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Impact Consultants : "la consolidation est l'un des gros enjeux du business travel"

L’interview de Rodolphe Lenoir, cofondateur d’Impact Consultants.


Intelligence artificielle (IA), NDC, emploi, Jeux Olympiques… Quelles évolutions connaîtra l’industrie du tourisme ? Eléments de réponse avec Rodolphe Lenoir, cofondateur du cabinet Impact Consultants.


Rédigé par le Lundi 15 Juillet 2024

"L'important pour les entreprises est d'avoir à la fois un plan, une capacité à s'adapter et des options de diversification. Il s’agit d'être capable d'être assez agile pour saisir les opportunités", affirme Rodolphe Lenoir, cofondateur d’Impact Consultants. @impact consultants
"L'important pour les entreprises est d'avoir à la fois un plan, une capacité à s'adapter et des options de diversification. Il s’agit d'être capable d'être assez agile pour saisir les opportunités", affirme Rodolphe Lenoir, cofondateur d’Impact Consultants. @impact consultants
TourMaG.com – Qui est Impact consultants ?

Rodolphe Lenoir : Impact consultants est un cabinet de référence dans les secteurs du travel en général : tourisme de loisir et affaires, transport, mobilité, hospitalité, en passant par la travel tech, les parcs de loisir… mais aussi de la santé.

Nous existons depuis un peu plus de 3 ans. Le cabinet compte aujourd’hui 15 collaborateurs, dont une personne à Monaco et une autre à Londres, pour répondre à nos clients en France et à l'étranger.

Notre domaine de focus, c'est la croissance. Nous accompagnons les entreprises dans leur plan de croissance, à la fois sur leur stratégie et jusqu'à l'opérationnelle.

TourMaG.com - Vous êtes l’un des cofondateurs et avez une importante expérience dans l'industrie du tourisme.


Rodolphe Lenoir :
C’est une autre spécificité de notre cabinet : Toute l’équipe a travaillé dans le secteur.

Personnellement, j’ai plus de 25 ans d’expérience dans l'industrie du tourisme. J’ai travaillé 15 ans chez Air France, trois ans chez CWT et trois autres années au sein de la chaîne d'hôtels Marseillaise, Vacances Bleues. Cela me donne une vue assez complète, bien que l’on n'a jamais fait le tour du secteur.

"Etre capable d'être assez agile pour saisir les opportunités"

TourMaG.com – Comment le Covid a impacté l’industrie du tourisme ?

Rodolphe Lenoir :
Le covid a accéléré certaines transformations, telle que la RSE, même si c’est un peu retombé ces derniers temps.

L’industrie est très soumise aux cycles. Moi, je viens de l'aérien. Tous les 3 ans, chez Air France, on vivait une crise.

L'important pour les entreprises est d'avoir à la fois un plan, une capacité à s'adapter et des options de diversification. Il s’agit d'être capable d'être assez agile pour saisir les opportunités. Je pense que le Covid a renforcé cela.


TourMaG.com - Quelle est votre vision aujourd'hui de l'industrie du tourisme ?

Rodolphe Lenoir :
C'est un secteur qui est en transformation constante.

Si je prends l’exemple d’Internet, la première industrie qui s'est fait disrupter par internet, c'est le tourisme. On annonçait la mort des agences de voyages à l'époque. Aujourd’hui, il y en a encore plus de 4000 en France.

Et il y a de très belles agences, de nouveaux concepts, y compris d'agences offline.

Aujourd'hui, il y a un sujet qui est l'IA. Effectivement, l'IA va disrupter beaucoup de choses, le travel en fait partie. Il y a forcément un sujet majeur sur lequel l'industrie a besoin de se réinventer. Le tourisme est capable de s'adapter.

J'étais au Forum des pionniers du travel, j’ai à nouveau constaté que les gens sont passionnés par leur métier. Il y a une vraie passion pour les clients, pour le secteur, pour les produits.

Le tourisme est aussi une industrie dont l'écosystème de la distribution est ultra complexe.

C'est aujourd'hui en France, une industrie qui a besoin de continuer à se poser des questions et à se réinventer. Et on sent quand même certains freins.

Consolidation business travel : "attention à ce que ça ne soit pas encore drivé par les US ou les Chinois"

TourMaG.com - Vous parlez de se réinventer. Dans quelle direction l’industrie doit-elle aller ?

