Futuroscopie - Le métier de photographe de tourisme est-il toujours viable sur le plan matériel ?
Gil Giuglio : De manière générale, non, plus vraiment. Même s'il reste des niches, la dévaluation et surtout la profusion de photos ont perturbé tout ce marché. (En l'occurrence le mien : la presse voyage).
Certes, sur des domaines où les concessions qualitatives sont impossibles comme la photo industrielle, on peut encore vivre de son métier. À condition d’avoir des connaissances technologiques liées au studio et qui ne peuvent pas s’apprendre sur un webinar. Même si ça a toujours été le cas, il faut être encore plus agressif qu’avant pour attirer des marques qui payent encore des photos.
À mon avis deux problèmes se posent pour qu’un photographe professionnel vive de ses photos :
- La profusion d’images faussement « belles » que les logiciels de traitement du type Instagram ont mises sur le marché constitue l’un des premiers problèmes. La tendance étant à l’utilisation d’images pour des formats téléphone, ce qui est à la limite, supportable. Mais, la contrepartie c’est que l’on a donné l’illusion à des tas de gens créatifs, mais pas forcément photographes, qu'ils étaient les nouveaux Salgado !
Certes, la tendance semble s’atténuer au profit de plateformes majeures de qualité, mais qui payent 0,40 centimes une image libre de droits. Le problème est donc insoluble pour le moment.
Futuroscopie - Quelles sont les nouvelles contraintes ?
Gil Giuglio : Désormais, il faut savoir tout faire et adieu le temps libre que nous avions dans les années 90. Cette époque est bel et bien terminée et je crains qu’elle ne revienne pas.
Prenons mon exemple : dans la presse tourisme, mon job autrefois consistait à me lever le matin en me disant « Tiens, ça fait longtemps que je n’ai pas vu les Bahamas. Allez, je vais donc monter un sujet là-bas ! ». Je travaillais alors pour 7 ou 8 magazines et j'avais un stock en agence qui me permettait en plus de toucher régulièrement un Smic.
A mon retour de reportage, la seule tâche qui m’attendait alors était de passer l’après-midi au labo à écrire sur des Post-it les légendes de 40 signes à graver sur les diapos. Tout cela en racontant avec grand plaisir mon voyage aux hôtesses d’accueil et à mes confrères.
Aujourd’hui, 8 jours de reportage représentent 8 jours environ de post production, d’éditing, de diffusion promotionnelle, etc. On est donc loin de la belle époque !
Mieux, ou pire, on est l’homme-orchestre de sa petite entreprise. Un homme orchestre qui doit savoir écrire, avoir des connaissances SEO, faire tourner un blog, un site de e-commerce sur un fichier qualifié, animer une communauté et maîtriser parfaitement une deuxième langue, voir une troisième.
Gil Giuglio : De manière générale, non, plus vraiment. Même s'il reste des niches, la dévaluation et surtout la profusion de photos ont perturbé tout ce marché. (En l'occurrence le mien : la presse voyage).
Certes, sur des domaines où les concessions qualitatives sont impossibles comme la photo industrielle, on peut encore vivre de son métier. À condition d’avoir des connaissances technologiques liées au studio et qui ne peuvent pas s’apprendre sur un webinar. Même si ça a toujours été le cas, il faut être encore plus agressif qu’avant pour attirer des marques qui payent encore des photos.
À mon avis deux problèmes se posent pour qu’un photographe professionnel vive de ses photos :
- La profusion d’images faussement « belles » que les logiciels de traitement du type Instagram ont mises sur le marché constitue l’un des premiers problèmes. La tendance étant à l’utilisation d’images pour des formats téléphone, ce qui est à la limite, supportable. Mais, la contrepartie c’est que l’on a donné l’illusion à des tas de gens créatifs, mais pas forcément photographes, qu'ils étaient les nouveaux Salgado !
Certes, la tendance semble s’atténuer au profit de plateformes majeures de qualité, mais qui payent 0,40 centimes une image libre de droits. Le problème est donc insoluble pour le moment.
