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Futuroscopie - Cartes, applis, guides : « le grand remplacement » aura-t-il lieu ? 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


La technologie est-elle irrévocablement synonyme d’avenir ? Depuis vingt ans, la digitalisation en marche est bel et bien venue à bout d’un certain nombre d’objets et de services quotidiens. Pourtant, au royaume de l’itinérance, guides traditionnels et cartes routières n’ont pas désarmé. Fidèles à leur vocation, ils ont conservé une clientèle tout aussi fidèle. Et, surprise, les guides en chair et en os démontrent leurs immenses capacités à séduire un public, aussi ou plus, tenté par le réel que le virtuel…


Rédigé par le Lundi 23 Mai 2022

La carte qui permet de préparer un voyage, a l’avantage de fournir une vision d’ensemble d’une destination et de constituer une source d’inspiration. - Depositphotos.com Auteur AlphaBaby
La carte qui permet de préparer un voyage, a l’avantage de fournir une vision d’ensemble d’une destination et de constituer une source d’inspiration. - Depositphotos.com Auteur AlphaBaby
Le 23 mai à Paris, une conférence un peu particulière réunissait les acteurs d’une activité en plein développement (hors confinements bien-sûr), celle des visites thématiques de Paris et sa région.

Organisées par le GIE : ExploreParis, ces promenades dans les rues de la capitale et dans les départements alentours, ont conquis un public. Pour le moment, celui de proximité essentiellement, désireux de découvrir un aspect d’un quartier ou de la région en suivant une thématique particulière.

Thématiques d’une richesse absolue, puisque celles-ci vont de l’art nouveau au chocolat en passant par les quartiers chinois, les terrasses cultivées de l’opéra Bastille, les métros en chantier, le cinéma le long du canal Saint Martin…

Avec au compteur en 2021 : 53 278 visiteurs, Explore Paris est né d’un contrat de destination signé en 2016 entre l’OT de Paris et les départements du Val de Marne, Seine-Saint-Denis et Hauts de Seine auxquels se joignent cette année le CRT Ile-de-France et la Métropole du Grand Paris.

Autres partenaires : la RATP, Atout France, le Welcome City Lab et l’Irest… Autre qualité, ExploreParis peut se prévaloir non seulement d’une quasi exclusivité en France mais aussi dans le monde.

En effet, exception faite de Bruxelles (avec Explore Bruxelles), peu de destinations ont développé un tel programme qui, loin d’être figé, s’enrichit régulièrement de nouveaux parcours menés par des érudits et des passionnés qui, pendant deux heures au moins se mettent totalement à la disposition des curieux qui composent des groupes allant de 2 à 30 personnes, à des tarifs parfaitement abordables : autour de 15 euros !

Pour les Cassandre qui avaient prédit la fin des guides « humains » et leur remplacement par des techniques audio, des applis, des GPS… il va de soi que le « grand remplacement » n’est pas au rendez-vous. D’ailleurs, dans le même genre, mais gratuit, le mouvement des « Greeters » est loin d’être tari.


ExploreParis en chiffres

Année 2021 : 1382 visites ou activités différentes / 7 133 visites ou activités programmées.
Répartition des publics :
84% de franciliens
14% de touristes nationaux
2% de touristes internationaux

Guides en papier : le renouveau nature, slow, proximité

Du côté de ces institutions que sont les guides touristiques en papier et les cartes, la situation est moins calamiteuse que le dit la rumeur. Après une chute phénoménale en 2020, les guides ont repris du poil de la bête, grâce à un recentrage sur la France, sur la proximité et une diversification des thématiques, avec en tête l’éco responsabilité, le durable d’une façon générale, le vélo, le camping-car, les petites routes, les grands espaces, les jardins… mais aussi le concept de slow qui, né dans les années 80 en Italie à partir du mouvement « slow food » n’en attendait pas tant.

Ainsi par exemple, le guide du « Zéro carbone » de Lonely Planet qui a bien senti la tendance, s’est vendu à 12 000 exemplaires en 2021. Au sommaire : 60 itinéraires, avec des déplacements uniquement à vélo, train ou à pied, pour des vacances dépaysantes et écoresponsables !

Même constat chez Michelin qui a vendu l’an dernier son guide des « Week ends en van » à 20 000 exemplaires et lance en ce moment une série de cartes routières dédiées au slow tourisme.

Le grand retour des cartes

Présente depuis 1907 sur le marché des cartes, la marque au Bibendum qui vend bon an mal entre 3 et 5 millions de cartes (80% du marché français), entend bien préserver l’avenir d’une activité qui, selon nous, n’est pas menacée par la concurrence technologique.