Rodolphe Lenoir :
Il y a plusieurs sujets. Il faut se réinventer ou évoluer, mais il y a également un sujet sur les équipes : Comment attirer la nouvelle génération dans le métier ? Comment la garder ? Comment la motiver ?

C'est justement la capacité de laisser une opportunité à des employés moins techniques. Par exemple, auparavant, il fallait des semaines et des semaines de IATA pour émettre un billet. Aujourd'hui, avec NDC, avec les UX à disposition, nous sommes capables en deux jours de former des gens.

On passe d'une industrie de techniciens à une industrie qui doit intégrer que bien qu’il y ait beaucoup de technique derrière, les gens en front sont plus dans l'humain, dans l'empathie.

Il y a un deuxième challenge qui est permanent dans l'industrie, c'est la techno. Il y a un vrai retard en France sur NDC par rapport à l'Amérique, à l'Espagne. Il y a un vrai frein des agences, alors que NDC ouvre plein de perspectives, bien que ce ne soit pas parfait aujourd'hui.

Il y a un besoin pour les agences, de réinventer leur modèle économique, la manière dont ils travaillent et avec quels outils. Les agences n’en ont pas pris conscience.

Troisième sujet : la consolidation du marché.

Sur le business travel par exemple, il y a une grosse consolidation avec le rachat de CWT par Amex GBT., mais en même temps, il y a des nouveaux acteurs, comme Navan et Supertripper en France. La tech crée des opportunités.

La consolidation d’Amex avec Egencia et CWT crée également un espace pour des petites agences. Et franchement, il y en a qui marchent très bien. En France, les réseaux intégrés permettent d'avoir des achats à des prix corrects, d'avoir accès à la techno.

Il y a beaucoup d'agences mid-size en France qui sont très bien, mais je pense qu'à terme, il y aura potentiellement une consolidation et il faudra faire attention à ce que ça ne soit pas encore drivé par les US ou les Chinois.

C'est un gros enjeu du secteur, parce que derrière il y a des gens et des changements, c'est bien de racheter des boîtes, mais ensuite, il faut réussir les synergies.

"l’IA peut alimenter de nouvelles idées, peut laisser plus de temps à l'interaction humaine"

TourMaG.com - Toujours sur le volet tech, comment réagit l’industrie par rapport à l'IA ?

Rodolphe Lenoir :
Il y a plusieurs cas de figure. Certains ont envie d'y aller et testent des choses. Comme pour tous les changements, il faut le prendre à bras-le-corps et le voir comme une opportunité.

Dans mon domaine, dans le consulting, l'IA est majeure, car un de nos jobs est de faire des recherches pour nos clients, de faire du benchmark et d'amener des méthodes.

Soit on regarde le truc en se disant que c'est horrible pour les modes de conseil, on ne pourra plus embaucher de juniors demain. Nous, nous pensons que ça nous fait gagner du temps, pour faire d'autres trucs et faire mieux.

Il faut que ce soit pris comme une opportunité. C'est ça le sujet.


TourMaG.com – Jusqu'à quel point on peut parler d'opportunité ? Dans la distribution, est-ce que l’IA permettrait de résoudre des difficultés de recrutement, par exemple ?

Rodolphe Lenoir :
L'IA va générer des gains de productivité, c’est certain. Après, moi, je suis une agence, je me pose la question : comment je peux recruter ?

Qu'est-ce que je peux faire pour recruter les profils que je recherche et pour offrir un meilleur service à mes clients ? Plutôt que de faire des tâches répétitives qui n'ont pas de valeur ajoutée pour mes clients. Le premier itinéraire peut être créé sur chat GPT.

Sur du front-office, sur la création de voyages, l’IA peut alimenter de nouvelles idées, peut laisser plus de temps à l'interaction humaine, etc…
Avec l’IA, on conserve cette notion de service qui répond à l'industrie du tourisme, y compris dans le voyage d'affaires.

"un ADN fort et une cohérence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait"

TourMaG.com – Quel est l’avenir de l’agence physique ?

Rodolphe Lenoir :
Il y a des moments clés dans le voyage où les gens ont besoin de réassurance. Et la réassurance, ce n'est pas un robot qui va l’offrir, mais bien quelqu'un. Au moment où on va appuyer sur le bouton pour partir en Amérique latine, ou pour faire un voyage d'affaires en Chine, c'est là qu’on aura besoin de parler avec quelqu'un.