Futuroscopie - Quelles sont les nouvelles contraintes ?
Gil Giuglio : Désormais, il faut savoir tout faire et adieu le temps libre que nous avions dans les années 90. Cette époque est bel et bien terminée et je crains qu’elle ne revienne pas.
Prenons mon exemple : dans la presse tourisme, mon job autrefois consistait à me lever le matin en me disant « Tiens, ça fait longtemps que je n’ai pas vu les Bahamas. Allez, je vais donc monter un sujet là-bas ! ». Je travaillais alors pour 7 ou 8 magazines et j'avais un stock en agence qui me permettait en plus de toucher régulièrement un Smic.
A mon retour de reportage, la seule tâche qui m’attendait alors était de passer l’après-midi au labo à écrire sur des Post-it les légendes de 40 signes à graver sur les diapos. Tout cela en racontant avec grand plaisir mon voyage aux hôtesses d’accueil et à mes confrères.
Aujourd’hui, 8 jours de reportage représentent 8 jours environ de post production, d’éditing, de diffusion promotionnelle, etc. On est donc loin de la belle époque !
Mieux, ou pire, on est l’homme-orchestre de sa petite entreprise. Un homme orchestre qui doit savoir écrire, avoir des connaissances SEO, faire tourner un blog, un site de e-commerce sur un fichier qualifié, animer une communauté et maîtriser parfaitement une deuxième langue, voir une troisième.
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Futuroscopie - Quelles sont à l'inverse les nouvelles qualités de ce métier, sur le plan technologique et celui de la diffusion ?
Gil Giuglio : Eh bien paradoxalement, les nouvelles qualités sont celles que je viens d’énumérer. Au moins vos photos sont visibles partout sur le globe. Même si elles sont noyées dans une profusion de productions hallucinantes, elles sont accessibles pour qui a envie de les regarder.
Les champs quasi illimités des IPTC ont également permis d’écrire des légendes plus exhaustives et de ne plus se contenter d’un « Malaisie, îles Langkawi » en bas de la diapo. Moi qui ai toujours confondu mon métier avec celui d’un ethnologue, ça me va finalement très bien.
Futuroscopie - Le monde est-il toujours photogénique ? Jusqu'à quand ?
Gil Giuglio : Oui, le monde me semble plus photogénique. Même s’il est homogène et qu’en faisant un reportage à Santiago du Chili et l’autre à Strasbourg, vous ayez la même enseigne Starbuck, certaines choses ont bougé dans le bon sens.
Les pyramides de Gizeh ne trônent plus sur un champ inondé de sacs en plastique. Les critères d’environnement des sites de l’Unesco de plus en plus nombreux comptent dans l’affiliation. Les panneaux publicitaires à l’entrée des villes ne sont plus aussi grossiers… Le monde semble en gros plus esthétique et plus soigné.
Avec évidemment partout, des poches de misère et de saleté. Par contre, les gens le sont beaucoup moins « beaux » qu’avant. Si je prends l’obésité, ce problème n’est pas abstrait. Sur les façades blanches et ultra-design de l’architecte Zaha Hadid par exemple, la silhouette d’un personnage aux formes d’une bouteille d’Orangina ne sera pas aussi esthétique qu’une silhouette élancée avec un joli port de tête. Ainsi, va l’humanité.
En fait, on paie des fortunes pour voir des merveilles. Par contre, se balader dans le Louvre en survêtement fluo ne pose pas de problèmes à beaucoup de touristes. Moi si ! Vous le voyez, les paradoxes de nos temps modernes sont loin d’être abolis.
Futuroscopie - Quels effets, selon vous, ont eu les réseaux sociaux sur votre métier ?
Gil Giuglio : Les réseaux sociaux sont à double tranchant. Encore une fois, ce sont de formidables outils de diffusion pour le travail du photographe qui a au moins la possibilité de faire savoir sur quoi il travaille. Mais en revanche, ils ont un côté addictif qui reste dangereux. Il faut avoir une discipline quasi militaire pour ne pas se faire influencer par exemple par les filtres d'Instagram.
