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Prêt à Partir : Daniel Piot s'en est allé

Le père de François Piot s'est éteint à l'âge de 81 ans


Autodidacte, travailleur, têtu et opiniâtre, comme le décrit son fils François, Daniel Piot s'en est allé, le 8 mars dernier. Le fondateur de la Société Anonymes Des Autocars Piot (SADAP), filiale du Groupe Prêt à Partir, avait 81 ans.


Rédigé par le Jeudi 14 Mars 2024

Daniel Piot, entouré de son épouse Mireille et de ses deux fils, Clément et François - Photo Prêt à Partir
Daniel Piot, entouré de son épouse Mireille et de ses deux fils, Clément et François - Photo Prêt à Partir
Voilà près de 20 ans qu'il n'était plus aux manettes de l'entreprise familiale.

Daniel Piot, le fondateur de la Société Anonymes Des Autocars Piot (SADAP), aujourd'hui filiale du Groupe Prêt à Partir, s'est éteint à l'âge de 81 ans, le 8 mars 2024.

"J'ai l'infinie douleur de vous faire part du départ de mon père Daniel, emporté dans sa 82ème année. Cela fait quelques années que nous nous préparions familialement à sa disparition.

Mais finalement, nous n'étions toujours pas prêts. Il laisse derrière lui une famille unie, une entreprise solide, et le souvenir d'un homme opiniâtre et novateur
", a écrit son fils François Piot sur la page LinkedIn du Groupe Prêt à Partir.

Daniel Piot dans l'entreprise depuis 1965

Né à Domrémy-la-Pucelle, Daniel Piot y résidait toujours, aux côtés de sa femme Mireille et de son fils Clément. C'est dans ce même village, à côté de la Basilique Sainte-Jeanne d’Arc, que ses propres parents, Rose et Achille, s'étaient établis.

"Mon grand-père Achille était doué en mécanique. Rose, c’était plutôt le commerce. C’est elle qui tenait les finances, qui portait le pantalon comme on dit. Au même endroit, ma grand-mère tenait un salon de coiffure, et mon grand-père s’occupait du garage et de la station-service", se remémore François Piot dans un ouvrage qui retrace l'histoire familiale.

Ensemble, ils ont créé les premiers transports des « Cars Achille Piot » dans les années 50, avec une 2CV.

Daniel Piot les a rejoints en 1965, juste après son service militaire.

"Autodidacte, travailleur, têtu et opiniâtre, un peu honteux de ne pas avoir fait d’études, il se donne corps et âme à l’entreprise familiale. Mais sa mère n’est pas d’accord pour qu’il reprenne le flambeau. Elle avait d’autres ambitions pour son fils…

D’autant plus que Daniel allait épouser Mireille, ma mère, armée d’un diplôme de pharmacien et fille d’un paysan bourgeois de l’ouest vosgien
", relate François Piot.

Daniel Piot décide alors d'acheter un autocar et de faire concurrence à ses parents.

En 1986, Daniel Piot rachète Respaut Tourisme

Daniel Piot - Photo Prêt à Partir
Daniel Piot - Photo Prêt à Partir
Quelques années plus tard, il agrandit son entreprise, grâce à l’essor des transports scolaires. En 1975, il crée la Société Anonymes Des Autocars Piot (SADAP) ; puis dans les années 70, le dépôt des autocars déménage de Domrémy à Neufchâteau.

En 1986, Daniel Piot rachète Respaut Tourisme, basé à Pont-à-Mousson.

"En 1986, j’avais 13 ans. Je me souviens, ou je crois me souvenir de cette histoire que j’ai tellement entendue, je me souviens du soir où mon père est rentré à la maison et a dit à ma mère qu’il allait « racheter le Jean-Claude ». « Si tu fais ça, je divorce », avait répondu ma mère tout-de-go. Ils sont toujours ensemble", poursuit François Piot dans son récit.

A partir de là, la SADAP développe son réseau de distribution. En plus des trois agences de voyages de Neufchâteau, Mirecourt et Commercy, elle dispose des points de vente de Voyages Respaut à Pont-à-Mousson, Pompey et Metz.

