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III. Histoire des EDV : avec le carnet de change, François Mitterrand met les agents de voyages dans la rue

La saga des Entreprises du Voyage (EDV)


Créé en 1945 dans l’immédiat de l'après-guerre, le syndicat patronal des "Entreprises du Voyage" (EDV) a été créé pour représenter dans leur diversité les agents de voyages et regrouper, sous toutes leurs formes, les activités de la Distribution et de la Production. Les EDV s’imposent comme l’organisation référente et incontournable des métiers qu’elle représente auprès des pouvoirs publics, des fournisseurs, des grands partenaires et des médias grand public et professionnels. L'instance siège aux côtés des autorités administratives et des organisations syndicales. En défendant les intérêts de chacun, en cultivant un esprit de solidarité, elle veille à la pérennité de tous. Voici l’histoire des Entreprises du Voyage à travers les hommes qui ont présidé ce syndicat.


Rédigé par le Lundi 14 Décembre 2020

La troisième dévaluation du franc Mitterrand - Mauroy a lieu le 21 mars 1983. Un plan d’austérité est annoncé, il interdit pratiquement aux Français de sortir de France et paralyse de fait le tourisme, une chose inqualifiable pour les agences de voyages - DR : Dwight Burdette, Wikimedia Commons
La troisième dévaluation du franc Mitterrand - Mauroy a lieu le 21 mars 1983. Un plan d’austérité est annoncé, il interdit pratiquement aux Français de sortir de France et paralyse de fait le tourisme, une chose inqualifiable pour les agences de voyages - DR : Dwight Burdette, Wikimedia Commons
Le début des années 1980 voit l’informatisation de la profession. On communique par télex. Ce sont les beaux jours du minitel.

Chacun des grands fournisseurs tend à développer son propre terminal et système informatique (Alpha 3 pour Air France, Olivetti pour la SNCF).

De leur côté, les entreprises du voyage bataillent pour une simplification de procédure et la mise en service d’un système commun multi-accès.

Jean Perrin (futur président du SNAV) et Olivier Delaire (président de l’APS) font le voyage aux Etats-Unis à la rencontre de leurs confrères américains pour étudier le fonctionnement de leur système multi-accès qu'ils veulent transposer en France.

A l’issue du congrès de Cannes (1979), marqué par une ambiance particulièrement houleuse, le SNAV obtient enfin la création d’Esterel, qui deviendra Amadeus.

Dans des conditions un peu rocambolesques, une démonstration sera faite au congrès de Marrakech (1982). Un camion bourré de matériels informatiques et d’écrans fera la route de Paris à Marrakech avec, à hauteur de Tanger, quelques soucis douaniers pour son chauffeur...

Le SNAV actionnaire d’Esterel, qui deviendra Amadeus

Dès la mise en service d’Esterel développé par France Telecom, le SNAV crée une SARL, la Société Informatique des Agences de Voyages (SIAV) et signe une convention.

Pour chaque écran Esterel acheté, d’une valeur de 4 000 francs anciens (environ 1 200 euros en 2020), 50% iront chez Esterel et 50% seront transformés en actions.

"Nous devenons actionnaires à hauteur de 10% d’Esterel et siégeons au Conseil d’administration aux côtés d'Air France, Air Inter, U.T.A., Club Méditerranée, S.N.C.F. et S.N.C.M", dit avec quelque fierté Jean-Claude Rouach.

La vente des actions se traduira par un joli pécule. Montant non communiqué. Il aurait participé au déménagement du siège.

Sous la présidence de César Balderrachi, le SNAV quittera les locaux vieillots et inadaptés de la rue Villaret de Joyeuse pour l’acquisition de bureaux spacieux place du Général Catroux, à Paris.

On connaît la suite : Esterel deviendra Amadeus. Créé en 1987 par quatre compagnies aériennes européennes (Air France, Iberia, Lufthansa et SAS), cette structure commune de distribution informatisée des segments aériens regroupera à terme l’ensemble de l'offre de vente de billets d'avion, toutes compagnies confondues. 

Sous la conduite de Philippe Demonchy, président du réseau Selectour et responsable de la Commission Communication, le SNAV engage en 1981 une campagne qui fera date : "Le plus court chemin".

Un plan d’austérité qui paralyse le tourisme

Couverture de Paris Match du 1er avril 1983. La troisième dévaluation du franc Mitterrand - Mauroy a lieu le 21 mars 1983. Jacques Delors, ministre des Finances, annonce un plan de rigueur qui inclut le contrôle des changes et l’instauration d’un carnet de change aux devises - DR
Couverture de Paris Match du 1er avril 1983. La troisième dévaluation du franc Mitterrand - Mauroy a lieu le 21 mars 1983. Jacques Delors, ministre des Finances, annonce un plan de rigueur qui inclut le contrôle des changes et l’instauration d’un carnet de change aux devises - DR
La troisième dévaluation du franc Mitterrand - Mauroy a lieu le 21 mars 1983.