À force d’utiliser Instagram, je travaille mes photos comme les filtres de l’application. Moi qui ai appris sur les bancs de l’école que le « vignetage » était signe d’une optique de mauvaise qualité, je me surprends à l'accentuer sur mes images et j’avoue que cela m'inquiète. Ceci dit, j'ai décroché pas mal de contrats avec les réseaux sociaux. D'où l'idée de vraiment réussir à les maîtriser et il y a beaucoup à faire.
Gil Giuglio : Eh bien paradoxalement, les nouvelles qualités sont celles que je viens d’énumérer. Au moins vos photos sont visibles partout sur le globe. Même si elles sont noyées dans une profusion de productions hallucinantes, elles sont accessibles pour qui a envie de les regarder.
Les champs quasi illimités des IPTC ont également permis d’écrire des légendes plus exhaustives et de ne plus se contenter d’un « Malaisie, îles Langkawi » en bas de la diapo. Moi qui ai toujours confondu mon métier avec celui d’un ethnologue, ça me va finalement très bien.
Futuroscopie - Le monde est-il toujours photogénique ? Jusqu'à quand ?
Gil Giuglio : Oui, le monde me semble plus photogénique. Même s’il est homogène et qu’en faisant un reportage à Santiago du Chili et l’autre à Strasbourg, vous ayez la même enseigne Starbuck, certaines choses ont bougé dans le bon sens.
Les pyramides de Gizeh ne trônent plus sur un champ inondé de sacs en plastique. Les critères d’environnement des sites de l’Unesco de plus en plus nombreux comptent dans l’affiliation. Les panneaux publicitaires à l’entrée des villes ne sont plus aussi grossiers… Le monde semble en gros plus esthétique et plus soigné.
Avec évidemment partout, des poches de misère et de saleté. Par contre, les gens le sont beaucoup moins « beaux » qu’avant. Si je prends l’obésité, ce problème n’est pas abstrait. Sur les façades blanches et ultra-design de l’architecte Zaha Hadid par exemple, la silhouette d’un personnage aux formes d’une bouteille d’Orangina ne sera pas aussi esthétique qu’une silhouette élancée avec un joli port de tête. Ainsi, va l’humanité.
En fait, on paie des fortunes pour voir des merveilles. Par contre, se balader dans le Louvre en survêtement fluo ne pose pas de problèmes à beaucoup de touristes. Moi si ! Vous le voyez, les paradoxes de nos temps modernes sont loin d’être abolis.
Futuroscopie - Quels effets, selon vous, ont eu les réseaux sociaux sur votre métier ?
Gil Giuglio : Les réseaux sociaux sont à double tranchant. Encore une fois, ce sont de formidables outils de diffusion pour le travail du photographe qui a au moins la possibilité de faire savoir sur quoi il travaille. Mais en revanche, ils ont un côté addictif qui reste dangereux. Il faut avoir une discipline quasi militaire pour ne pas se faire influencer par exemple par les filtres d'Instagram.
À force d’utiliser Instagram, je travaille mes photos comme les filtres de l’application. Moi qui ai appris sur les bancs de l’école que le « vignetage » était signe d’une optique de mauvaise qualité, je me surprends à l'accentuer sur mes images et j’avoue que cela m'inquiète. Ceci dit, j'ai décroché pas mal de contrats avec les réseaux sociaux. D'où l'idée de vraiment réussir à les maîtriser et il y a beaucoup à faire.
Gil Giuglio est un photographe qualifié et expérimenté depuis l'ère argentique. Il intervient en photo corporate sur un large spectre avec la maîtrise du studio, du portrait, de la décoration et du reportage événementiel. Avant tout, c'est un photo-journaliste encarté, tout aussi actif sur le reportage tourisme & évasion pour la presse et l'édition. Il a publié 420 reportages produits dans 70% des pays du monde et sur la France. Il est membre du bureau de l’AJT (Association des journalistes de tourisme).
Tel+33(0)612313100
www.photo-tourisme.com
Tel+33(0)612313100
www.photo-tourisme.com
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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