Jean-Claude Respaut reste dans l'entreprise jusqu’à son départ en retraite en 1999, pour développer le réseau d’agences de voyages. A l'aube du 21e siècle, le Groupe en possède 27.

"Rapidement, en 1989, Jean-Claude ouvre l’agence de Nancy-Raugraff, puis Nancy-Kennedy, sur le viaduc, qui sera le siège de Voyages Respaut jusqu’à l’installation à Gondreville en 1993. Le siège du transport a alors déménagé de Neufchâteau à Gondreville, et l’idée de mon père était de faire de Gondreville un « hub » pour les voyages en autocar", précise le PDG de Prêt à Partir.

Lire aussi : Prêt-à-Partir : "l'attachement du client au vendeur est essentiel" 🔑

F. Piot : "La devise de mon père : diviser pour mieux régner"

En 1996, Daniel Piot, pensant que son fils François ne souhaitait pas reprendre le flambeau, envisage de la vendre à des Suédois.

"J’appelle maman et lui demande d’annoncer à papa que nous allons reprendre l’entreprise avec Christine (son épouse, ndlr). Maman pleurait et papa était fou de joie. Nous étions en 1996 et j’avais 23 ans", relate François Piot.

Le jeune couple intègre le Groupe en novembre 1998. Mais tout ne se passe pas comme espéré. "Il n’y a pas vraiment de place pour nous. La devise de mon père : diviser pour mieux régner.

Papa avait monté les directeurs de l’entreprise les uns contres les autres en leur faisant miroiter qu’il voulait vendre la société à un groupe de cadres du transport. Une fois que les clans s’étaient bien étripés les uns les autres, mon père les avait réunis pour leur annoncer que j’arrivais. Le champ de mines était bien balisé
", se souvient François Piot.

Malade, puis en convalescence durant plusieurs mois, Daniel Piot revient dans l'entreprise. "Il a commencé par me virer de son bureau, il m’a emmené dans la pièce d’à côté (le « mirador », là où nous stockons aujourd'hui le champagne), il m’a annoncé que j’étais directeur général et a refermé ma porte. La formation avait été courte.

Mon père ne m’a jamais accompagné dans une de nos filiales. Jamais on ne nous voyait ensemble, sauf à Gondreville.

J’ai écumé les zones industrielles pour visiter les différents châteaux de notre royaume à Reims, à Dijon, à Chaumont, à Vitry-le-François, à Saint-Dizier, à Saint-Avold… Chaque directeur du transport voyait en moi, au mieux, un concurrent potentiel, et au pire, un espion de papa.

C’est donc tout naturellement que Christine et moi nous sommes tournés vers l’agence, puisque le départ en retraite de Jean-Claude était prévu pour juin 1999
".

L'entreprise sauvée en 2005

En 2001, Daniel Piot confie la présidence du Groupe à François.

"Quand je prends la décision de rejoindre l’entreprise familiale, je suis loin de me douter de l’état dans lequel je vais la trouver. Endettée, pauvre, l’entreprise faisait des pertes, plus ou moins dissimulées dans les comptes, et perdait chaque jour un peu des richesses qu’elle avait accumulées depuis des décennies, souligne le PDG.

La raison essentielle de cette lente décrépitude avait probablement commencé dès le rachat de Gondreville en 1993. Ce déménagement avait entraîné une augmentation des coûts de notre structure, et la marge de manœuvre de l’entreprise était trop réduite".

A cette époque-là, le tourisme en autocar représente 60% du chiffre d’affaires transport du Groupe, et la flotte tourisme est l'une des plus importantes de France. Mais à partir de l’an 2000, l'entreprise entame une phase de reconversion vers le transport public, essentiellement le transport scolaire.

"1999 est notre première alerte. Nous sommes obligés de justifier notre stratégie devant 40 banquiers en juin à Gondreville. Les banquiers se fédèrent finalement pour nous accompagner, après deux heures de négociation orchestrée par la Banque de France. Nous avons eu chaud, mais les banques nous promettent leur aide. Cela s’est passé le 22 juin 1999, 8 mois après mon arrivée dans l’entreprise", se remémore François Piot.

