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Morbihan : Rochefort-en-Terre, de l’art et des vieilles pierres

Une étape obligée de la Bretagne intérieure


Rochefort-en-Terre, ce village seigneurial du Morbihan, propose un condensé de patrimoine breton croisé à d’étonnantes influences artistiques. Du haut de son éperon rocheux, placé au-dessus de la vallée du Gueuzon, son château, ses maisons de granit, ses venelles et sa curieuse église bancale en font une étape obligée d’une visite de la Bretagne intérieure. Relancée par un peintre américain au début du 20e s., la commune abrite un inattendu musée des arts imaginaires et quantité de boutiques et d’ateliers d’artisans.


Rédigé par Jean-François RUST le Vendredi 18 Août 2017

Rochefort-en-Terre est un « Village fleuri ». Quatre étoiles, oui monsieur ! - DR : Mairie Rochefort-en-Terre
Rochefort-en-Terre est un « Village fleuri ». Quatre étoiles, oui monsieur ! - DR : Mairie Rochefort-en-Terre
« Plus beaux villages de France », « Petite Cité de Caractère », « Village fleuri » : n’en jetez plus, le granit de Rochefort-en-Terre va rougir !

Le destin offre à des villages des avantages qu’elle refuse à d’autres.

Tenez, ici. Le site d’implantation du bourg est déjà un argument : un éperon schisteux posé entre bois et ravins, sur lequel s’accrochent de nobles demeures sous un château médiéval remanié.

Comme souvent, il faut remonter au Moyen Age pour sonder l’origine du village. Au 12e s., un seigneur fait édifier ici une forteresse, profitant de la position dominante de l’éperon. Opportunément nommé Roche Forte, il donne son nom à la famille et à la localité.

Au 14e s., l’alliance des Rochefort et des Rieux apporte une certaine tranquillité et la prospérité. Le village est en plus situé sur la route du sel, qui passe ici depuis Guérande pour être acheminé en Bretagne intérieure.

Un tuteur pour Anne de Bretagne

Comme d’autres seigneurs bretons, les Rieux-Rochefort s’opposent à l’annexion de la Bretagne par le Royaume de France.

Mais vaincus par les troupes du roi Charles VIII à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488), le duc de Bretagne et ses alliés voient quantité de leurs châteaux détruits.

Qu’à cela ne tienne ! Chanceux comme il n’est pas permis, Jean IV de Rieux-Rochefort a été le tuteur d’Anne de Bretagne… qui est devenue entretemps reine de France par son mariage avec Charles VIII. Bonne âme, celle-ci lui offre 100 000 écus d’or pour reconstruire le château !

C’est ainsi que Rochefort-en-Terre s’embellit, s’entoure de fortifications plus résistantes (visibles en parcourant le chemin des Douves), de portes (comme celle de l’Etang), insère du gothique dans son église romane, s’adjoint un collège de chanoines…

En contrebas du château, les classes intermédiaires du clergé, les gens d’épée, les notables édifient aux 16e et 17e s. de beaux logis de granit, percés de fenêtres Renaissance, agrémentés ici et là de tourelles d’angle à encorbellement.

Place des Halles, agora principale de Rochefort-en-Terre au 17e s, l’hôtel Burban sert de prison seigneuriale.

Place du Puits, sans doute la plus esthétique du bourg avec ses demeures nobles et ses maisons à colombages, l’actuel office de tourisme abrite le tribunal seigneurial.

Notre-Dame-de-la-Tronchaye

Le peuple des artisans et des marchands s’abrite dans des habitations plus modestes, en bas du bourg. On en découvre certaines dans la rue du Vieux-Bourg, qui mène à la place Saint-Michel.

Là se tient la chapelle Saint-Michel-de-la-Grêle, également construite dans ce 17e s. décidément très en vue dans ce village.

A ce stade, il faut dire aussi que Rochefort-en-Terre a bénéficié auparavant d’un « fait divers » religieux qui conforte sa réputation.

