquoi donc Etihad Airways aurait-elle un but autre que celui-ci ?

Après tout la compagnie du Golfe n’est pas une ONG et elle n’a aucune vocation à soutenir des transporteurs étrangers si elle n’en tire pas des avantages économiques.

Il faudra suivre avec grande attention la manière dont les protagonistes résoudront ce qui n’était absolument pas prévu : la sauvegarde de l’indépendance des transporteurs tant que les actionnaires ne détiennent pas la majorité du capital et c’est d’ailleurs bien ce qui explique la volonté de tous les États, y compris des États-Unis de ne pas autoriser une compagnie étrangère à détenir plus de la moitié du capital des transporteurs nationaux.

Sauf que pour l’instant tout le monde fermait pudiquement les yeux sur les conséquences des prises de participations minoritaires.

La France elle-même l’a fait lors de la prise de participation de Swissair dans le capital de la défunte AOM… avec les conséquences que l’on a constaté alors.

Où est la solution ?

Seulement il y aura forcément des conséquences à la prise de décision des Suisses. Petites causes, grands effets. Et d’abord, que vont dire maintenant les Allemands ?

D’ores et déjà le réseau d’Air Berlin, détenu minoritairement par Etihad Airways a été orienté sur l’alimentation du hub d’Abu Dhabi.

Que va-t-il se passer si les autorités allemandes suivent la position des Suisses ? Les accords de code-share vont-ils devoir être dénoncés ?

Cela serait à coup sûr une vraie bombe dans l’organisation du transport aérien futur et cela sonnerait le glas à la constitution des grandes Alliances capitalistiques ou non.

Et puis, cette décision ne va-t-elle pas remettre en cause la décision certes non encore confirmée de participation d’Etihad Airways dans Alitalia ?

En effet on ne voit pas l’intérêt d’une telle opération si le transporteur d’Abu Dhabi ne peut pas dicter la politique d’Alitalia.

Sauf qu’en fait celle-ci a déjà perdu son autonomie car elle dépend trop de ses créanciers et d’abord des banques qui ont bloqué pour le moment le rapprochement envisagé.

Faut-il laisser disparaître les transporteurs en danger ?

Nous serons rapidement fixés.

Mais si d’aventure Etihad Airways se retirait n’y aurait-il pas un effet de dominos vis-à-vis des autres transporteurs tels que Air Serbia ou même de Jet Airways en Inde ?

Et alors c’est toute la stratégie de James Hogan que le transporteur du Golfe devrait reprendre à zéro.

Les États devront bien un jour se rendre à certaines évidences. Ils ne peuvent pas à la fois s’interdire de recapitaliser leurs compagnies en détresse et interdire que des capitaux étrangers viennent à leur rescousse.

Cela est particulièrement vrai en Europe où la Commission veille jalousement à sanctionner les aides économiques des États à leurs compagnies aériennes ou d’ailleurs maritimes.

Alors où est la solution ? Faut-il laisser disparaître les transporteurs en danger, au premier rang desquels Alitalia ? Qu’est-ce que les pays ont à gagner à fermer les yeux sur les réalités économiques et la mondialisation des activités de transport ?

Il n’y a qu’une alternative : ou bien admettre que des intérêts non nationaux puissent prendre le contrôle de transporteurs européens ou laisser les États libres de remettre à flot ceux qui sont en danger, quitte à être beaucoup plus fermes sur les accès aux marchés par le truchement de tarifs prédateurs, ceux-là même qui mettent en danger les compagnies qui s’y adonnent.

Ou alors accepter la lente disparition du transport aérien européen.

Jean-Louis Baroux - Photo DR
Jean-Louis Baroux - Photo DR
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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