Certes, en convient Philippe Sablayrolles, responsable du service cartographie du groupe, « le GPS est indétrônable ». Mais la carte qui permet de préparer un voyage, a l’avantage de fournir une vision d’ensemble d’une destination et de constituer une source d’inspiration. La carte invite à la découverte de lieux inconnus, auxquels l’on n’avait pas pensé.

Elle constitue donc une première étape du voyage. Celle à partir de laquelle on peut rêver et découvrir des nouveautés. Et puis, selon ce professionnel passionné, « la carte est un bel objet » qui compte toujours une niche d’aficionados.

Enfin, pendant un parcours, la carte garantit la liberté d’aller où on le souhaite en se soustrayant aux commandements du GPS qui ne démord pas de sa trajectoire et se montre parfois très contraignant alors que « les voyageurs veulent aller où ils veulent, quand ils veulent » En fait, « la carte parle au cerveau et le GPS à l’oreille » conclut le responsable.

Les applis de guidage : un excellent complément, quand ça marche !

Mais, il est un autre marché, celui des applis. Avec plus d’un milliard d’incidences sur Google, les applis tourisme qui ont fait florès depuis que le smartphone leur permet de se déployer sur ses écrans, ne désarment pas.

Ainsi, la semaine dernière, le département du Val d’Oise était fier de présenter l’une de ses nouvelles « balades augmentées ». Intitulée « Aux sources », elle propose au départ de la Gare du Nord à Paris, une expérience immersive et sensorielle.

On pourrait dire aussi « éducative ». En effet, outre les traditionnelles informations historiques, le programme de l’application offre un système de guidage autour du lac d’Enghien, parsemé de musiques, de sons d’oiseaux, de bruits de sabots de chevaux et de lectures de textes puisés dans les écrits de Lamartine ou de Rousseau…

Sur le fond, le travail de documentation de l’équipe de l’entreprise : « Le Flâneur » est irréprochable. Mais, la technique ne suit pas toujours. Et en peu de temps, il peut devenir fastidieux pour certains usagers de gérer des codes, une Wifi parfois défaillante et un casque qui a tendance à couper de l’ambiance extérieure.

Difficultés générationnelles ? En partie. Mais, pas que. La technologie a beau se vouloir immersive, elle constitue aussi un écran entre usager et environnement. Sans compter le stress qu’elle peut provoquer.

La dimension environnementale et le prix pourraient changer la donne

Et puis, si l’on cherche à pousser plus loin l’analyse et à aborder le volet économique et environnemental, il semblerait bien que l’avantage soit au papier et à l’humain.

En effet, le papier est durable. Trop même. De plus, il est recyclable, tandis que les procédés d’impression sont économes en émissions de CO2. Enfin, il coûte moins cher. L’humain pour sa part est totalement « décarboné » : ni la voix d’un guide, ni ses pas n’émettent de CO2 ! En revanche, une appli comme celle évoquée ci-dessus non seulement coûte cher (environ 50 000 euros) mais elle n’est pas neutre en émissions de CO2, depuis sa conception jusqu’à son utilisation.

On touche donc avec ce débat à l’un des problèmes des années à venir. Ne va-t-on pas rapidement devoir revenir au papier afin de participer à la décarbonation de la planète ? Nul n’ignore plus que la digitalisation du monde contribue à sa pollution, au réchauffement climatique et à tous les drames qui lui sont liés…

Après la limitation des avions et des voitures, c’est peut-être à ce chantier qu’il conviendrait de s’attaquer.

Autre question plus subtile : bien que, tous les outils analysés méritent leur place et soient complémentaires, la vraie question à se poser est la suivante : "que se passera-t-il quand nous aurons perdu la capacité à nous orienter ?"

Pour finir : https://www.france.fr/fr/actualite/liste/applis-voyage-france

Michelin en quelques chiffres

Des les années 2000, l’érosion des ventes de cartes a commencé. On l’a estimée à 5 à 7% par année. Ce qui est beaucoup. Mais, en 2021, la frénésie de vacances en France a permis de redonner des couleurs au marché.

Ainsi, à fin juillet 2021, le marché de la carte routière était en hausse de 4,5 % en volume et le marché des atlas routiers de + 19,3 %. Sur la même période, les ventes de cartes routières Michelin aux particuliers progressent de + 5,8 % et celles des atlas Michelin de +19,4%.

A fin avril 2022, Michel Editions enregistre à +72% vs janvier-avril 2021 sur les cartes

Si on regarde les top des ventes, la France reste un best seller suivie de la Bretagne, la Provence-Côte d’Azur, le Finistère-Morbihan, Rhône-Alpes et le Gard-Hérault.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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