Cette alliance entre les banques va durer 4 ans. "Elle explose en 2003, alors que notre situation, lentement mais sûrement, continue de s’améliorer. Après une réunion désastreuse en septembre 2003, les banques nous lâchent à l’entrée de l’automne, au moment où nous devons payer les voyages de l’été et quand nous manquons cruellement de trésorerie.

Toutes ? Non, une banque, résiste encore et toujours. Ce sera le début d’une longue histoire, d’une autre histoire.

Car le directeur régional de HSBC qui décide de nous aider, de croire en nous, et de faire pour nous ce que nous n’aurions sans doute pas fait pour lui, deviendra quelques années plus tard, grâce à nous, l’heureux actionnaire majoritaire de Tourisme Verney (Prêt à Partir TVD), qui deviendra ensuite Voyagexpert. Vous l’avez reconnu sans doute, il s’agit d’Eric Ritter, banquier, philosophe, agent de voyages (l’ordre change selon son humeur).

Grâce à Eric, nous passons douloureusement l’hiver 2003/2004. A l’époque, je dirige le groupe avec Louis Deville, qui a la lourde responsabilité de gérer la trésorerie (l’absence de trésorerie en l’occurrence).

Cette année 2004 se soldera par la scission de notre activité transport : nous vendons l’équivalent des deux tiers de notre activité transport à Transdev. Transdev reprend aussi les deux tiers des salariés du siège, et s’installe à Gondreville (côté Papinière) pendant 9 ans. Ma seule satisfaction, ma seule fierté, c’est que cette opération se déroulera sans licenciement
".

F. Piot : "Le rêve de mon père était d’atteindre 1 000 cars"

Entre la cession à Transdev et celle de la filiale Bus Est à Connex, ainsi que la vente de plusieurs bâtiments dont Gondreville, François Piot réussit à injecter 10 millions d’euros dans l’entreprise. En 2005, l'exercice est à l’équilibre, les comptes redressés.

"Le rêve de mon père était d’atteindre 1 000 cars. Quand nous avons trébuché en 2004, nous avions 900 autocars. Tout proches du but, si près du cimetière…, rappelle le PDG.

Mon père a travaillé dur toute sa vie, mais il a très mal vécu cette crise presque mortelle à la fin de sa vie professionnelle".

Quelques mois après, au cours de l’été 2005, François Piot convoque ses parents. "Je leur ai avoué combien les deux dernières années avaient été difficiles. Combien je croyais peu en notre capacité à gagner de l’argent en exploitant des autocars, et combien il me paraissait risqué d’avoir des agences de voyages alors que l’avenir, c’était Internet !

Ma totale absence de vision stratégique n’avait d’égale que ma détermination à pousser mon père dehors. C’était lui ou moi, on ne pouvait pas continuer ainsi.

Il représentait le passé, un management d’un autre âge, une gestion approximative, il était craint par ses salariés, détesté par ses concurrents, respecté par tous. Je ne cherchais pas absolument à rester dans l’entreprise mais, si je restais, c’était à mes conditions.

Ma mère a pleuré, mon père m’a insulté, j’étais devenu le seul maître de l’entreprise
, se souvient-il.

Pendant 6 mois, mes parents m’en ont voulu de mon « putsch ». Puis la vie a repris son cours normal. Papa passait régulièrement à Gondreville, très souvent au début, puis un peu moins, et plus du tout au bout de quelques années.

La maladie, qui l’immobilisait petit à petit, mais surtout une forme de distance avec l’entreprise qu’il avait créée à son image, et qui ne lui ressemblait plus beaucoup.

L’ogre du transport, comme le surnommait ses concurrents, était redevenu l’ours au grand cœur, n’osant saluer les collaborateurs qu’il ne reconnaissait pas, ou n’avait jamais connus
".

La rédaction de TourMaG.com adresse à François Piot et à sa famille ses plus sincères condoléances.


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Commentaires

1.Posté par Bertrand BILLEREY le 14/03/2024 18:49 | Alerter
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Toutes nos condoléance à la famille et aux équipes.

2.Posté par RÉMY Annick St Quentin le 15/03/2024 15:43 | Alerter
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Je viens de prendre connaissance du décès de votre papa Je vous adresse mes très sincères condoléances

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