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La grève toujours la grève : et qui paie la note ?

la chronique de Jean-Louis Baroux


C’est un mal français, qui d’ailleurs a tendance à s’étendre en Europe si on en juge par les conflits sociaux à Lufthansa et dans certains aéroports par exemple. Et il est bien désolant que ce mode de relation devienne un élément essentiel des discussions sociales. N’y a-t-il pas d’autres manières de résoudre les attentes des salariés ? Les responsables des ressources humaines ne sont-ils pas capables d’anticiper les conflits potentiels ? Reste que selon les catégories d’entreprises les conséquences ne sont pas les mêmes.


Rédigé par le Jeudi 22 Septembre 2022

La grève du 16 septembre aura coûté de l’ordre de 50 millions d’euros Depositphotos.com Auteur JrCasas
La grève du 16 septembre aura coûté de l’ordre de 50 millions d’euros Depositphotos.com Auteur JrCasas
Bien entendu on pourra toujours pointer du doigt les avantages des contrôleurs aériens et ils ne sont pas minces. Si j’en crois le site Jobtel, la moyenne de rémunération est de 6.340 € nets par mois ce qui correspond à 10.000 € bruts pour 155 jours de vacation par an.

Le salaire d’un débutant est de 48.000 € bruts par an, en milieu de carrière, cela passe à 120.000 € bruts pour terminer à 200.000€ bruts en fin de parcours. Ces montants doivent d’ailleurs inclure toutes les primes. Au fond, dans le transport aérien, seuls les pilotes peuvent prétendre à un revenu équivalent.

On est alors surpris du motif que le SNCTA (Syndicat National des Contrôleurs du Trafic Aérien) a affiché comme motif de l’arrêt de travail du 16 septembre « l’inquiétude du niveau actuel de l’inflation ainsi que des recrutements à venir ».

Cette peur du lendemain était-elle si terrible qu’elle pouvait justifier l’annulation d’un millier de vols au départ et à l’arrivée en France et le détournement des vols qui traditionnellement traversent l’espace aérien métropolitain ?

Qui va payer la note des compagnies ?

Disons que les syndicats sont dans leur rôle qui consiste à obtenir un maximum d’avantages pour les salariés qu’ils représentent. Seulement l’impact de leurs décisions est très différent selon qu’ils représentent un service public ou une entreprise privée.

Si les salariés d’un fabricant de fenêtres ou d’automobiles se mettent en grève, cela n’affecte que les résultats de leur entreprise. Mais dans le cas d’un service public, en particulier dans le domaine des transports : RATP, SNCF ou celui dont nous parlons, les dégâts sont supportés par les clients passagers et les compagnies aériennes, et non par les fabricants du service.

Autrement dit, dans le conflit qui nous intéresse, la DGAC ne sera pas impactée alors qu’elle est contractuellement tenue d’assurer ses prestations.

La grève du 16 septembre aura coûté de l’ordre de 50 millions d’euros. En prenant pour base l’annulation de 1000 vols à 150 passagers chacun et un prix moyen du billet de 200 € qui correspond à la moyenne mondiale cela fait déjà 30 millions d’euros auxquels il faut ajouter les retours pour les passagers dont le vol aller a été annulé, disons 50% soit 15 millions supplémentaires, et les coûts supplémentaires pour les vols détournés de l’espace aérien français.

J’entends bien qu’il faut retrancher de ce manque à gagner les économies de carburant faites sur les opérations annulées, mais il y a en parallèle beaucoup d’autres coûts induits dans les aéroports par exemple.

Voilà une perte de 50 millions d'euros

Bref, voilà une perte de 50 millions. Et qui va la supporter ? Les compagnies aériennes pour l’essentiel et les aéroports pour une part non négligeable. Est-ce bien juste ? Est-il normal que les responsables soient exonérés de toute sanction économique et que les dégâts soient supportés par les clients ?

Pourquoi le fournisseur du service, la DGAC et l’Etat en l’occurrence ne porteraient-ils pas le poids de ce qui leur est imputable ? Je ne dis pas que la grève est illégale, elle est inscrite dans le droit français, mais il est curieux que la plupart des conflits sociaux soient le fait de sociétés étatisées, pour lesquelles l’impact n’est pas douloureux.

Il en serait sans doute autrement si la DGAC devait supporter les 50 millions d’euros que cet arrêt de travail a causé. Dans le fond il est possible que la gestion du personnel dans cet organisme soit à ce point désastreuse pour que le dialogue social soit à ce point dégradé. Je n’en suis pas certain, mais ce dont je suis sûr, c’est que le service pour lequel la DGAC est payée, ce qui permet tout de même la bonne rémunération des contrôleurs, soit rendu.

Je note d’ailleurs que les compagnies ont aussi subi les défaillances de certains grands aéroports qui se sont trouvés dans l’incapacité d’absorber, cet été, un trafic pourtant inférieur à celui de 2019. Le manque d’anticipation dans les recrutements a eu pour conséquence l’annulation de milliers de vols pendant cette période.

Pourquoi là encore, les transporteurs devraient-ils supporter une défaillance dans l’organisation de leurs principaux fournisseurs de services, sans lesquels ils ne peuvent tout simplement pas opérer ?

On annonce un nouveau préavis de grève des contrôleurs pour la fin du moins de septembre. Les contrôleurs aériens viennent tout juste de le lever... Il semble que le bon sens l’a emporté...

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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