Le vendredi 25 mars, au JT de 20 heures, le ministre des Finances Jacques Delors annonce un plan de rigueur : hausse des taxes sur la vignette auto, l’alcool et le tabac, hausse du forfait hospitalier et de l’essence, hausse des tarifs EDF, GDF et SNCF, emprunt forcé et, cerise sur le gâteau, le contrôle des changes et l’instauration d’un carnet de change aux devises.

Ce plan d’austérité interdit pratiquement aux Français de sortir de France.

Pour l’année entière, les Français obtiennent l’équivalent de 2 000 francs (600 euros) en devises et 1 000 francs en billets français !

Ce plan d’austérité qui paralyse le tourisme est inqualifiable pour les agences de voyages.

Jean Perrin raconte : "Avec Olivier Delaire et Jean-Claude Rouach, nous sommes allés sans rendez-vous sonner à la Porte d’Edith Cresson, ministre du Commerce extérieur et du Tourisme sous le gouvernement Mauroy 3. Elle nous a reçus gentiment en nous disant qu’elle n’avait aucun pouvoir.

Il fallait mieux aller directement chez Jacques Delors, ministre des Finances. Nous l’avons fait, sans rendez-vous. Au Palais Royal où se trouvaient encore les Finances, les huissiers ont accepté de nous faire rentrer avec cet impératif : une seule personne pourra voir Monsieur le Ministre qui nous conseille d’aller voir directement Mitterrand, c’est lui qui décide !"

En 1983, le SNAV organise sa première manifestation patronale

La jeune garde de l’époque n’hésite pas. "Nous savions que François Mitterrand avait une inauguration Porte Maillot. Nous y sommes allés. Nous avons réussi à nous infiltrer dans le Palais des Congrès et à nous approcher à quelques mètres du Président avant d’être exfiltrés".

Pour protester contre ce carnet de change, le SNAV organise la première manifestation patronale, la seule de son histoire, en défilant avec pancartes et trompettes de l’Opéra au Louvre, siège du ministère des Finances.

Le carnet de change obligatoire pour les Français se rendant à l'étranger est supprimé le 31 décembre 1983. Il a duré 9 mois. L’annonce est faite lors du congrès de Cannes le 31 octobre 1983, le SNAV avait réussi à adoucir les mesures pour les voyages d’affaires.

Quant à l’activité touristique, elle aura été sérieusement perturbée y compris - paradoxalement - à l’intérieur de l’Hexagone.

Georges Toromanof, Jean Perrin, des hommes de conviction

Georges Toromanof, président du SNAV de 1985 à 1989. La France et le tourisme d’accueil sont en tête de ses actions - DR
Georges Toromanof, président du SNAV de 1985 à 1989. La France et le tourisme d’accueil sont en tête de ses actions - DR
D'origine russe, Georges Toromanof consacre sa vie au monde du tourisme.

Polyglotte, il parle anglais, allemand, italien, espagnol en plus du français et du russe. Il débute dans la vie comme guide-interprète avant d’entrer comme agent d'accueil à France Tourisme (qui deviendra ParisVision). Il en partira Directeur général.

Elu administrateur en 1979, il assurera la présidence du SNAV de 1985 à 1989.

C’est un bûcheur, un polyvalent. Paris, la France et le tourisme d’accueil seront en tête de ses actions.

Sa connaissance des langues l’amènera à siéger à la FUAAV (Fédération Universelle des Associations d'Agences de Voyages). Il en sera le vice-président, puis le président. Il présidera aussi le chapitre français de l'ASTA (American Society of Travel Agents).

Retraité Georges Toromanof continuera à apporter son soutien au syndicat en prenant en charge la commission des Affaires Internationales, puis celle des Affaires Sociales et de la Formation Professionnelle.

En 1989, Jean Perrin succède à Georges Toromanof. Du SNAV, il en connaît tous les arcanes pour y être entré dès 1978 comme jeune patron d’une agence de voyages adhérente au réseau volontaire Selectour.

"J’ai toujours été responsable de quelque chose. Distribution, relations avec les fournisseurs, organisation des congrès, vice-présidence. Je participais activement à la vie du syndicat. J’allais dans les régions à la rencontre des adhérents et des organisations locales".

La préparation de la loi de 1992, qui renforce la protection du consommateur et ouvre le métier à de nouveaux acteurs, sera pour lui un dossier de poids.

A SUIVRE : IV. Histoire des EDV : César Balderacchi, le mandat en "béton gravé dans le marbre"

Retrouvez tous les articles consacrés à la saga des Entreprises du Voyage
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Tags : EDV, sagaEDV, SNAV
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