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Futuroscopie - Avion, le ciel est-il encore le plus bel endroit de la terre ? 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Artisan de la démocratisation du voyage, champion de la vitesse de déplacement, vedette de l’ère industrielle, l’univers de l’aérien constitue une pierre indispensable de l’édifice touristique. Malgré ses 4 milliards et demi de voyageurs (qui pourraient ne pas tarder à doubler), il n’en reste pas moins la cible majeure des accusations portées par les militants écologistes et une partie des générations Y et Z qui se disent prêtes à croiser le fer avec les compagnies aériennes sourdes à leur combat. A la croisée des chemins, l’imaginaire de l’aérien est donc trouble et troublé par ses détracteurs qui ne désarment pas.


Rédigé par le Mercredi 7 Août 2024

L’avion est très vite entré dans la légende à travers les exploits d’une génération d’aviateurs intrépides qui ont risqué leur vie pour faire progresser les communications entre les hommes - Pepita
L’avion est très vite entré dans la légende à travers les exploits d’une génération d’aviateurs intrépides qui ont risqué leur vie pour faire progresser les communications entre les hommes - Pepita
… Revenons en arrière : porteur de l’un des rêves de l’humanité : voler, l’avion est très vite entré dans la légende à travers les exploits d’une génération d’aviateurs intrépides qui ont risqué leur vie pour faire progresser les communications entre les hommes, accélérer le temps, réduire les distances et devenir l’égal des dieux.

Incarnés en France par des aviateurs célèbres comme Blériot, Mermoz, Guynemer ou Saint Exupéry et l’Américain Lindberg, l’avion est ensuite entré dans l’univers de la guerre en incarnant des bombardements ignobles comme celui de Guernica, Pearl Harbour, Hiroshima...

Il faudra donc attendre les années d’après-guerre pour que l’aviation civile s’organise à travers la création de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) qui rassemble les États, de l’IATA (International Air Transport Association) qui réunit les compagnies, et la signature de la Convention de Chicago (le 7 décembre 1944).

Dans un monde et un ciel apaisés les premiers avions mythiques se mettent alors à décoller : en 1954, c’est le premier vol du Boeing 707. En 1955, c’est celui de la première Caravelle. Des oiseaux volants qui font basculer l’aérien dans une mythologie en pleine gestation, celle du voyage.

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Un voyage particulièrement élitiste, réservé́ à une poignée de nantis capables de débourser des sommes astronomiques pour quelques heures de vol au cours desquelles toute une imagerie de luxe se met en place : hôtesses tirées à quatre épingles un plateau de coupes de champagne à la main, stewards en uniformes tout aussi impeccables et vedettes du show bizz, de la politique et du cinéma posant, rayonnants, devant les photographes du haut d’une passerelle...

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Des compagnies prestigieuses commencent à être rayées de la carte

Puis vint l’heure de la dérégulation. Entre les premiers vols charters de la fin des années soixante, affrètes par des agences de voyages engagées dans un combat pour le voyage pour tous (Le Point Mulhouse, Nouvelles Frontières des compagnies prestigieuses commencent à être rayées de la carte, traduisant le malaise économique d’un secteur miné par les fluctuations du baril de pétrole, peu préparé à affronter ses propres mutations.

Dans cette ambiance complexe, coup de tonnerre : Pan Am jette l’éponge en 1991, une compagnie qui avait pourtant inauguré son premier vol en 1927 !

Lire aussi : Comment la Pan Am a créé les fondamentaux du transport aérien

D’autres suivront comme Swissair tandis que des compagnies naissent pleines de promesses et que certaines fusionnent...

Alors qu’un nouveau millénaire commence, on ne parle plus que de privatisation, dérèglementation, libéralisation pour le bien présumé́ d’un consommateur déconcerté́ par la nouveauté́ mais ravi par l’effondrement des tarifs, puis de plus en plus acquis aux avantages proposées par les nouvelles venues...

L’heure du low-cost surtout a sonné́ et mis à la portée de nombreuses bourses des destinations de moyen-courrier et désormais de long-courrier.