Une tradition populaire veut qu’au 10e s., un prêtre cacha dans le creux d’un arbre une statue en bois de la Vierge, pour qu’elle ne soit pas volée lors des invasions normandes. Deux siècles plus tard, une bergère l’aurait miraculeusement retrouvée, décidant le clergé à construire une église à l’endroit de la découverte.

C’est ainsi que Notre-Dame-de-la-Tronchaye (mot issu de « tronc ») se trouve curieusement bâtie en retrait et en contrebas du bourg, sur des terres hélas instables.

A côté des embellissements gothiques menés par Jean IV de Rieux-Rochefort, elle nécessitera quantité de renforts pour la stabiliser, lui donnant cette allure unique romano-gothico-Renaissance un peu bancale. Elle accueille chaque année un pèlerinage, le dimanche après le 15 août.

Artisans d’art

Après l’épopée des Rieux-Rochefort, que deviennent le bourg et son château ? A la Révolution française, ce dernier est une nouvelle fois détruit.

Fin de la période bénie pour le village ? L’espace d’un siècle, peut-être, mais au début du 20e s., un homme providentiel arrive, Alfred Klots.

Ce peintre portraitiste américain tombe amoureux du village et rachète les ruines du château, qu’il transforme en manoir luxueux.

A l’image de ce qu’il s’est passé quelques années auparavant à Pont-Aven - certes avec moins de retentissement -, il fait venir de nombreux amis peintres. Le village revit.

Après sa mort en 1939, son fils perpétue la tradition. Elle encouragera plus tard des artistes et des artisans d’art à s’installer à Rochefort-en-Terre.

Aujourd’hui, une balade pédestre dans les ruelles implique nécessairement de croiser ces boutiques de créateurs, les broderies d’art de Céline Lecoq, les créations ardoisières de Romuald, les cuirs de Jean-Luc Mignon, les métaux design de Marc Sparza…

Quant au château, mélange de vestiges médiévaux (châtelet, remparts) et d’un corps de logis du 20e s., il est aujourd’hui propriété de la commune et son parc est ouvert au public.

Il accueille plusieurs manifestations, dont un festival de chant choral (en juin), un marché potier (en juillet) et une fête médiévale (en août).

Surtout, le parc abrite l’un des plus étonnants musées qui soit : Naïa Museum, consacré aux arts de l’imaginaire. Il valorise les œuvres d’artistes internationaux adeptes du naïathèmisme (sic), un courant tout juste créé qui promeut l’art fantastique et imaginaire, en réaction à un art conceptuel considéré comme trop dominé par la pensée unique.

Bref, vous y verrez de l’art cinétique, visionnaire, monumental, numérique, ludique, interactif… Amateurs de classique, s’abstenir !

Schiste noir

Cette pérégrination villageoise ne serait pas complète sans parler des fleurs.

Nous le disions en introduction, Rochefort-en-Terre est un « Village fleuri ». Quatre étoiles, oui monsieur !

C’est encore le bienfaiteur Alfred Klots qui en est à l’origine. En encourageant les habitants à fleurir leurs maisons et balcons, il a institué une tradition qui perdure.

Les jardinières et la glycine géante sur la mairie sont les symboles d’un embellissement que l’on découvre place du Puits et dans les ruelles, au sol et sur les façades.

Pour l’anecdote, les habitants auraient encore le droit de déposer l’hiver leurs plantes les plus fragiles dans la serre du château !

Si la balade n’a pas épuisé vos ressources, un petit tour hors du village s’impose. Collée au bourg, la colline des Grées et son schiste noir offre un paysage pittoresque, avec ses anciennes ardoisières.

Des chemins creux en sous-bois, le long de l’étang du Moulin Neuf, permettent aussi de découvrir l’environnement naturel d’une cité qui n’a décidément pas à se plaindre de sa destinée.

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