L'évolution de l’agence de voyages doit aller vers un multi-canal, qui doit être en capacité d'interagir entre un monde virtuel et un monde réel.


TourMaG.com - Est-ce que l’agence doit répondre à un concept pour durer ?

Rodolphe Lenoir :
Il y a plein d'agences qui s'en sortent très bien sans avoir de concept. Pourquoi ? Parce qu'elles ont cette notion de proximité au service du client et qu'au-delà du concept, c'est la première chose qu'attendent les clients : le bon prix, le bon service, et de la proximité.

Après, tout ça, il faut le marketer. On revient sur un sujet sur lequel on accompagne aussi nos clients sur la partie marketing : le positionnement.
La création de valeur est liée à un ADN fort et une cohérence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. C'est presque le plus important.

Et qu'on soit une agence de quartier et qui ne prétendent pas avoir un super concept, mais qui disent : « Je suis votre agence de proximité dans la ville. Je ne suis pas un spécialiste d'une destination, mais je suis capable de vous accompagner et je vous comprends car je connais les gens de ma région. Je vais recruter des jeunes qui ont cette volonté d'accompagner. » C'est ça qui est important.

Il faut être conscient de son ADN, le refléter dans son positionnement et dans ses actions, y compris dans son recrutement. Et il n'y a pas besoin de dire à chaque fois qu'on a un super concept.

Pour un tour-opérateur, c'est un peu différent. Je pense qu'il faut qu'un tour opérateur soit positionné et qu'il ait un concept. Mais de la même manière, c'est toujours une question de promesse derrière et de la tenir.

RSE : "un changement structurel plus fort dans le voyage d'affaires"

TourMaG.com - Vous affirmez que l’engouement autour de la RSE est retombé ?

Rodolphe Lenoir :
C'est factuel. On le voit dans la reprise de l'aérien.

Les gens adhèrent, globalement à cette idée d'écologie, à 80-90 %. Après, quand on leur demande s’ils sont prêts à prendre plus de temps pour voyager ou payer un peu plus cher, etc… ? Alors là, ça retombe à 20-30 %.

Je pense que ça évolue doucement.

Après, en termes de RSE, tout n’a pas été abandonné. Il y a eu un changement structurel plus fort dans le voyage d'affaires.

Si le voyage d'affaires n'a pas repris, c'est qu'il y a des habitudes qui ont changé. La politique RSE d'une entreprise a un impact sur sa politique de voyage. On fait moins d’allers-retours à la journée en avion en Europe. Et c'est bon pour le carbone.

Idem, les normes dans l'événementiel sont vraiment importantes.

Après, les acteurs loisirs eux-mêmes font des efforts. Dans l'hôtellerie, beaucoup de choses ont été mises en place sur les circuits courts.

C'est un peu noir de dire tout est retombé, mais dans la conscience des clients, entre un voyage au Maroc en avion qui coûte 399 euros et la location d’une voiture électrique pour aller à Bretagne, qui va coûter plus cher.

Je pense que beaucoup de familles choisissent le Maroc. Ce n'est pas la destination, c'est n'importe quelle destination, mais c’est le prix.

TourMaG.com - Est-ce qu'il y a d'autres sujets à surveiller pour les mois ou années à venir ?

Rodolphe Lenoir :
Je pense qu'il y a une situation géopolitique forte. C'est évident.

Autre sujet dans le mois à venir : les JO de Paris.


TourMaG.com – Les JO sont-ils une opportunité ?

Rodolphe Lenoir :
Ils sont là, donc, il faut les transformer en opportunité. Les JO de Paris 2024 auront un impact négatif. Air France vient de communiquer sur les chiffres.

J’ai vécu la Coupe du monde 98 chez Air France. A chaque fois, on se dit que ça va générer plein de trafic, mais c'est toujours la même chose : il y a du trafic anticipé pour les gens qui vont à l'événement, mais tous les autres, ils ne veulent plus y aller.

Ceux qui se sont trop envolés sur les prix, ont mal géré cette opportunité.

Après, il y a un sujet à court terme. Comment optimiser l'existant ? Je pense que les JO vont créer une opportunité. Si on regarde Barcelone, les JO ont transformé l’image de la ville. Ils ont été le début du boost du tourisme.

Je vis à Marseille, j'ai vécu l'arrivée de la flamme à Marseille. Je peux vous dire que c'était une dynamique fantastique. Une image extraordinaire de Marseille.


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