Symbolisme : liberté, pureté, sacré

Sur le plan symbolique, la situation de l’avion est complexe elle aussi. Généralement, l’avion signifie une ascension spirituelle : une libération de l’être et de son moi terrestre par l’accès aux hauteurs célestes. Il illustre, tout comme l’oiseau, une des grandes aspirations de l’homme : celle de s’enlever dans les airs vers des sommets infinis pour aller rejoindre le divin. L’aérien exprime une volonté́ de s’émanciper des obligations terrestres, d’élever son esprit, de se libérer de la matière.

Mais comme le rappelle le mythe d’Icare, cet envol n’est pas dénué́ de risques. Les grandes utopies ont aussi leur revers. À vouloir se rapprocher des dieux trop rapidement, Icare tombe dans l’eau (ce qui le ramène au monde d’en bas : le monde terrestre). L’envol et la chute d’Icare figurent la collision entre l’esprit (symbolisé par l’élément « air ») et l’instinct (symbolisé par l’élément « eau »).

Enfin, l’avion, par sa forme et son mouvement ascensionnel, symbolise également la libido : c’est notre volonté́ d’atteindre le 7e ciel ! L’avion décolle pour atterrir ensuite : cette montée et cette descente renvoient à l’excitation sexuelle et à l’orgasme (l’atterrissage pouvant alors être vu comme « une petite mort »).

Et si l’avion manque de carburant, un psychanalyste n’hésitera pas à̀ vous mettre sur la piste d’une déficience de libido !

Un imaginaire en transition écologique et économique

Les changements survenus dans la structuration du transport aérien ces vingt dernières années, tendant à̀ la massification de sa clientèle, contribuent à̀ une mutation inédite de l’image du secteur.

Désormais plutôt composée d’une mosaïque d’inconforts, de sièges trop étroits, de personnel navigant sous payé, de suppléments tarifaires incessants, de plateaux repas médiocres et payants... le tout au départ d’aéroports excentrés, limités à des salles maussades... le nouvel aérien a perdu de son lustre.

Le low-cost pour sa part qui vient répondre à une demande utilitaire et économique, en effaçant le superflu, a fait voler en éclats les dernières paillettes du secteur. De plus, le danger terroriste s’étant invité à bord des avions et dans les aéroports, a introduit la peur et un flot de nouvelles contraintes pour le voyageur difficilement supportables : contrôles tatillons, attentes, fouilles, confusion, production de formulaires numériques improbables. Le tout sur fond de brèves, cohues, retards que la technologie dopée par l’intelligence artificielle parvient à̀ signifier au voyageur, via ses applications, mais sans pour autant être capable de les combattre.

Le spectre des 8 milliards de passagers en 2050 ne redore pas non plus le blason d’un mode de transport dont l’opinion sait les conséquences sur les émissions de gaz à effets de serre et commence à savoir les nuisances sur la santé des passagers à l’intérieur des cabines...

Quant à̀ la classe affaires, elle a beau faire miroiter ses performances, son confort et son luxe, elle ne constitue pas un rêve de substitution pour une classe moyenne qui ne pourra jamais en payer le prix !

Restent les appareils solaires ou électriques qui, bien que très loin d’être vulgarisés, commencent à s’inscrire dans le futur instable de l’aérien. Reste surtout la sécurité de ce mode de transport qui, malgré́ quelques catastrophes spectaculaires, amplement médiatisées, parvient à̀ braver les à priori et à faire valoir cette formidable qualité́.

Restent enfin les prouesses accomplies par certains aéroports internationaux, villes dans la ville, dont l’aéroport de Singapour est le meilleur exemple : façades végétalisées, centres de wellness, musées, restauration gastronomique et surtout shopping !

Suffiront-ils à contrer les risques que court Icare ? Et puis, qu’on le veuille ou non, restent des tarifs parfois particulièrement attractifs pour continuer de briller un peu dans un ciel maussade !

Venise : en alerte maximale

Laissons la parole, car elle est synthétique, à Matteo Sechi, président de l’association citoyenne Venessia : « Nous sommes en train de devenir Pompéi, une ville que les gens viennent visiter, disent qu’elle est magnifique, mais où personne ne vit. Le danger est très important. Les Vénitiens ne sont pas contre les touristes. Il est juste que les touristes puissent visiter Venise, mais il est aussi juste que les Vénitiens puissent y vivre. Le défi est de réussir à gérer ces deux mondes différents. »

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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